Des abeilles ou du sucre ?

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Dans les années 90, une nouvelle famille d’insecticides a été mise sur le marché: les néonicotinoïdes. Présentés à l’époque comme une avancée majeure pour les agriculteurs et la sécurité des citoyens, l’imidaclopride, la clothianidine et le thiamethoxam se sont rapidement révélés avoir un effet désastreux sur l’environnement.

 Leur utilisation a rapidement mené à des hécatombes dans le secteur apicole. Dès leur autorisation sur tournesol en France au milieu des années 90, les apiculteurs ont constaté une hausse importante des mortalités dans leurs colonies d’abeilles exposées à ces insecticides. En 2013 et suite à une mobilisation massive des apiculteurs, des associations environnementales et des citoyens, l’utilisation des néonicotinoïdes a été restreinte aux cultures non-visitées par les abeilles. Ce fut une avancée importante dans la protection de l’environnement mais il a été démontré depuis que les caractéristiques particulières de ces molécules remettent en cause cette distinction entre cultures attractives pour les abeilles ou non.

En effet, les néonicotinoïdes sont des substances actives à très faibles doses et qui persistent souvent plus de 10 ans dans les sols avant de se dégrader. De plus, le fait que ce soit les semences (betteraves, chicorée,…) qui soient traitées fait que plus de 90% de l’insecticide reste dans le sol et n’est pas absorbé par la plante. Les sols sont donc contaminés, tout comme les eaux de surfaces suite au ruissellement des sols. Les cultures suivantes, telles que le colza, plante hautement attrayante pour les abeilles, seront donc contaminées et les abeilles seront à nouveau exposées aux néonicotinoïdes, avec les conséquences que l’on connaît. Outre la disparition des abeilles et des bourdons, les papillons et le monde des insectes en général sont en déclin. Il en est de même pour les oiseaux insectivores qui manquent de ressources alimentaires.

 Suite à de nombreuses publications scientifiques démontrant les dangers posés par l’usage des néonicotinoïdes, en 2017, la Commission Européenne a exprimé la volonté d’interdire tout usage en champ de ces 3 néonicotinoïdes. Cette proposition nécessite d’être approuvée par les Etats membres. Ces derniers voteront donc ce 27 avril. L’Allemagne a déjà déclaré qu’elle se prononcerait en faveur de cette proposition. Alors qu’en 2013, la Belgique avait soutenu la proposition de restriction, cette fois, étonnamment,  notre pays s’apprête à voter contre cette proposition d’interdiction visant à protéger nos abeilles.

 En effet, le secteur betteravier a joué un lobbying massif aux niveaux belges et européen afin d’obtenir une dérogation à l’interdiction. Pourtant l’Autorité européenne de sécurité des aliments (l’EFSA) a clairement indiqué qu’il n’existait pas d’utilisation sûre des néonicotinoïdes sur betterave, notamment de par le risque posé par les résidus laissés dans les champs pour les cultures suivantes.

 Contrairement aux messages fréquemment véhiculés, il existe des alternatives aux néonicotinoïdes, même pour les betteraves. Illégales de par leur toxicité maintenant clairement avérée pour les abeilles, maintenir ces substances donnerait un signal négatif au secteur betteravier fortement dépendant de l’agrochimie. En effet, ces poisons sont de moins en moins efficaces car les insectes visés (notamment les pucerons) deviennent résistants. Cela nécessitera d’augmenter les doses ou de développer de nouveaux insecticides plus puissants encore. Et l’histoire se répètera… Pensons également à la mise en place d’un soutien aux agriculteurs qui développent des alternatives aux néonicotinoïdes.

 En Belgique, le secteur betteravier bio est inexistant, écrasé pour une industrie sucrière reposant sur un modèle d’agriculture intensive. Pourtant dans certains pays (Autriche, Suisse), le secteur de la betterave bio se porte bien. Dans le nord de la France, il est en développement également. Étant entendu que depuis la fin des quotas betteraviers, le marché de la betterave s’est effondré, notre pays ne devrait-il pas s’orienter vers une production respectueuse des abeilles et de notre santé en phase avec la demande des consommateurs ?

Pour finir, la majeure partie de la production issue de la betterave à sucre ne nourrit pas la population  alors que son coût environnemental (pesticides, engrais chimiques, érosion des sols) est énorme.

Nature & Progrès Belgique, Natagora, IEW et le PAN Europe soutiennent un modèle d’agriculture familiale et écologique. Suivant l’exemple de la France ou du Royaume Uni, nous demandons au ministre fédéral de l’agriculture Denis Ducarme, de soutenir la proposition européenne d’interdiction en plein champ des néonicotinoïdes. Nous soutenons également l’utilisation des terres agricoles pour une production de qualité, durable et nourricière.

Pour Nature & Progrès, Marc Fichers
Pour le Pan Europe, Martin Derminne
Pour IEW, Christophe Schoune
Pour Natagora, Philippe Funcken

Des études alarmantes montrent une disparition inquiétante des insectes et des oiseaux.

Durant ces quelques semaines, plus de 50.000 hectares sont en train d’être semés pour les betteraves. En Belgique, le secteur betteravier BIO est inexistant, écrasé pour une industrie sucrière reposant sur le modèle de l’agriculture intensive.