Le Sulfoxaflor est un insecticide systémique qui agit en tant que neurotoxine et contre lequel Nature & Progrès travaille depuis longtemps. Ce dangereux pesticide a les mêmes caractéristiques que les néonicotinoïdes.

En octobre dernier, nous avons écrit – avec PAN Europe – au Ministre fédéral de l’Agriculture David Clarinval pour lui demander de soutenir l’interdiction du sulfoxaflor en usage extérieur. Le moins que l’on puisse dire est que nous ne comprenons pas la réponse qu’il nous a fait parvenir. Nous en avons assez de ce positionnement qui dit s’appuyer sur la science mais qui déroge à l’interdiction de « tueurs d’abeilles » sans aucune base scientifique. Certes, nos propos sont forts, mais nous ne faisons que dire la vérité.

Lire le courrier initial de Nature & Progrès et Pan Europe (05/10/21)

Concernant : Révision de l’approbation du Sulfoxaflor

Monsieur le Ministre David Clarinval,

Le sulfoxaflor a été approuvé en 2015 (Règlement 2015/1295/CE), avec l’obligation pour le demandeur de fournir des informations de confirmation avant août 2017. L’EFSA n’a publié son examen par les pairs sur ces informations que près de deux ans plus tard [1], en mars 2019. Une année supplémentaire plus tard, l’EFSA a mis à jour ses conclusions [2]. Un risque élevé pour les abeilles mellifères et les bourdons a été identifié dans les champs et en marge de ceux-ci, ce qui signifie que les utilisations extérieures de cette substance ne peuvent pas être légalement approuvées. Le sulfoxaflor figure régulièrement à l’ordre du jour des réunions du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux depuis plus de deux ans et aucune décision n’a encore été prise. Les preuves scientifiques s’accumulent sur la toxicité inacceptable de cette substance néonicotinoïde de nouvelle génération. Veuillez trouver, ci-dessous, une mise à jour des nouvelles publications scientifiques sur la toxicité du Sulfoxaflor sur les abeilles, de ces dernières années, toutes ces publications travaillant avec des doses auxquelles les abeilles sont effectivement susceptibles d’être confrontées en plein champ :

• Troubles de la reproduction chez les bourdons [3, 4, 5]
• Augmentation du pouvoir pathogène de Nosema bombi sur les larves de bourdons [6]
• Induction d’un stress oxydatif et une apoptose chez les abeilles mellifères [7]
• Trouble du butinage chez les bourdons [5]
• Modifications de l’immunocompétence des bourdons [8]
• Réduction de l’activité de butinage de l’abeille solitaire Osmia bicornis [9]

La semaine dernière, l’initiative citoyenne européenne « Sauvez les abeilles et les agriculteurs » a réussi à atteindre plus d’un million de signatures (1,16 million), demandant une agriculture respectueuse des abeilles et sans pesticides de synthèse. Il y a un soutien populaire massif pour renforcer la protection de la biodiversité et modifier notre modèle d’agriculture vers un modèle réellement durable. En particulier, la Belgique est, proportionnellement à la taille de sa population, le 2ème pays ayant le plus contribué en nombre de signatures.

En 2018, avec des conclusions comparables de l’EFSA, les États membres ont décidé de restreindre l’utilisation de 3 substances néonicotinoïdes aux serres. Il n’y a aucune justification scientifique et juridique au maintien de ce type de pesticide sur le marché. Des alternatives chimiques et non chimiques existent.

La publication du Green Deal européen par la Commission européenne a été largement saluée par la société civile. L’amorce d’un redéveloppement de la biodiversité d’ici 2030 passe par l’interdiction de ce genre de substance. A cet égard, il n’est pas acceptable que le Comité permanent prenne autant de temps pour interdire ce type de substances.

Pourriez-vous nous informer de la position de la Belgique, lors de la réunion du Comité permanent des 5-6/7, concernant la restriction des utilisations du sulfoxaflor aux serres permanentes ?

Le 21-22/10, le sulfoxaflor sera, une fois de plus, à l’ordre du jour de la réunion du Comité permanent (législation phytopharmaceutique). Pourriez-vous nous informer de la position de la Belgique en ce qui concerne la restriction de l’utilisation du sulfoxaflor aux serres permanentes ?

Nous vous demandons respectueusement de soutenir l’interdiction de toute utilisation en extérieur de ces substances. Ne pas le faire ne serait pas conforme à la loi.
D’avance, merci de votre considération.

Meilleures salutations,

 

[1] https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/5633
[2] https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/6056
[3] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30111837/
[4] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32055075/
[5] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412021004384?via%3Dihub
[6] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32752985/
[7] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32055075/
[8] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32985125/
[9] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33450537/

 

Lire la réponse du Ministre fédéral David Clarinval (19/01/22)

Monsieur Dermine, Monsieur Fichers,

Au cours des réunions du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, les experts belges ont exprimé leur non-soutien à la proposition de la Commission de restreindre l’utilisation du sulfoxaflor aux utilisations en intérieur.

Il est important de reconnaitre la nécessité d’imposer des restrictions à l’approbation actuelle du sulfoxaflor, qui pour rappel n’est pas un néonicotinoïde. Cependant, la proposition actuelle de restriction à l’intérieur uniquement est inutilement sévère, et donc nuisible à l’agriculture sans apporter de bénéfice aux abeilles.

Le principe général est que si une utilisation sûre peut être identifiée pour une substance active, cette substance active doit être autorisée. Il est possible d’obtenir des utilisations extérieures sûres du sulfoxaflor : en limitant l’application à la post-floraison et en utilisant des mesures d’atténuation des risques par exemple, application uniquement lorsque aucune mauvaise herbe en fleurs n’est présente, ainsi qu’en réduisant la dérive. Il est également possible d’avoir une utilisation sûre dans l’application du sulfoxaflor en automne dans les céréales d’hiver, comme cela est actuellement autorisé en Irlande. Pour cet usage, au moment de l’application, les abeilles ne sont plus présentes et ne peuvent donc pas être exposées. De plus, le sulfoxaflor est beaucoup moins persistant dans l’environnement que les néonicotinoïdes, de sorte que les éventuels résidus environnementaux d’un traitement d’automne ne poseraient plus de problème lors de la réapparition des abeilles au printemps. Dès lors, les experts belges concluent qu’il existe déjà une utilisation sûre en plein air établie.

Par conséquent, il est préférable de modifier des conditions d’approbation, introduisant des mesures obligatoires de réduction des risques, combinée à une évaluation obligatoire de cette substance conformément au document d’orientation révisé sur les abeilles une fois disponible.

En vous souhaitant bonne réception de la présente, je vous prie d’agréer Monsieur Fichers, Monsieur Dermine, mes salutations les plus sincères.

Lire la réponse de Nature & Progrès et Pan Europe (24/01/22)

Objet : Révision de l’approbation du sulfoxaflor – réponse à votre mail du 19 janvier 2022

Monsieur le Ministre,

Nous avons bien reçu votre réponse à notre courrier du 5 octobre 2021 sur la révision du sulfoxaflor. Nous nous étonnons de cette réponse qui contredit l’avis que la Belgique a déjà pris en la matière quand on connait les dangers de cette molécule pour les abeilles. Par votre position, ainsi que par les dérogations que vous avez déjà octroyées, que ce soit pour l’usage de néonicotinoïdes en enrobage de semences ou pour l’usage du sulfoxaflor, vous avez déjà mis en péril la biodiversité et plus spécifiquement les abeilles. Nous nous étonnons que vous persistiez dans cette voie.

En effet, le sulfoxaflor est une matière active qui a le même mode d’action que les néonicotinoïdes. Et la nécessité d’utilisation de cette dernière n’est pas absolue : il existe bien d’autres matières actives alternatives et des pratiques culturales permettant de réduire l’impact des ravageurs et spécifiquement des pucerons.

D’ailleurs, nous sommes toujours en attente de l’étude prouvant la nécessité de dérogation en culture de betterave. A notre connaissance, seuls des avis et des hypothèses ont été émis lors de la demande de dérogations. L’impact de la jaunisse sur le rendement en sucre des betteraves n’a pas fait l’objet d’une étude scientifique et chiffrée.

De plus, dans votre argumentaire, vous conditionneriez l’autorisation de ce pesticide à la gestion des plantes adventices. Il est impossible de prévoir l’absence de plantes adventices visitées par les abeilles. Le contrôle d’une telle mesure est impraticable. Qui plus est, un contrôle de la floraison n’est pas suffisant, entre autres pour les abeilles solitaires (notamment terricoles) qui seront impactées par le traitement.

Comme vous le savez, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a remis un avis en 2019. Il se base sur les informations complémentaires fournies par Corteva. L’EFSA y indique que l’évaluation des risques pour les bourdons et les abeilles solitaires n’a pu être réalisé par manque de données. L’EFSA indique un haut risque pour les abeilles suite à la présence d’adventices mais également suite au phénomène de dérive. En d’autres termes, les pollinisateurs butinant les zones périphériques des champs risquent d’être décimés par l’utilisation de cette substance.

De plus, nous joignons à ce courrier un courrier précédent reprenant un certain nombre d’études de la littérature scientifique reprenant l’impact, à doses environnementales de cette substance sur les abeilles. Dans votre courrier, vous semblez vous focaliser uniquement sur l’abeille mellifère. Or les conclusions de l’EFSA sont claires, quant au risque pour les bourdons et les abeilles solitaires. De nombreuses espèces de pollinisateurs sauvages sont terricoles et nichent directement dans les terres agricoles. En sus des études référencées dans notre courrier d’octobre, 2 nouvelles publications utilisant des doses environnementales de sulfoxaflor montrent l’impact négatif de cette substance sur les bourdons et les abeilles mellifères.

Nous vous demandons donc de ne plus attribuer de dérogations pour l’utilisation du sulfoxaflor et de soutenir la proposition de la Commission qui vise à interdire l’utilisation de ce pesticide.

D’avance, nous vous remercions de l’attention que vous accorderez à notre courrier et vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.