Le jardinage est-il politique ?

L’attrait pour le jardinage aujourd’hui n’est pas anodin. S’il concerne souvent une volonté de se réapproprier une alimentation biologique et locale, il ne se réduit pas à cette dimension utilitaire. Le jardin nourrit, mais encore : il rassemble, fait rêver, épanouit, guérit, mobilise. On le voit en ville comme à la campagne. Il est l’ami de l’économe et du poète, du militant et du solitaire, du survivaliste, du pédagogue et du designer. C’est tout cela que cette rubrique se propose d’explorer.
Cinquième et dernier volet : les dimensions politiques du jardinage.

Interviewé en marge du salon de l’agriculture en 2015, le ministre français Bruno Le Maire a déclaré : “Jardiner, ça permet d’oublier la politique et oublier la politique, de temps en temps, cela fait beaucoup de bien”. Deux ans et demi plus tard, au JT de France 2, on pouvait entendre Pierre Rabhi rappeler ce qu’il affirme depuis longtemps : “Pour moi, cultiver son jardin, c’est un acte politique et c’est un acte de légitime résistance à des systèmes qui confisquent toute possibilité au citoyen de survivre par lui-même, pour le rendre entièrement dépendant.” On peut difficilement imaginer deux visions plus éloignées du jardinage. Pour autant, l’une est-elle fausse et l’autre vraie ? Peut-être le malentendu ne vient-il pas du sens qu’on donne au jardinage, mais de celui qu’on donne au mot « politique ».

Commençons par là. La politique que Bruno Le Maire veut oublier quand il jardine, c’est évidemment l’arène politique dans laquelle il joue, c’est-à-dire l’ensemble des institutions et des pratiques qui ont trait à la pratique du pouvoir dans une démocratie représentative : les partis, les assemblées, les administrations, les élections, etc. Tandis que Pierre Rabhi fait, lui, référence à ce qui est politique dans un sens plus large : ce qui relève du débat sur ce qu’il est juste de faire à partir du moment où d’autres humains que soi-même sont concernés. En ce sens, les deux peuvent avoir raison. Mais on imagine mal nos députés se mettre au semis et au binage dans les enceintes des parlements, ou alors juste à des fins de marketing. C’est donc évidemment cette seconde signification du politique qui nous intéresse. À quel niveau cultiver son lopin de terre peut-il avoir un impact politique ?