Un potager à l’école ?

Qui mieux que l’enseignement fondamental peut apprendre à rencontrer un besoin fondamental tel que s’alimenter ? N’en serions-nous pas venus aujourd’hui à façonner de puissants cerveaux aux doigts agiles – pour mieux user nos claviers – et aux yeux de lynx – pour mieux scruter l’infini de l’Internet – mais complètement anémiés par une alimentation standardisée et étrangère au lieu même où nous sommes branchés à la toile ? Ce paradoxe très moderne inquiète aujourd’hui bon nombre de jeunes parents. Et bon nombre d’enseignants…
Sans renier le moins du monde les acquis de la modernité, nombreux sont ceux qui prétendent les marier à un retour à la nature, mais un retour fonctionnel, concret, efficace et plus la rêverie du bon-papa qui fut hippie… Former nos enfants dans ce sens apparaît donc comme un must pour un enseignement fondamental de qualité. Mais justement parce qu’elles projettent de mieux rencontrer les réalités locales, chacune de ces expériences ne peuvent être qu’uniques et spécifiques, en cultivant ce qui précisément fait leur différence. Beaucoup de questions semblent néanmoins récurrentes ; elles concernent ce qui rend universelle et tellement concrète l’expérience d’un potager dans l’école où toutes les matières semblent susceptibles de se rencontrer comme chaque composants d’une même cellule dans le cadre organique d’une vraie pédagogie active.
Mais comment en faire un projet d’école, de communauté, de village plutôt qu’un fardeau pour enseignant visionnaire, totalement dévoué mais tellement isolé ? Comment organiser sans imposer ? Comment démarrer en se débarrassant du sentiment d’oublier l’essentiel ? Comment profiter pleinement d’une saison de cultures alors même que les écoles sont désertes en juillet et en août ? Comment s’y prendre dans un monde de spécialistes où les pédagogues sont rarement jardiniers et les jardiniers rarement pédagogues ? Autant de raisons de céder finalement au découragement ? Certainement pas !
Pour autant, nous n’avons pas la clé magique qui ouvrirait la porte du Paradis. Nous nous sommes contentés, pour un début encourageant, de rendre visite à deux écoles qu’apparemment tout oppose : l’école communale de Freux, près de Libramont, et l’école fondamentale des Servites de Marie, à Uccle. Nous avons bavardé tranquillement avec nos hôtes pour mieux percevoir leurs motivations profondes et leurs projets un peu fous. Du fond de l’Ardenne au coeur de la Capitale, un même sentiment pourtant les unit : c’est un trésor qui gît à portée de leurs mains…