Ni à toi, ni à moi : une introduction aux « communs » (1ere partie)

Il y a la propriété privée et la chose publique. Le Marché et l’État. Nous avons été biberonnés à cette division du monde en deux entités puissantes, souvent concurrentes, capables aussi de s’allier pour le meilleur et pour le pire. Mais la satisfaction de nos besoins passe-t-elle exclusivement par l’usage de biens et de services publics, ou par l’achat et la vente de biens et de services privés ? Non, une autre voie existe : le « commun ». Ce paradigme puissant s’applique à de nombreux domaines et pourrait renouveler l’imaginaire politique.
Premier chapitre : les contours de ce concept qui connaît une nouvelle jeunesse.

Le jour où le monde entier apprit la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, un mercredi à l’aube, j’étais en train de méditer sur la meilleure manière d’aborder avec vous, chers lecteurs, ce magnifique sujet encore inédit dans votre revue Valériane : les communs. J’avais rassemblé un tas de bouquins à côté de mon ordinateur portable, et quelques fruits pour tenir la matinée. Par quoi commencer ? Un peu d’histoire ? Une définition en bonne et due forme ?

Trouver des règles d’usage

Je gambergeais car j’avais promis à votre rédacteur en chef préféré une entrée en matière plus sexy que la morne structure d’un article académique. Par ailleurs, mes deux garçons n’étaient pas encore partis à l’école, une dispute avait éclaté entre eux, qui m’empêchait de me concentrer. Je les ai donc rejoints pour tenter une conciliation. « C’est à moi ! », me dit le plus jeune en désignant un petit cheval Playmobil noir avec lequel joue son frère. « Non, c’est à moi ! », s’insurge l’autre en écho, « il n’a qu’à prendre le cheval blanc ! ». Or il se fait que ces figurines, comme la majorité de leurs jouets, ne sont pas attribuées à l’un ou l’autre des enfants mais appartiennent à l’ensemble de la fratrie. Il faut donc trouver, à toutes les heures du jour, des arrangements, des règles d’usage. La tentation est grande, pourtant, d’attribuer définitivement un cheval à chacun, et qu’on n’en parle plus ! Mais tous les parents le savent : ça ne marche pas ainsi. La logique de la vie ne s’en contenterait pas, la fraternité perdrait un peu de son sel et de son sens. Ce matin-là, je le reconnais, ma conciliation échoua. Mais je tenais mon entrée en matière. L’enjeu des communs, c’est celui-là, à d’autres échelles et pour d’autres ressources : gérer ensemble l’usage de choses qui sont communes à un groupe humain. J’ai confisqué, provisoirement, le cheval noir et le cheval blanc, et je les ai posés joyeusement sur mes livres. La documentation première, voyez, c’est l’expérience vécue. Chers lecteurs, je vous promets de ne pas l’oublier tout le long de cette année 2017, dans cette rubrique consacrée aux communs…