Combien de fois l’ai-je entendu ? Des dizaines, certainement : « Le problème, c’est que ce sont des gens comme Monsanto et compagnie qui tirent les ficelles… On ne vit plus dans une démocratie… Ils vont nous interdire de faire notre potager, vous allez voir. Vous êtes bien naïf, jeune homme ! » J’ai dû apprendre à m’y habituer. Lors des débats et conférences sur les semences paysannes ou sur la décroissance que j’ai été amené à animer ces dernières années, je pouvais à l’avance me préparer à répondre à ce type d’interventions. Inmanquablement, elles sortaient de la bouche de l’un ou l’autre des participants.
En mon for intérieur, j’ai baptisé ce phénomène la « constante complotiste ». Une chose m’a frappé, à la longue : ces prises de parole ne sont jamais des questions, jamais des propositions d’action ni même les témoignages d’une inquiétude, mais des sentences qui ne souffrent aucune objection. Elles sont l’expression d’une vision du monde : quelque part, un petit nombre de personnes très puissantes tirent les ficelles. Leur prolifération est certainement le symptôme d’un grand désarroi collectif et politique face à une époque en plein bouleversement. Proposer des pistes alternatives pour sortir de ce désarroi ne doit pas nous empêcher de refuser ses symptômes les plus désolants.