La Belgique octroie quatre nouvelles dérogations pour l’usage de produits pesticides à base de flupyradifurone, l’un des insecticides de type néonicotinoïde nouvelle génération mis sur le marché en 2015.

Abeille sur pommier

Ces produits sont déjà autorisés en plein air pour la production de houblon ou de fruits (raisin, pomme, poire, etc.) et sous serre pour certains légumes (courgette, aubergine, etc.) ou petits fruits (fraise, framboise, mûre, etc.). Pourtant, la dérogation – dite d’urgence phytosanitaire et relevant de la législation européenne sur les pesticides – permet d’étendre l’application de flupyradifurone à plusieurs variétés de choux (chou-fleur, chou-rave, chou de Bruxelles, chou brocoli, etc) pendant une période de 120 jours comprise entre le 1er juin et le 28 septembre 2022.

Une substance neurotoxique

Tout comme le sulfoxaflor, dont l’homologation européenne est en sursis, le flupyradifurone est une substance neurotoxique perturbant le fonctionnement du système nerveux de l’insecte ravageur ciblé (ici, le puceron et la mouche blanche) pour l’éradiquer, avec, au passage, des effets collatéraux sur d’autres insectes non visés et inoffensifs pour les cultures traitées, en particulier les pollinisateurs. Comme ce fut le cas pour les néonicotinoïdes de 1ère génération (imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine et fipronil) dorénavant interdits au niveau européen, les preuves scientifiques de la toxicité du flupyradifurone pour les abeilles s’accumulent.

La littérature scientifique a déjà identifié des perturbations majeures consécutives à une exposition au flupyradifurone avec un impact sur :

  • le comportement alimentaire (consommation de nectar) et de butinage,
  • la thermorégulation
  • Et la motricité de ces précieuses butineuses…

…diminuant ainsi encore davantage leur chance de survie. Pour certaines abeilles sauvages, en particulier l’abeille Megachile rotundat, le flupyradifurone présente une toxicité aigüe plus de 15 fois supérieure à celle des abeilles domestiques. Plus de 1.400 espèces d’abeilles sauvages sont des Megachile rotundat et beaucoup d’entre elles butinent les cultures et les fleurs sauvages à proximité des parcelles agricoles. De nombreuses plantes attractives pour les abeilles domestiques sont également visitées par les Megachile, qui pourraient donc être exposées à des doses de flupyradifurone présentant une toxicité aiguë, tant dans les champs agricoles qu’en dehors.

Flupyradifurone : les preuves scientifiques sont nombreuses

En permettant la pulvérisation de ces produits en plein champ et sans aucune mesure de réduction des risques (autre qu’une zone tampon de 20 mètres), l’Etat belge choisi d’ignorer les nombreuses preuves scientifiques disponibles alors qu’il devrait au contraire soigneusement évaluer toute nouvelle étude afin de compenser les lacunes du système actuel d’évaluation des risques pour préserver la biodiversité et les abeilles. Il aura fallu environ 25 ans pour interdire au niveau européen les utilisations de l’imidaclopride, du thiaméthoxame, de la clothianidine et du fipronil. Avec l’arrivée de nouveaux néonicotinoïdes, quelle chance reste-t-il aux abeilles quand l’Etat belge continue d’octroyer chaque année des dérogations temporaires à l’interdiction européenne pour ces anciens néonicotinoïdes ?