Sur fond de crise sanitaire, nos comportements de mobilité ont brutalement changé. Voies lentes, sentiers, chemins champêtres se doivent désormais d’être réhabilités. Pour nos loisirs mais aussi et surtout pour nos déplacements locaux, utiles et quotidiens. Avec la mobilité douce, la transition énergétique est… en marche ! Pedibus cum jambis !

Texte et photos de Marc Fasol

Introduction

Chacun aura pu le constater, l’année écoulée fut l’objet de nombreux changements dans notre façon de vivre, de se déplacer et de goûter aux choses simples. Un véritable regain d’intérêt s’est subitement manifesté pour la marche à pied, les promenades à vélo, les déplacements locaux et le tourisme de proximité. Nous avons encore tous en mémoire ces interminables colonnes de marcheurs dans les Hautes-Fagnes, lors des premières chutes de neige. Alors que la crise sanitaire nous fermait les frontières avec, à la clé, une interdiction de se rendre à l’étranger, aux sports d’hiver, les mesures sanitaires – confinement et déconfinement successifs – ont finis par nous envoyer tous promener.

La neige, c’est lumineux. On comprend dès lors pourquoi des gens, pour certains au chômage forcé depuis un an, enfermés comme des fous, se soient ainsi rués sur les grands espaces naturels ou en forêt de Saint-Hubert, explique un agent de la DNF, ce n’était pas seulement l’évasion, mais aussi pour nous, l’invasion. Une situation ingérable sur une superficie aussi restreinte. Les pouvoirs publics se sont vus contraints de multiplier les interdictions jusqu’à envoyer des hélicoptères pour refouler les promeneurs. Du jamais vu ! On s’est aussi rendu compte que la demande de pouvoir circuler en forêt, en pleine nature était immense. Clairement, il y aura un avant et un après Covid

À propos de nos libertés sans cesse réduites, le philosophe Pierre Rabhi n’évoquait-il pas “la civilisation carcérale” ?

Passer en mode “mobilité douce”

De manière générale, c’est le tourisme local, et toute l’économie qui en dépend, qui devraient pouvoir en bénéficier. Une manière de relancer à terme des secteurs si durement touchés par la crise. Mais si la mobilité douce a connu de belles avancées, en Wallonie, ces dernières années, notamment au travers du réseau Ravel, et plus récemment encore, par l’irruption du réseau les points-nœuds – Wallonie picarde, Brabant wallon et cantons de l’Est -, ces carrefours numérotés auxquels nos voisins flamands et néerlandais sont familiarisés depuis bientôt une vingtaine d’années – knooppunten -, tout cela reste essentiellement des déplacements de loisirs.

Le nombre de kilomètres parcourus, à pied ou à vélo, par les Belges a beau augmenter, si les gens se rendent en voiture au départ des différents parcours pédestres ou cyclables, il n’est toujours pas question de comportements véritablement durables et d’alter-mobilité.

En politique, on parle énormément de plans de mobilité mais rarement des chemins et encore moins de sentiers”, déplore Marc Blondeel, très actif avec une poignée de riverains pour réhabiliter, dans son propre village, ces voiries alternatives. La population est, en effet, tout aussi demanderesse de mobilité douce pour ses déplacements quotidiens. A savoir les itinéraires empruntés pour se rendre aux différents lieux de vie sur de courtes distances, comme ceux pour aller chercher son pain le matin, faire ses courses au marché, promener son chien, se rendre à l’arrêt de bus, à la gare ou encore pour que les enfants puissent tout simplement se rendre à l’école en toute sécurité sans devoir passer par les cases “papa-taxi” et “école drive in”.

Jadis, ces chemins utilitaires étaient appelés “chemins de messe”. Les villageois ne prenaient pas leur voiture pour aller s’acheter un paquet de cigarettes. Ils se rendaient au magasin du village à pied. Il existait aussi des chemins inter-villages. Tout bon pour la santé ! La conservation du maillage de mobilité douce est pourtant cruciale pour les générations futures. Pour y travailler, l’association “Tous à pied” travaille, depuis quelques années, à développer la culture de la marche utilitaire, en accordant une attention particulière à la valorisation de ce genre de petites voiries publiques. S’arranger pour qu’elles soient accessibles à tous, les rendre agréables à emprunter et, à terme, inciter les concitoyens à changer leurs habitudes de mobilité… Tout un programme !

Le nouveau décret, adopté par le Parlement wallon en février 2014, a justement pour but de préserver « l’intégrité, la viabilité et l’accessibilité des voiries communales« , ainsi que d’améliorer leur maillage. Il tend aussi, selon les modalités que le Gouvernement fixe, et en concertation avec l’ensemble des administrations et acteurs concernés, à ce que les communes « actualisent leur réseau de voiries communales« . Il n’existe plus désormais qu’un seul régime juridique et un seul type de voiries : la voirie communale. La loi antérieure étant abrogée par le même décret. A noter que le nouveau texte instaure également un système d’infraction en la matière, avec possibilité de lever des sanctions.

Entré en vigueur le 1er avril 2014, l’Atlas des voiries communales remplace l’ancien Atlas des chemins vicinaux qui datait de… 1841 ! Dans ce document, on retrouvera les plans des voiries communales, leur description, ainsi que toutes les décisions administratives et juridictionnelles les concernant. Grande simplification : la gestion des voiries communales incombe désormais à la commune.

Redécouvrir son quartier, son village…

Le moyen le plus efficace de protéger tous ces petites voiries publiques reste évidemment de pouvoir les utiliser afin d’éviter qu’ils ne disparaissent progressivement sous les ronces. Mais voilà, depuis que la société est passée au tout à la voiture, beaucoup de nos anciens chemins et sentiers ont disparu sur la pointe des pieds. Presque toujours de manière illégale ! Ici, les agriculteurs les ont grignotés voire labourés, ailleurs d’indélicats propriétaires les ont clôturés, quand tout n’est pas sciemment organisé pour essayer de dissuader le passage. D’autres encore ont tout simplement été asphaltés…

L’usage des sentiers et chemins, tel qu’il figure dans le nouveau décret entré en vigueur le 1er avril 2014, est pourtant clair : il correspond à un « passage continu, non interrompu et non équivoque, à des fins de circulation publique ». Il ne s’agit donc pas d’une simple tolérance du propriétaire, au cas où l’assiette du chemin en question serait privée.

Hélas, certains ne le voient pas toujours d’un bon œil et croient qu’on veut embêter les propriétaires. On nous voit comme des éléments perturbateurs”, regrettent les membres de l’association locale “Sentiers libres”. Notons encore que le procédé d’appropriation d’un sentier ou d’un chemin, appelé “prescription trentenaire extinctive”, n’existe plus depuis le 1er septembre 2012. “Lors des démarches entreprises pour réhabiliter car il s’agit bien de “réhabiliter” l’utilisation des chemins et non de les “ouvrir”, comme le prétendent certains propriétaires de mauvaise foi –, on essaie, dans la plupart des cas, de trouver des solutions à l’amiable : tourniquets, chicanes, potelets, échaliers ou encore barrières ouvrables sont des aménagements permettant de limiter le passage aux utilisateurs non motorisés”. Par ailleurs, le balisage est, quant à lui, dûment normalisé par la réglementation – couleurs et formes -, en fonction du type d’utilisateurs : piétons, cavaliers, vélos, fondeurs, etc.

Chaque année, en octobre, une grande opération de sensibilisation est organisée par l’association “Tous à pied”. “La Semaine des Sentiers” offre la possibilité non seulement de protéger le réseau de voies lentes, de les restaurer, mais aussi de les valoriser aux yeux des riverains et donc de les faire (re)-connaître du grand public. Rien de tel que la marche pour découvrir sa région, le patrimoine local, la nature et, chemin faisant,… de se refaire une santé.

“Tous à pied”, mode d’emploi

Si votre ville ou votre commune, consciente de l’intérêt de la mobilité douce, souhaite recevoir de l’aide et offrir à ses habitants la possibilité de se déplacer autrement, de développer un réseau adapté aux déplacements doux, une expertise préalable est nécessaire. Celle-ci peut cependant s’avérer lourde et particulièrement complexe. Et donc nécessiter de l’aide. Comment procéder ?

– Etape 1 : sur demande, l’association élabore d’abord un inventaire de droit et de fait. Idéalement, cette démarche doit être faite par les citoyens bénévoles, histoire de les impliquer au maximum ;

– Etape 2 : on passe à l’étape suivante : la conception d’un maillage structuré pour relier les villages et les quartiers entre eux, mais aussi les pôles principaux entre eux : arrêts TEC, gare, administration communale, écoles, sites touristiques, syndicats d’initiative, etc.

– Etape 3 : la dernière étape consiste à cartographier et à baliser. La signalisation assure la visibilité et la promotion du réseau.

Basket d’or

Depuis quelques années, les initiatives remarquables sont régulièrement récompensées. Ainsi, en 2013, la ville de Chaudfontaine avait reçu une mention spéciale du jury lors de l’élection de la commune la plus durable de Belgique. Et ce, notamment, parce qu’elle avait développé un réseau de mobilité douce entre les différents villages de l’entité.

En 2020, quarante-huit communes de Wallonie ont, par ailleurs, reçu le label “Commune pédestre”, accumulant le nombre de baskets un peu comme les étoiles en restauration. Elles y sont arrivées en valorisant leur réseau de petites voiries par des actions favorables à la mobilité active, alternative à la voiture : inventaire, balisage, création d’une Commission sentiers, etc.

En 2020 encore, le “Prix de la Basket d’Or” est ainsi revenu à la commune de Namur, notamment parce qu’elle a investi dans une passerelle cyclo-piétonne : l’Enjambée. L’endroit porte bien son nom pour les pedibus : Jambes !

Adresses utiles :

– “Tous à Pied”
Élise Poskin – elise.poskin@tousapied.be081/39.07.13
Boris Nasdrovisky – boris.nasdrovisky@tousapied.be081/39.08.11

– “Géoportail de la Wallonie, le site de l’information géographique wallonne”
Pour connaître l’histoire d’un chemin, en remontant le temps, sur WalOnMap, vous trouverez toute la Wallonie en carte, de 1777 – les cartes de Ferraris – à nos jours – photos satellites. Cliquez sur “Voyage dans le temps” et encodez une adresse. Ludique et fabuleux !
https://geoportail.wallonie.be/walonmap#BBOX=