Les 12 toxiques
Pour une interdiction immédiate des substances les plus toxiques
Nature & Progrès demande l’interdiction immédiate des 12 substances pesticides les plus toxiques et la substitution par des alternatives plus sûres de tous les pesticides identifiés à haut risque encore autorisés en Belgique d’ici 2030.
En 2009, la législation européenne sur les pesticides introduit 3 nouvelles catégories de pesticides :
- Les substances de base, ni toxiques ni préoccupantes, comme par exemple le lait de vache utilisé comme virucide pour nettoyer les outils agricoles ou encore la bière utilisée dans des pièges à limaces
- Les substances à faible risque, autorisées pour une durée de 15 ans, et qui ne sont ni cancérigènes ni mutagènes, ni toxiques pour la reproduction, ni persistante ni bioaccumulable, ni toxique pour l’environnement, ni explosive, ni corrosive
- Les substances à haut risque : « substances dont on envisage la substitution » qui sont les pesticides autorisés les plus dangereux pour la santé humaine, la faune et/ou l’environnement
En 2009, plutôt que d’interdire cette dernière catégorie de pesticides, la Commission et les législateurs européens (dont la Belgique) optent pour leur élimination progressive au profit d’alternatives plus sûres. Remplacés, au fil des années, par des solutions de protection des cultures moins dangereuses, ces pesticides étaient donc voués à disparaître… cultures moins dangereuses, ces pesticides étaient donc voués à disparaître… Malheureusement, plus d’une décennie après l’entrée en vigueur cette réglementation européenne, nous constatons que ces dispositions fondamentales n’ont jamais été mises en œuvre par la Belgique et qu’aucun effort n’a été fait dans ce sens. Ces pesticides sont nombreux à être toujours autorisés en Belgique, et les conditions d’autorisation plus strictes liées à cette catégorie de pesticides semblent avoir été complètement ignorées.
L’administration fédérale compétente s’engageait pourtant en 2015 à remplacer progressivement certains des pesticides contenant une ou plusieurs de ces substances actives par des produits ou des méthodes de lutte ou de prévention alternatifs. Or, en janvier 2023, 42 de ces substances à haut risque pour la santé et/ou l’environnement sont toujours autorisées dans plus de 300 pesticides commercialisés en Belgique .
Parmi ces 42 susbtances actives, 12 sont particulièrement nocives pour la santé et durablement toxiques pour l’environnement en raison de leur utilisation en extérieur et/ou de la présence importante de résidus dans l’alimentation : ce sont les 12 toxiques.
La Belgique dans le haut du classement des pesticides toxiques autorisés
La Belgique tient le haut du classement quant à la quantité de produits pesticides contenant des candidats à la substitution autorisés. En décembre 2022, 20% de tous les pesticides contiennent au moins l’une des 42 de ces substances très toxiques sur les 54 encore homologuées en Europe.
La Belgique est aussi le pays européen où les fruits et légumes de consommation courante sont le plus fréquemment contaminés par des résidus de ces pesticides à haut risque. En 2019, les poires et la laitues belges étaient parmi les fruits et légumes les plus contaminées d’Europe.
Que demandons-nous ?
Nous demandons l’application de la législation européenne actuelle.
Les régulateurs et décideurs politiques belges doivent agir immédiatement en interdisant les 12 pesticides les plus toxiques encore utilisés en Belgique. La commercialisation encore massive de ces produits est illégale.
Afin que leur utilisation cesse d’augmenter (ainsi que la résistance biologique), nous demandons des engagements politiques fermes en faveur du remplacement de ces substances toxiques par des alternatives plus sûres, conformément à la législation européenne sur les pesticides (article 50 du Règlement (CE) n° 1107/2009).
La Belgique devrait également s’engager à finaliser d’ici 2030 la révision des autorisations nationales de pesticides particulièrement préoccupants en prenant en compte toutes les alternatives existantes pouvant être mises en œuvre pour réduire, voire éliminer, l’occurrence des parasites, des maladies et des adventices concernés.
Ce changement doit s’opérer sur la base d’une évaluation comparative systématique et exhaustive intégrant les alternatives non chimiques afin de s’éloigner du système agricole actuel, très gourmand en pesticides.
En quoi ces pesticides sont-ils plus dangereux ?
Dans la catégorie de pesticides la plus réglementée, ces substances sont liées à une série de maladies chroniques, dont les cancers, les problèmes cardiovasculaires ou le diabète. Ils sont suspectés d’avoir des propriétés cancérigènes, reprotoxiques, de perturbation endocrinienne, et/ou une toxicité environnementale élevée et durable. Les perturbateurs endocriniens suscitent de graves préoccupations sanitaires et représentent un enjeu majeur de santé publique car il n’existe, selon les experts, aucun niveau d’exposition sûr.
Les 12 toxiques sont parmi les plus dangereux parce que l’exposition y est élevée en raison de leur utilisation à l’air libre sur les cultures et/ou de la présence de résidus importants dans les aliments.
Ces pesticides sont-ils autorisés uniquement en agriculture ?
Non malheureusement, certains pesticides dangereux et toxiques sont également autorisés aux jardinier.es. amateur.trices, souvent moins préparé.e.s à l’usage de ces substances que les utilisateurs professionnels.
Des anti-limaces (les molluscicides), fongicides et un insecticide, tous suspectés d’être cancérigènes et/ou toxiques pour la reproduction, sont toujours en vente libre dans notre pays.
- C’est le cas par exemple du produit MATIX®, un fongicide à base de fluopicolide susceptible d’altérer le développement de l’enfant à naître (diminution du poids du fœtus, accouchement prématuré, etc) et autorisé pour prévenir le mildiou sur les pommes de terre.
- Le DUO-STICK®, suspecté d’être toxique pour le fœtus, contient quant à lui de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes.
- Le SPORGON GARDEN® de BASF est un fongicide suspecté d’être à la fois cancérigène et nocif pour le fœtus, etc. etc.
Certains pesticides « amateurs » ne sont pas étiquetés comme dangereux pour la santé à long terme, bien qu’ils contiennent des substances nocives à long terme. C’est le cas des fongicides CURAFLOR® et CURALIA SPRAY® à base de tébuconazole, une substance potentiellement toxique pour la reproduction et un perturbateur endocrinien avéré, et qui sont autorisés en pulvérisation sur les rosiers.
Pourquoi la Belgique autorise-t-elle ces pesticides très toxiques s’il y a des alternatives ?
La Belgique ne respecte pas son obligation d’évaluer les alternatives avant d’autoriser un pesticide hautement toxique. L’administration belge soustrait arbitrairement 90 % des autorisations actuelles de pesticides hautement toxiques à cette obligation. Ces exemptions sont en contradiction totale avec les dispositions légales européennes, dont le respect est essentiel pour garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine. Autrement dit, l’administration belge permet aux entreprises agrochimiques de continuer à vendre ces produits toxiques sans rechercher d’alternatives plus sûres.
En quoi consiste l’évaluation comparative de ces pesticides ?
En 2015, la Belgique aurait dû commencer à progressivement remplacer et éliminer ces substances chimiques très dangereuses par des solutions alternatives moins nocives pour la santé ou l’environnement. Comment ? En réalisant une évaluation comparative des pesticides à haut risque, c’est-à-dire en comparant le pesticide à substituer avec une ou plusieurs solutions de remplacement potentielles afin de déterminer s’il existe une alternative efficace pour les cutures à même de garantir des risques sensiblement moins élevés pour la santé ou l’environnement. C’est notamment sur la base de cette comparaison que l’autorisation d’un pesticide hautement toxique peut être soit maintenue soit retirée ou modifiée.
L’étude comparative doit être réalisée à intervalle régulier et au plus tard lors du renouvellement ou de la modification de l’autorisation.
Combien de pesticides hautement toxiques sont encore autorisés en Belgique ?
En janvier 2023, 42 des substances les plus toxiques sont toujours autorisées (plutôt que substituées) en Belgique sur les 53 encore approuvées au niveau européen. Ces substances se retrouvent dans plus de 300 produits pesticides commercialisés en Belgique. Parmi ces 42 substances, les 12 plus toxiques et à bannir de toute urgence se retrouvent dans une centaine de pesticides autorisés en Belgique
Actuellement, 21 % des autorisations de pesticides en Belgique contiennent une ou plusieurs substances aux propriétés hautement toxiques.
Pourquoi n’ont-ils pas encore été interdits ?
En 2009, au moment de l’adoption de la législation actuelle sur les pesticides, l’Union européenne aurait pu décider de les interdire purement et simplement au niveau européen. Ce qu’elle a d’ailleurs fait pour une autre catégorie de pesticides encore plus dangereux. Mais pour cette catégorie de pesticides, les législateurs européens ont permis aux Etats membres de continuer à les autoriser à condition de procéder à une évaluation des alternatives disponibles lors de chaque nouvelle demande de mise sur le marché d’un pesticide hautement toxique. Cette étape (l’évaluation comparative) est spécifique à la procédure d’autorisation des pesticides identifiés comme hautement toxiques au niveau européen.
Seulement voilà, 9 autorisations sur 10 en Belgique sont actuellement exemptées d’évaluation comparative alors que cette exigence est obligatoire au niveau européen depuis plus de 7 ans. La Belgique n’effectue pas non plus d’actualisation régulière de ses évaluations comparatives contrairement à ce qu’exige la législation européenne. Avec de telles pratiques, il n’est donc pas étonnant que la Belgique n’ait jamais substitué aucun pesticide hautement toxique, et que 80 % de ces substances actives soient toujours autorisées dans 21 % des pesticides autorisés en Belgique en janvier 2023.
Combien de pesticides hautement toxiques la Belgique a-t-elle remplacés depuis 2011 ?
Aucun puisqu’au niveau européen aucune des 530 demandes d’autorisations nationales contenant une substance active à haut risque soumises entre 2015 et 2018 n’a abouti à une substitution.
Dans sa communication, le service compétent du SPF Santé a plutôt tendance à défendre le maintien de pesticides agricoles et à renvoyer la question des alternatives au pesticides chimiques de synthèse aux Régions.
Qu’est-ce qu’un pesticide “candidat à la substitution” ?
Les candidats à la substitution englobent les substances actives approuvées dans l’Union européenne qui sont les plus nocives.Cette catégorie spécifique de substances actives regroupe les composés actifs de pesticides les plus dangereux pour la santé humaine, animale et/ou environnementale. Classées dans la liste des « substances dont on envisage la substitution », elles ont vocation à être remplacées progressivement par d’autres moyens de lutte moins nocifs.
Cette catégorie spécifique de pesticides dangereux est définie dans le Règlement (CE) n° 1107/2009 encadrant la mise sur le marché des pesticides en Europe et en Belgique.
En 2015, la Commission européenne publie une première liste de 77 candidats. Cette liste rassemble, parmi les pesticides commercialisés en Europe, les produits les plus préoccupants pour la santé et l’environnement, et regroupe notamment :
- les substances suspectées d’être cancérogènes pour l’homme
- les substances suspectées d’être toxiques pour la reproduction
- les substances susceptibles d’être des perturbateurs endocriniens
- les substances qui satisfont à deux des critères d’identification des substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) pour l’environnement
Qu’est-ce que le principe de substitution (phasing out) ?
Le principe de substitution, ou “phasing out” en anglais, consiste à progressivement remplacer et éliminer les substances chimiques très dangereuses actuellement sur le marché. Comment ? En les comparant à des alternatives plus sûres.
Ce principe s’applique à tous les pesticides chimiques de synthèse, inscrit dans la liste européenne des « substances dont on envisage la substitution » (ou candidats à la substitution). Il s’impose à la Belgique et à tous les États européens depuis 2015.
La Belgique interdit-elle des pesticides candidats à la substitution ?
De manière générale, la Belgique est peu proactive dans ce domaine et son action se limite principalement à respecter les interdictions européennes. Souvent d’ailleurs en prolongeant les délais de vente et d’utilisation au maximum.
Chronologie d’une (in)action politique au détriment de la santé et de l'environnement
2009 : Adoption du nouveau Règlement européen
2011 : Entrée en vigueur des critères d’identification des substance « candidats dont on envisage la substitution »
2011-2015 : Pendant ces quatre années, les dispositions encadrant la substitution n’ont tout simplement pas pu être mises en œuvre, faute de savoir quelles substances étaient concernées
2015 : une première liste de 77 substances sur le marché répondant à ces critères est enfin établie
2019 : les conclusions de l’évaluation ‘REFIT’ commandée par la Commission européenne révèle que sur 530 demandes d’autorisations nationales contenant un candidat à la substitution soumises entre 2015 et 2018, aucune n’a abouti à une autorisation avec substitution.
Quelles sont les alternatives moins nocives ?
Les « méthodes non chimiques » sont les méthodes de substitution aux pesticides chimiques fondées sur des techniques agronomiques , ou les méthodes physiques, mécaniques ou biologiques de lutte contre les ennemis des cultures.
Exemples de techniques agronomiques :
La prévention et/ou l’éradication des organismes nuisibles peuvent être menées à bien, ou s’appuyer, sur des techniques agronomiques comme :
- la rotation de culture
- l’utilisation de techniques de culture appropriées, par exemple: la technique ancienne du lit de semis, les dates et densités des semis, les sous-semis, la pratique aratoire conservative, la taille et le semis direct
- l’utilisation, lorsque c’est approprié, de cultivars résistants/tolérants et de semences et plants normalisés/certifiés
- l’utilisation équilibrée de pratiques de fertilisation, de chaulage et d’irrigation/de drainage
- la prévention de la propagation des organismes nuisibles par des mesures d’hygiène (par exemple le nettoyage régulier des machines et de l’équipement)
- la protection et le renforcement des organismes utiles importants, par exemple par des mesures phytopharmaceutiques appropriées ou l’utilisation d’infrastructures écologiques à l’intérieur et à l’extérieur des sites de production
L’élimination des pesticides hautement dangereux est possible grâce aux alternatives non chimiques !
Quelles sont les 12 substances pesticides les plus nocives encore autorisées en Belgique ?
En décembre 2022, les 12 substance active les plus toxiques sont encore autorisés dans une centaine de produits pesticides en Belgique.
* Rapport de PAN Europe “Forbidden fruit The dramatic rise in the most toxic pesticides found on fruits and vegetables sold in Europe and evidence that governments are failing their legal obligations”, mai 2022 : https://www.pan-europe.info/resources/reports/2022/05/forbidden-fruit-dramatic-rise-dangerous-pesticides-found-fruits-and
Nos dernières actions : courriers aux Ministres et Parlementaires
Régulièrement, et parfois en collaboration avec d’autres structures, Nature & Progrès contacte les Ministres et parlementaires compétents sur la question des nouveaux OGM. Voici tous courriers envoyés depuis 3 ans. Certains sont accompagnés des réponses des Ministres concernés.
Nouveau rapport de PAN Europe
Courrier à Madame la Ministre de l’Environnement, Zakia Khattabi et à Monsieur le Ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke
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