Cet article est paru dans la revue Valériane n°174

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Par Georges Bourdon,

membre de Nature & Progrès

Un petit chemin enherbé déroule ses deux ornières entre des haies sauvages vers la ferme lointaine. Après une cinquantaine de mètres, une éclaircie s’ouvre à gauche sur un écrin de verdure : les Jardins d’Hamptia.

 

Le projet un peu fou d’un couple qui voulait donner du sens à sa retraite

 

Dans cette noue de Sambre qui ressemble à l’anse d’un seau et qui est à l’origine du mot (anse di sia en wallon, devenu hamptia par contraction au fil des siècles), les jardins s’étendent entre les prairies de la plaine alluviale. Blottis sous les contreforts de l’Abbaye et le versant forestier du « Nangot », ils sont protégés des vents du nord par la colline du « Mauditienne », offrant aux visiteurs un espace de sérénité et de réflexion dans un environnement hors du commun.

C’est en 2017 que le terrain dénommé « pré d’Hamptia » par le Cadastre fut acquis par la famille Bourdon. Séduits par le cadre exceptionnel, ces amoureux de jardinage perçurent le potentiel du site et décidèrent de relever le défi. Comment transformer une pâture banale en écosystème riche et diversifié ? Ce lieu, oublié durant de nombreuses années, se présenta comme une feuille d’aquarelle vierge. Il ne restait plus qu’à y ébaucher leur rêve.

Leur démarche se veut modeste et généreuse. Modeste, car elle s’adresse au quidam, aux jardiniers amateurs et les sensibilise au circuit-court, aux difficultés des maraîchers. Généreuse, car dès le départ, le jardin se devait d’être un lieu de partage, d’échanges, de réflexion. Ici, le savoir se co-construit, les erreurs ou réussites des uns servent aux autres. Comme Georges aime à le dire, « pousser la porte du potager c’est également entrer de plain-pied dans une métaphore ».

C’est le modèle de la forêt qui est suivi et il nous interpelle de deux façons : de manière concrète par l’occupation des différentes strates végétales, la diversité des espèces, la couverture du sol, le non-travail, et de manière abstraite, par l’invitation à la coopération, à la réflexion. Produire-consommer-recycler… Et si nous appliquions ce modèle à l’économie (Théorie du Donut, économie symbiotique, régénérative…) ?

D’autre part, devant les multiples courants qui animent la sphère potagiste, ils ont préféré se référer aux bases scientifiques de l’agroécologie telles que décrites par Miguel Altieri et Olivier De Schutter… Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel de fédérer plutôt que diviser. Permaculture, biodynamie, agroforesterie, syntropie, écoculture sont les facettes d’une même réalité. Il serait absurde de contester ces démarches qui s’inscrivent, avec des sensibilités différentes, dans la même approche.

Jusque dans les années 60, les potagers particuliers étaient encore bien présents dans nos paysages. Aujourd’hui, la société d’hyperconsommation et la vie trépidante entraînent les ménages dans une course permanente. Par facilité apparente, ceux-ci convergent de manière presque addictive vers les grandes surfaces. Or, les scandales à répétition dans différents secteurs ébranlent de plus en plus la conscience du consommateur. Il évolue vers un rôle de « consommacteur », mesure son impact et perçoit le poids de ses actions. Chaque acte posé résulte de plus en plus d’un choix politique. La sécurité alimentaire nationale devrait redevenir un paramètre stratégique de gouvernance. Cette prise de conscience garantirait la résilience de nos régions. Les enjeux actuels et les dangers du réchauffement climatique nous ont conforté dans le souhait d’apporter une petite pierre à cet édifice citoyen, fragile et en construction. « Une goutte d’eau pour le colibri », comme disait Pierre Rabhi. Nous est ainsi venue l’idée de créer un espace de jardin modèle, didactique, destiné en partie aux visites et formations.

Nous souhaitions promouvoir l’agroécologie au niveau des jardiniers amateurs, expérimenter pour mieux transmettre, satisfaire les besoins familiaux en légumes sains, partager les surplus et sensibiliser enfants et parents à l’alimentation saine et à la résilience par le redéveloppement d’une ceinture verte de jardins. Plus que de grands discours, nous nous proposions de démontrer en toute simplicité et par l’exemple, l’efficacité des techniques, susciter l’interrogation, la curiosité, l’échange, l’envie de vivre ses propres expériences, la solidarité et le partage, recréer du lien social. Cette dynamique a pu se mettre rapidement en place grâce aux synergies avec différentes associations.

L’intérêt et le succès suscités par ce projet nous ont amené à créer en 2021 une asbl : HAGRONAM – Hamptia, agroécologie en namurois, ayant pour objectif d’informer, sensibiliser et former à l’agroécologie en distinguant trois pôles : discipline scientifique, mouvement social, pratiques agricoles. Notre public cible est constitué par les jeunes, les adultes, jardiniers amateurs ou simple curieux. Sur le terrain, nous démontrons par l’exemple le potentiel des techniques, en insistant sur la dimension humaine à travers des perspectives économiques et sociales. Nous échangeons et partageons avec des groupements poursuivant un but similaire tant au niveau local que régional, national ou international. Nous proposons diverses formations et ateliers spécifiques en veillant à permettre l’accès aux plus démunis (participation libre en conscience).

Aujourd’hui, le site, entouré de haies forestières et d’un chemin d’accès, présente différentes facettes : plantes aromatiques, mini forêt comestible, hôtels à insectes, zone humide, ruches, verger aux variétés anciennes, arbustes petits fruits, bacs de culture, potager en carrés, potager traditionnel, pelouse, zone sauvage… Un auvent protège un four à pain et permet de mener des activités plus rustiques à l’abri des intempéries.

On peut visiter les Jardins d’Hamptia lors des portes ouvertes Nature & Progrès (dimanche 3 août de 10 à 18h), à l’occasion des fréquentes activités qui y sont organisées ou sur simple demande. Ils ont été plusieurs fois mis en lumière : par le jury de Générations solidaires en 2023 (Journal Vers l’Avenir et Fondation Roi Baudouin) par la Province de Namur en 2022 et 2024. Ils font partie du Réseau nature de Natagora et des jardins ouverts de Nature & Progrès.

 

 

Contact : Georges et Evelyne Bourdon-Musique

jojo.bourdon@gmail.com – 0474/199362

 

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