Le retour en grâce du grand-épeautre (3) Céréales de terres riches et céréales de terres pauvres

Dans le dernier numéro de Valériane, nous avons découvert qu’à la période gallo-romaine, les Celtes – ceux que nous appelons souvent nos ancêtres les Gaulois – cultivaient déjà, depuis des lustres, une importante palette de céréales, disposant, à cet effet, de formidables outils en fer et d’un charroi remarquable adapté à la culture du grand-épeautre. Mais pourquoi privilégiaient-ils cette céréale ? Et d’où pouvait-elle bien venir ?

Les Gallo-Romains partageaient avec le bétail orge, amidonnier, engrain et froment, complétées par le millet, l’épeautre, le seigle et l’avoine. L’envahisseur romain découvrit, dans nos régions, un savoir-faire agricole de haute qualité ainsi qu’une céréale d’origine inconnue qui portera ensuite un nom germanique, spelz, dont découla le nom d’épeautre. Le vallus, la moissonneuse « gaumaise », que nous vous avons montrée dans Valériane n°134, est spécifique à ce grand épeautre qui alimente alors l’industrie agricole marchande régionale, bien encadrée par un empire sécurisé, organisé et centralisé. Cette photographie d’un moment précis de l’histoire n’est toutefois qu’un arrêt sur image très ponctuel, quelque part dans le grand film de dix mille ans d’agriculture. Il nous a permis d’apercevoir, l’espace d’un instant l’objet de toutes nos recherches : le grand-épeautre, cette céréale aux qualités gustatives et nutritives connues et reconnues par nos meilleurs boulangers quoi qu’issue de nos terroirs les moins « riches ». Aujourd’hui, le grand-épeautre rustique semble bien armé pour regagner une place de choix au sein d’une agriculture sans traitements chimiques et dans le contexte de périodes de sécheresse – ou d’humidité – plus intenses, plus fréquentes mais aussi plus longues. Mais, si nous connaissons à peu près l’histoire de ses différentes résurrections qui suivirent la période gallo-romaine, nous ignorons comment il est arrivé chez nous…