Trump, les gilets jaunes, Antigone et l’effondrement
Le monde est en train de basculer. Pour ceux qui partagent cette évidence, il est indispensable d’échanger des vécus, des horizons, des pratiques, des idées, des récits et même des émotions. Les regards portés sur tout ce qui est en train de changer peuvent être variés voire contradictoires, car l’avenir est plus que jamais incertain. Cette rubrique explore l’envers des ruptures et navigue dans les incertitudes.
Premier volet : une esquisse de quelques phénomènes dans ce qu’ils ont de nouveau…
Il y a trois ans, une intuition a pris dans ces colonnes la forme d’un questionnement. “Pourquoi les gens ne changent-ils pas ?”, nous demandions-nous. Proposer un petit tour de cette interrogation a été, à la fois, passionnant et frustrant. Passionnant, parce que chaque angle d’approche amenait son lot de réponses et pouvait nous aider à comprendre plutôt qu’à condamner. Comprendre les individus que nous sommes, nous qui avons du mal à accepter de déranger nos certitudes, nos habitudes qui sont parfois serties dans nos identités les plus profondes. Certitude qu’on trouvera toujours bien une solution technologique, habitude de prendre sa voiture par exemple. Comprendre aussi les récits qui fondent nos sociétés et les croyances qui alimentent la confiance collective. Progrès, croissance, développement durable. Comprendre les verrous sociaux et techniques qui paralysent nos institutions. Comprendre, en un mot, que l’inertie de nos sociétés est systémique et complexe. Et ce fut très frustrant parce que chacun est resté sur sa fin. De nombreuses personnes m’ont interpellé suite à cette série d’articles – cf. Valériane n° 117 à 122. Passionnées mais frustrées. Comme moi. C’est bien beau de décrypter les mécanismes, mais comment faire en sorte que ça change quand même ?
Trois ans ont passé, et la longue période du statu quo semble aujourd’hui s’être achevée. C’est en train de changer. Le monde bascule dans une nouvelle ère avec une telle évidence que seuls quelques irréductibles ou quelques fous peuvent encore l’ignorer. Mais si l’inertie était un phénomène complexe à analyser, le basculement en cours l’est tout autant. Les gens changent peut-être rarement d’eux-mêmes, mais “ça” change. Qu’est-ce que “ça” ? L’ambition de cette nouvelle série de réflexions est de tenter d’y voir un peu plus clair.