La fin du pétrole: la peur du gouffre!



Le XXIe siècle ne s’ébauchera sans doute qu’en fonction des réponses apportées à l’actuel choc pétrolier. Le pétrole bon marché aura permis l’essor économique de la seconde moitié du XXe siècle. Mais l’« ère » du pétrole cher dans laquelle nous entrons maintenant annonce, à n’en pas douter, son remplacement progressif par d’autres formes d’énergies ; des énergies encore largement à découvrir et dont les modalités de production et d’usage nous sont, en grande partie, inconnues.

« L’âge de la pierre ne s’est pas terminé faute de pierres », a un jour déclaré un ministre saoudien du pétrole ; l’âge du pétrole ne se terminera pas faute de pétrole ! Mais tout simplement le jour où son extraction et sa transformation seront devenues impayables…
Gros problème : le pétrole et sa chimie sont partout ! Les lobbies pétroliers sont omniprésents et hyper-puissants ; ils font et défont les politiques. L’honorable Monsieur Bolkestein, par exemple, – celui de la directive du même nom ! – n’a-t-il pas, en bon libéral hollandais, commencé sa brillante carrière chez Shell ? Etats et organisations internationales, arc-boutés sur leurs indicateurs de croissance économique, n’ont plus qu’un seul souci : limiter, dans le court terme, l’impact du pétrole cher sur la croissance mondiale…

Rares sont les esprits visionnaires capables d’imaginer que ce siècle – et sans doute même ce demi-siècle – vivra l’après-pétrole. Aujourd’hui, toute anticipation trop crédible de ce grand chambardement est ressentie comme un réelle menace – quasiment du terrorisme ! – pour l’économie mondialisée dont les énergies fossiles sont la clé de voûte. Obstinément, nous refusons encore d’admettre qu’il y aura forcément une fin. La chose est pourtant inévitable car les ressources de la Terre sont limitées ; n’importe quel idiot, au fond de lui, sait cela pertinemment.

Nous repoussons donc l’échéance en refusant de voir ce qui viendra après, comme les navigateurs des temps jadis qui croyaient la mer finie, limitée par un gouffre peuplé de monstres abominables. Ils s’en allaient à l’aventure, ne sachant quand ils y tomberaient. Qu’est-ce qui empêche pourtant la mise en place, dès aujourd’hui, de transitions douces, sur dix, vingt ou trente ans ? Est-ce la peur du gouffre qui tétanise les pouvoirs politiques ? Car il ne manque plus désormais d’oiseaux de mauvais augure pour prétendre que nous sommes bien plus près qu’on ne veut nous le dire de la gueule béante des créatures de la fin des mers…

Tout est pétrole dans nos économies largement « tertiarisées ». Elles reposent, toujours plus, sur une orgie énergétique insensée, sur la frénésie de transporter – sans raisons réelles – biens et personnes aux quatre coins de la planète… Du reste, depuis la « révolution verte », la motorisation quasi totale et le recours irréfléchi aux herbicides et pesticides de synthèse, nos agricultures ont permis l’explosion démographique de nombreux pays en développement. L’agriculture dominante, intensive et hyper-mécanisée, repose essentiellement sur la transformation du pétrole en nourriture. Qu’adviendra-t-il le jour où celui-ci fera défaut ?