Culture BIO mélange trèfle blanc-dactyle-luzerne (alternatives au glyphosate)

© Nature & Progrès, mélange trèfle blanc-dactyle-luzerne (alternatives au glyphosate)

En 2017, Nature & Progrès lance la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides ». Elle vise à réunir les agriculteurs.trices, les citoyen.nes et les expert.e.s qui partagent la conviction qu’une agriculture sans pesticides chimiques est possible. Les rencontres en ferme organisées par l’association offrent un espace d’échange et de partage de connaissances autour des techniques alternatives à mettre en place pour se passer, entre autres, d’herbicides chimiques de synthèse comme le glyphosate.

Avec plus de 400 tonnes pulvérisées en Belgique en 2020, le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le pays et aussi dans le monde (l’utilisation massive de variétés génétiquement modifiées pour résister au glyphosate n’y est pas pour rien). Pourtant, de nombreuses études montrent la nocivité de cette substance pour l’être humain et pour l’environnement. En plus des risques pour la santé (l’herbicide est classé cancérogène probable depuis 2015 au niveau de l’OMS), les concentrations de glyphosate dans l’environnement endommagent la vie du sol (microbiote, vers de terre), les écosystèmes aquatiques, les abeilles et les animaux d’élevage.

Si Nature & Progrès plaide tant pour une Wallonie délivrée des pesticides, c’est parce que l’agriculture sans pesticides fonctionne : les agriculteurs Bio le prouvent au quotidien. Alors, à quand la sortie définitive du glyphosate en Belgique au profit de méthodes alternatives non chimiques pour lutter contre l’apparition de « mauvaises herbes » de plus en plus résistantes aux herbicides ?

Les « mauvaises herbes », la préoccupation principale des agriculteurs

Une mauvaise herbe, ou adventice, est une plante indésirable envahissant les cultures et les prairies. Elle concurrence les plantes cultivées et cause un préjudice économique à l’agriculteur qui s’emploie à les détruire. La gestion des « mauvaises herbes » sans herbicide est la préoccupation principale des agriculteurs qui envisagent une transition vers le Bio. En effet, le passage d’un système conventionnel – où toute repousse de « mauvaises herbes » est systématiquement éliminée par un traitement herbicide – à un système où le seuil de tolérance aux adventices est plus élevé peut faire peur.

Si dans les prairies, les grandes cultures (céréales, colza) ou l’arboriculture fruitière, la présence d’adventices peut être bénéfique (augmentation de la biodiversité, support pour le développement de la faune auxiliaire, etc.), la rigueur est de mise en maraichage ou dans la production de semences lorsque les récoltes et la transformation sont mécanisées. Dans ce cas, la « propreté » de la parcelle doit être maximale pour éviter des soucis lors de la récolte et de contamination de la production.

Pourquoi les agriculteurs conventionnels utilisent-ils du glyphosate ?

Le glyphosate est un herbicide total qui agit « efficacement » sur les adventices vivaces comme le chiendent, le chardon ou le rumex. Il est absorbé par les feuilles et véhiculé jusque dans les racines qu’il tue.

Les agriculteurs bio, en revanche, se passent du glyphosate. Ils s’appuient sur toute une série de pratiques agricoles pour gérer ces indésirables et éviter leur dispersion et multiplication : rotations longues, couverts végétaux, nettoyage du matériel agricole, fauchage avant floraison, cultures intercalaires ou intercultures, travail mécanique, pâturage, bonne gestion de la fertilisation, etc.

Concrètement, quelles sont les alternatives ?

En prairie

Une prairie correctement pâturée ou entretenue (hersage, ébousage, fauche, fertilisation, sursemis, etc.) ne laisse pas de place aux plantes indésirables et n’a donc pas besoin d’être renouvelée ! Si toutefois la prairie doit être renouvelée car trop envahie de mauvaises herbes, des moyens mécaniques existent comme le labour.

En cultures (après moisson)

Un travail mécanique du sol directement après la moisson avec un déchaumeur à dents permet aux chaumes hautement carbonés de se décomposer. Ensuite un couvert (interculture) pour combler les vides sera appliqué. Les cultures de seigle, d’avoine, de chanvre, ou de mélange de céréales couvriront suffisamment le sol pour étouffer les potentielles adventices. Dans le jargon, on les appelle des « espèces concurrentielles » parce qu’elles accaparent les ressources (lumière, azote, eau) dont les adventices ont également besoin pour se développer.

Après la récolte, les semis de radis chinois, de phacélie, de trèfle d’Alexandrie Tabor, de moutarde brune permettent de réduire la croissance des adventices. Ces espèces offrent une bonne couverture végétale (foliaire) pendant la période entre deux cultures (l’interculture). Les germes d’adventices resteront dans l’ombre et n’auront par conséquent pas assez de lumière pour se développer. En cas d’envahissement important, le sarrasin au printemps puis de l’avoine ou de la moutarde permettent d’inhiber la germination de certaines mauvaises herbes.

En cultures (pour détruire une culture précédente avant de semer)

Un travail mécanique du sol sera réalisé. Plusieurs machines sont possibles :

  • Déchaumeurs : entre deux cultures, les interventions de déchaumage sont assez efficaces sur le rumex. Les outils à dents recourbées permettent d’extirper les rhizomes de chiendent, relativement peu profonds, et de les faire sécher en surface. Ces méthodes ne sont cependant pas efficaces sur le chardon ou le liseron. Sur chiendent et rumex, elles peuvent s’avérer satisfaisantes uniquement si la parcelle n’est pas trop infestée.
  • Vibroculteur : travail superficiel du sol avec des dents vibrantes,
  • Herse: engin permettant un travail superficiel du sol. Des griffes grattent le sol et permettent d’éliminer les plantules de mauvaises herbes.
  • Cultivateur : outil qui permet d’ameublir le sol.
  • Charrue : travail profond du sol (seulement si fortement envahi).

Le faux semis est une méthode consistant à préparer le sol afin de stimuler la germination des semences de mauvaises herbes en dormance. Les plantules d’adventices sont éliminées de façon mécanique avant que celles-ci se reproduisent et se dispersent dans le sol.

Les rotations longues, c’est-à-dire l’alternance de différentes cultures sur une même parcelle pendant plusieurs années, sont des pratiques courantes en Bio. En plus de limiter la pression des adventices, les rotations permettent d’améliorer la structure du sol et d’enrichir sa fertilité. L’implantation de prairies temporaires pluriannuelles dans la rotation, en particulier de luzerne, et des fauches répétées épuisent les réserves souterraines des vivaces et permettent d’éradiquer efficacement ces adventices, en particulier les chardons.

En cultures, pour détruire des couverts végétaux
  • Roulage faca : permet un premier hachage du couvert
  • Le broyage : hachage du couvert végétal favorisant la minéralisation
  • Mulchage avec un travail superficiel du sol en utilisant un déchaumeur scalpant efficacement la surface du sol
  • Le labour
  • Les espèces gelives : utilisation de plantes sensibles au gel (exemple : moutarde) qui ne nécessitent pas un traitement chimique pour être détruites (détruit par le gel)
  • Le roulage classique (cambridge, crosskil,…) favorise la sensibilité des espèces au gel
En cultures (avant émergence de la nouvelle culture)

Le travail mécanique par des outils de précision est la meilleure alternative qui permettra d’éviter l’application du glyphosate sur un sol nu.

Le faux semis : méthode efficace consistant à préparer le sol afin de stimuler la germination des semences de mauvaises herbes en dormance. Les plantules de mauvaises herbes sont éliminées de façon mécanique avant que celles-ci ne se reproduisent et se dispersent dans le sol.

En cultures (localement entre les lignes des cultures)

Les cultures intercalaires : les vides entre les lignes de cultures sont comblés par une autre culture ne laissant pas de place aux plantes indésirables. La plantation, par exemple, de trèfles blancs entre les rangées de maïs est une bonne association qui permet aux mauvaises herbes de ne pas pousser et au sol d’être dans une condition idéale de fertilité.

Le désherbage mécanique avec des outils de précision éliminant les plantes indésirables entre les lignes de culture est une autre option.

Sources : certaines des explications techniques ont été recueillies auprès de Patrick Silvestre, conseiller technique en grandes cultures chez Biowallonie asbl. D’autres proviennent des propos recueillis auprès des producteurs accueillants lors des rencontres en fermes bio. D’autres informations techniques proviennent du dossier « La maîtrise des adventices : comment fait-on en bio ? », Patrick Silvestre, Itinéraire BIO 40 – mai/juin 2018.

L’Europe prolonge l’autorisation du glyphosate avec l’appui de la Belgique

Malgré les alternatives au glyphosate, la Belgique soutient son autorisation jusqu’à fin 2023. L’Europe va donc prolonger l’autorisation du glyphosate d’un an avec l’appui de la Belgique. Le fédéral a en effet approuvé la décision de prolongation de la Commission européenne malgré le malaise autour de cet herbicide et en dépit de l’avis scientifique du Conseil supérieur de la santé qui recommandait en 2020 de ne pas attendre l’expiration de l’autorisation en cours pour mettre fin à l’utilisation du glyphosate.

En 2017, en plein « Monsanto papers », le Ministre belge de l’Agriculture avait voté contre son renouvellement pour 5 ans. Il avait justifié sa position par la nécessité d’entamer une transition vers une agriculture sans glyphosate. Cette période transitoire arrivant aujourd’hui à échéance, la Belgique aurait dû s’opposer à la prolongation du glyphosate.

Nature & Progrès demande l’interdiction du glyphosate

Nature & Progrès demande aux membres du gouvernement de tenir leurs engagements, conformément à l’accord de gouvernement, et d’adopter une position cohérente et ambitieuse en soutenant activement l’interdiction du glyphosate en Belgique et dans le reste de l’Europe, et la promotion des alternatives non chimiques auprès des agriculteurs.

1.901

producteurs BIO en Wallonie (chiffre qui a doublé ces 10 dernières années)

+ 1 ha

agricole sur 8 est maintenant bio
(représentant 12 % de la SAU)

15 %

de fermes sont sous contrôle bio en Wallonie,
soit une ferme sur sept

Ecoutez Bernard Brouckaert de la Ferme bio de Moranfayt, producteur Nature & Progrès qui se passe du glyphosate depuis toujours !

« Chers citoyens, allez à la rencontre des agriculteurs de votre région et conscientisez-les ! Chers agriculteurs, bannissez ces produits et répondez à la demande des citoyens ! C’est tout bon pour notre santé et pour notre environnement.«