Nous avons tous tendance à penser que, quand on met quelque chose en commun, ça tourne mal… Notre histoire économique et agricole a d’ailleurs intégré ce raisonnement. Le grand « mouvement des enclosures » a progressivement transformé et découpé nos paysages au long des siècles passés. Pour être bien gérées, pensons-nous, les terres doivent être clôturées et attribuées. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de terres mais de tout ce qui est susceptible de générer un profit. On assisterait à un second mouvement des enclosures. Faut-il se résoudre à cet imaginaire et à cette évolution des choses ?
«Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerre, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux, ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne». Ainsi commence le second Discours du philosophe Jean-Jacques Rousseau (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes). Bien sûr, il s’agit d’un effet d’éloquence, pour donner de la force à une idée qui sera ensuite développée et nuancée (1). Pourtant, aujourd’hui, cette idée forte, qu’on pourrait appeler la « tragédie de la propriété » semble totalement oubliée, et même carrément inversée.