En début de législature, les gouvernements fédéraux et régionaux s’étaient montrés volontaires sur la réduction des pesticides. L’utilisation des pesticides n’a que très faiblement baissé ces dernières années et les mesures pour réduire l’utilisation et les risques des pesticides sont désolantes. A l’Europe, c’est la pause environnementale. Seule lueur d’espoir, les mutuelles de santé qui tirent la sonnette d’alarme. Amiante, pesticides, même combat pour la santé ! L’affranchissement des pesticides n’est pas qu’une question d’environnement, c’est un enjeu de santé publique.

Sur papier, le gouvernement fédéral s’était engagé à « réaliser un ambitieux plan de réduction des pesticides »1, et le gouvernement régional de son côté « en cohérence avec les décisions européennes visant à sortir progressivement des pesticides »2.

C’était en début de législature. C’étaient les intentions. En effet, le bilan de Nature & Progrès sur l’autorisation des pesticides en Belgique publié en mars 2023, intitulé « Belgique, royaume des pesticides » montrait au contraire des pratiques laxistes de l’administration belge et son inaction en matière de substitution pour des alternatives moins toxiques.  Pas étonnant que la Belgique soit dans le trio de tête des plus grands consommateurs de pesticides de l’UE (8.5 kg/hectare)3 et que les ventes de pesticides ne diminuent pas sensiblement4.

Nous fondions alors nos espoirs sur la troisième édition des programmes régionaux et fédéraux de réduction des pesticides 2023-2027, après ceux de 2011-17 et 2018-23 pour se mettre dans le bain. Ces plans étaient l’occasion d’adopter des mesures concrétisant l’engagement du gouvernement à la hauteur des enjeux et des revendications, comme :

  • Un calendrier concret pour une élimination des pesticides les plus toxiques, entre autres les candidats à la substitution qui doivent être remplacés par des alternatives moins toxiques, au terme d’une étude comparative, dès que c’est possible ;
  • Une recherche scientifique orientée exclusivement vers les alternatives non chimiques et l’abandon de tout fond public dans de la recherche qui viserait à maintenir et optimiser l’utilisation de produits phytosanitaires ;
  • La mise en place du principe du pollueur payeurà charge de l’industrie de la chimie qui retire tous les profits de la vente des pesticides, sans en supporter aucun coût sociétal ;
  • Des mesures et des moyens au niveau régional pour protéger les eaux et les riverains des dérives de pesticides (zones tampons suffisantes) ;
  • etc

Mais pour cette troisième édition, la Belgique en est toujours au stade du diagnostic, de la réalisation d’études, d’outils, de plans communication, de sensibilisation, du diagnostic, de la réalisation d’études, d’outils, de plans communication, de sensibilisation, de mise en place d’observatoires, d’élaboration de calendriers de suivis, de partage d’informations5, etc. Pas d’ambition assumée de réduction, pas d’élimination des produits les plus toxiques, pas de calendrier concret pour s’affranchir concrètement des pesticides.

 

« Que la Belgique ne nous parle pas d’ambition de réduction des pesticides » s’insurge Virginie Pissoort, responsable de plaidoyer chez Nature & Progrès « Finalement publié le 3 avril 2024 (!) – alors qu’il concerne la période 2023-2027 – le NAPAN (ndlr/ Nationale Actie Plan d’action nationale) n’est qu’un agglomérat de collecte d’information et d’analyses, sans doute utiles, mais à mille lieues de l’ampleur des enjeux sociétaux auxquelles nous devons faire face aujourd’hui. Les conséquences néfastes des pesticides se conjuguent au pluriel6 sur les agriculteurs et leur santé, l’eau, la biodiversité, la santé des riverains … Et, on avance au ralenti ! »

 

Dans le même temps, à l’Europe, ce n’est pas mieux. Face à la grogne agricole, la Commission renouvelle son approbation du glyphosate pour 10 ans malgré l’absence de majorité qualifiée au Conseil, revient sur les mesures agri-environnementales de la PAC, abandonne le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR), etc.

 

Cela fait pourtant des décennies que la toxicité des pesticides chimiques est dénoncée. Le livre « Printemps silencieux », de Rachel Carson, avait fait couler de l’encre en 1962 déjà, et c’est 2 ans plus tard que la Communauté Nature & Progrès voyait le jour, à l’initiative de personnes du corps médical qui voulaient lutter contre l’agriculture chimique et développer l’agriculture biologique. Car des alternatives existent et elles se déploient tous les jours sur nos territoires7.

De nouveaux acteurs se joignent aujourd’hui à notre combat, ce sont les mutualités de santé. Cet engagement des mutuelles de santé a récemment vu le jour en France.8 Ce 11 avril 2024, les mutuelles de santé françaises, avec d’autres mutuelles en Europe, dont les mutualités libres (Partenamut)9 organisent un grand colloque au Parlement européen et à 16h, un goûter rassemblement sur la place du Luxembourg. Profondément inspirées par l’expérience de l’amiante, elles se mobilisent pour en appeler à la fin des pesticides chimiques10.

« Cette mobilisation des mutuelles est une excellente nouvelle, qui nous fera certainement gagner quelques années. Les pesticides chimiques sont appelés à disparaître parce qu’ils sont toxiques, mais avant d’être interdits, ils circulent et font des dégâts. Rien d’étonnant à ce que les mutuelles de santé entrent dans la danse. Ce n’est pas elles à payer pour les problèmes de santé dus à l’utilisation de ces poisons. Il est d’ailleurs temps que le principe du pollueur payeur s’applique en la matière », déclare Virginie Pissoort.




[1] Accord_de_gouvernement_2020.pdf (belgium.be), page 63-64
[2] DPR – Version définitive – PRESSE (wallonie.be), page 77
[3] DOSSIER_canopea_les-pesticides-dans-leau_WEB.pdf, page 18
[4] Données de vente des produits phytopharmaceutiques en Belgique maintenant en ligne | Phytoweb (fytoweb.be) – les données pour les années 2019-2020 et 2021, sont souvent classées C- confidentielles, Il est possible de les obtenir sur demande, elles montrent une diminution d’environ 10% sur la décennie.
[5] pfrp_programme_2023-2027_-_update_fev_2024.pdf (fytoweb.be)
[6] Biodiversité et services rendus par la nature : que sait-on de l’impact des pesticides ? | INRAE
[7] Wallonie sans pesticides – Nature & Progrès (natpro.be)
[8] En France, certains cancers et maladies neurodégénératives chez les agricutleurs.rices ont d’ailleurs été reconnus comme maladie professionnelles en 2021 Création du tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
[9] Le 14 novembre 2023, les Mutualités libres avaient déjà co-signé avec N&P et d’autres organisations un courrier à Ursula Von de Leyen demandant de ne pas ré-approuver le glyphosate. GGS – Open letter to VDL – Google Docs
[10] Santé publique : les mutuelles appellent à agir contre les dangers des pesticides – Basta!