La 21e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques aura lieu à la fin de l’année à Paris, du 30 novembre au 11 décembre. La France s’enorgueillit évidemment de la présider et on nous la présente déjà, par conséquent, comme un tournant du siècle. Peut-être cette conférence jettera-t-elle, en effet, les bases d’une réelle prise de conscience planétaire, d’un véritable éveil des consciences, d’une véritable mobilisation générale des forces politiques mondiales ? Mais peut-être, comme tant de fois par le passé, la montagne accouchera-t-elle – sous le poids insoutenable des lobbies en tous genre – d’une souris ridicule, après d’interminables heures de gesticulations et de palabres ? Ou peut-être est-il déjà tout simplement trop tard ?
Voyons. Trop tard, j’ai dit trop tard ? J’ai vraiment écrit trop tard ? Trop tard pour quoi ? Trop tard pour pulvériser stupidement dans l’atmosphère tout le carbone de la Terre à l’aide de ces petites voitures individuelles qui font la grande fierté de nos ménages ? Trop tard pour partir en vacances quatre fois par an en scrutant sur Internet le moins cher des vols low cost ? Trop tard pour la femme bengladaise qui fabrique nos vêtements pour un salaire inférieur à ce que nous coûtent nos animaux de compagnie ? Trop tard pour mon Samsung Galaxy, pour mes Adidas Stan Smith et pour regarder The Voice à la télé ? Trop tard pour manger comme des cochons dans des campagnes désertes ? Y aurait-il deux planètes parallèles : celle dont le climat part en vrille et celle des « braves gens » qui mènent leur petite vie tranquille, loin des mauvaises nouvelles qu’ils ne veulent pas entendre ? Celle des « bons pères de famille » qui, comme en 14, paradent la fleur au fusil, puis qu’on retrouve, quatre ans plus tard, errant la gueule cassée ? Tôt ou tard, qu’ils l’acceptent ou non, ces deux planètes vont se rejoindre. Alors ? Vaut-il mieux tenter de devancer le choc en s’efforçant de s’y adapter, ou plutôt « laisser venir » au risque d’être balayé, terrorisé par l’inconnu ?
Choc il y aura car le monde tel que nous le connaissons va immanquablement muter. Soit que nous parvenions à limiter la casse climatique – mais à quel prix ? -, soit que nous laissions aller en implorant la Providence que les aléas du dérèglement frappent ailleurs que chez nous… Mais il serait malheureusement trop simple que les conséquences du climate change soient exclusivement d’ordre climatique. Toutes les autres crises de notre temps y seront mêlées et les impacts seront d’ordre écologique, énergétique, alimentaire et, bien sûr, économique et politique. Et j’en passe… François Gemenne, dans le précédent numéro de Valériane, ne nous donnait-il pas un avant-goût de ce que seront les guerres climatiques, de ce que seront – dans un proche avenir – les flux croissants de réfugiés ? Nous pouvons, dès lors, pleurer toutes les larmes de notre corps et nous pouvons aussi céder à la panique. C’est sans doute un passage obligé pour l’âme humaine. Nous pouvons aussi refuser de voir ce qui crève pourtant les yeux ; c’en est sans doute un autre. Mais si nous les ouvrions plutôt sur ce que sera le monde de demain ? Si nous acceptions plutôt le destin de l’humanité, quel qu’il soit ? Car sans doute reste-t-il malgré tout quelque chose à faire…
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