Pourquoi les gens ne changent-ils pas ? (1/6)

Inaccessibles raisins et tripes peu ragoûtantes
Nous sommes en train de changer d’époque. Le basculement est d’une ampleur difficilement mesurable, à l’échelle géologique. Ce qui s’annonce est aussi impensable pour le cerveau humain que ne pouvaient l’être l’écriture, l’agriculture à venir ou l’extinction passée des dinosaures pour un cerveau de grand singe d’il y a trois millions d’années. Énormité des constats et des déséquilibres planétaires ; pourtant, tout au quotidien semble suivre petit bonhomme de chemin. Cette rubrique sera consacrée à explorer, sous divers angles, la question suivante : pourquoi les gens ne changent-ils pas ? Premier chapitre : hypothèses dans le domaine de la psychologie.
Les premières alertes écologiques datent des années soixante. On peut trouver dans la littérature plus ancienne de nombreux discours précurseurs, et au moins autant de mouvements populaires de défense de « l’environnement » ou de visions opposées au productivisme – par exemple, le mouvement des Luddites au XIXe siècle. Mais mettons que les choses sérieuses commencent aux États-Unis avec les révélations de Rachel Carson (Printemps silencieux, 1962), en France avec la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle (1974) et, à l’échelle internationale, avec la publication du rapport Meadows au Club de Rome (Limits to growth, 1972). La naissance de Nature & Progrès, en France (1964) puis en Belgique (1976), date de ces années où l’écologie politique était en train de naître sous les traits de signaux d’alerte, dans le fol espoir d’une bifurcation de modèle de société qui, à l’époque, semblait possible.