Cet article est paru dans la revue Valériane n°177

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Par Sylvie La Spina,

rédactrice en chef chez Nature & Progrès

A l’occasion des portes ouvertes des membres de Nature & Progrès, nous avons découvert l’écrin de verdure créé et entretenu par Patricia dans le village de Herve. Ici, la flore sauvage côtoie quelques ornementales et aromates, et les légumes nourrissent autant la jardinière que les pollinisateurs.

Patricia Martin a ouvert les portes de son jardin le 5 juillet 2025

 

Nous sommes au bout d’une petite ruelle se poursuivant par un chemin de balade dans les prés, à Herve. Ici vit Patricia, membre de longue date de Nature & Progrès ; une femme engagée dans le mouvement environnementaliste depuis une quarantaine d’années. Locataire d’une petite maison depuis l’automne 2019, elle en entretient le jardin avec beaucoup de passion. Son envie : en faire un havre nourricier pour l’humain et la biodiversité. Sa contrainte : respecter les plantations réalisées par les propriétaires et « maîtriser » la végétation aux limites du terrain afin de respecter les choix du voisinage.

Une parcelle n’est pas tondue. Les graminées sont, en ce mois de juillet, en pleine floraison. Leurs épis couleur des blés se balancent au vent. A y regarder de plus près, on distingue quelques coccinelles affairées à dévorer l’un ou l’autre puceron isolé. Au milieu de cette mer dorée, un bouquet de cardères dresse ses longues tiges vers le ciel. Cette plante sauvage, appelée aussi « cabaret des oiseaux », accueille de petites poches d’eau au creux de ses feuilles. Ses fleurs coniques, prisées pour les bouquets secs, offrent un régal de nectar aux bourdons de passage.

Patricia est passionnée par les plantes indigènes. Dans les massifs et dans le gazon, s’épanouissent centaurée, mauve, onagre, millepertuis, carotte sauvage, séneçon, eupatoire, origan, compagnon rouge, achillée… « Mais d’où vient donc cet épilobe en épi ? », s’interroge Patricia, en contemplant la hampe florale garnie de rose. Il n’y en a pas dans les environs… L’apparition de certaines espèces est un mystère qui amuse notre naturaliste. De semences collées aux semelles ou apportées par les oiseaux ?

Patricia trouve la campagne alentour pauvre en biodiversité. La grande majorité des espèces sauvages ont été plantées ou semées. La germination des graines ayant ses caprices, et les plantes, leurs petites préférences écologiques, tout ne fonctionne pas toujours. Certaines apparaissent des années plus tard, quand on ne les attendait plus… « J’adore quand il y a des surprises comme ça ! » s’exclame la jardinière. Papillons, syrphes, bourdons et compagnie ne se font pas prier pour rendre visite aux nouvelles venues.

Une fois bien implantées, certaines sauvageonnes prolifèrent. « Je finis par reconnaitre les plantules et j’enlève ce qu’il faut enlever ». Une partie de la pelouse et les allées du potager sont tondues régulièrement, en épargnant des bouquets colorés. La friche est fauchée une fois par an. Patricia préfère la fauche à la main, mais elle n’est pas équipée et doit donc faire appel à une connaissance qui pratique cette technique. Le foin est récupéré pour pailler le potager, en un cycle vertueux.

 

Approchons à présent des parcelles de légumes. Quel beau mélange de formes et de couleurs ! Un paillage de foin et de tontes de gazon protège la terre. Patricia y glisse régulièrement des déchets organiques, pratiquant le compostage de surface. Les couvrir de tontes permet de faciliter leur dégradation en conservant l’esthétique des parcelles et en évitant mouchettes ou odeurs. Patricia aurait souhaité amener un peu de broyat de branches. La commune de Herve offre à ses habitants un service de broyage des tailles pendant toute la belle saison. Malheureusement, les haies du jardin ne sont constituées que d’aubépine dont les épines, même après broyage, restent douloureuses.

 

 

 

Certains légumes sont en cours de floraison : poireau, bette, panais… L’objectif n’est pas de récolter des graines, même si Patricia aime les voir se ressemer par elles-mêmes. Il est d’offrir le couvert aux butineurs. Il suffit de se pencher sur la boule de fleurs blanches de poireau pour observer le spectacle. Des syrphes, des guêpes sauvages, des mouches… Certains coléoptères en profitent même pour rencontrer l’âme sœur. Décidément, ce jardin, c’est « the place to be » !

Un grand défi pour Patricia, c’est de cultiver dans un contexte d’emballement climatique.

« Quand j’étais enfant, on conseillait de mettre un tas de plantes au soleil, parce qu’ « en Belgique, il pleut tout le temps » ».

Aujourd’hui, l’enjeu, c’est de faire de l’ombre pour éviter que les cultures ne brûlent ou ne se dessèchent au soleil ! Agnès, venue visiter le jardin, rejoint l’avis de Patricia. Les questions foisonnent. Comment procurer un ombrage au potager quand on en a besoin ? Est-ce que planter des arbustes ne consomme pas trop l’eau du sol ? Les semis sont recouverts d’un cageot, mais une solution manque encore pour les plants démarrés.

 

 

Patricia donne un coup de pouce à certains légumes en les arrosant. « Je fais Jean de Florette, je vais chercher de l’eau à une fontaine du village avec des bidons de récupération de cinq litres ». Petits pois et haricots font l’objet de soins particuliers. Patricia se rappelle une mauvaise expérience. Chez un ami jardinier parti en vacances, elle avait récolté, avec d’autres personnes, des kilos de haricots magnifiques. Mauvaise surprise : ils restaient durs à la cuisson ! La sécheresse avait desséché les gousses, qui n’étaient plus bonnes que pour le compost. « Ça m’a fait mal au cœur », confie-t-elle.

En l’absence de serre, Patricia cultive ses tomates en plein air. Elle a choisi des variétés réputées pour être capables de pousser en plein champ, comme la Triomphe de Liège, la Rose de Berne ou le Joyau d’Idaho. Malgré la présence de nombreuses galeries de campagnols dans la pelouse, aucun dégât ne semble affecter les légumes du jardin. Serait-ce grâce à la présence de Gribouille, la chatte de la maison, qui aime s’installer dans les allées du potager ?

 

Le jardin n’est pas suffisant pour nourrir Patricia toute l’année, mais chaque légume autoproduit est un bonheur dans l’assiette. Certaines plantes sauvages sont aussi au menu : orties, aegopode, épiaire, lampsane… Le havre de verdure créé par Patricia et entretenu « tout bio » est à la fois esthétique et nourricier, pour elle et pour la riche biodiversité qui y trouve refuge.

 

 

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