Cet article est paru dans la revue Valériane n°176
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Par Sylvie La Spina,
rédactrice en chef chez Nature & Progrès
A l’occasion des portes ouvertes des membres de Nature & Progrès, Teddison et sa famille ont partagé leur expérience : l’autoconstruction d’une maison écologique autonome en eau et en énergie.

Teddison explique aux visiteurs l’histoire du lieu
Samedi 28 juin 2025. Plusieurs familles se rassemblent dans le jardin de Teddison, Florie et leurs enfants, dans le village de Villers-deux-Eglises, à deux pas des lacs de l’Eau d’Heure. Un couple de moutons d’Ouessant nous accueille à l’entrée, tandis que les jeunes oies et canards de Barbarie égaient, par leur pépiement, le jardin. Si le potager, les fruitiers et les animaux auraient pu faire l’objet de la visite, c’est la maison que nous sommes tous venus découvrir.
La genèse du projet
Assis en cercle dans l’écrin de verdure, nous écoutons Teddison nous raconter l’histoire du lieu. Tout commença il y a six ans, lorsque la petite famille cherchait à installer son nid dans la région. « On voulait rénover une maison en pierres, mais on ne trouvait pas notre bonheur. » Puis se présenta l’opportunité d’acquérir un terrain et l’idée d’autoconstruire. « Des amis en Espagne ont construit leur propre maison et vivent en autonomie. On ne connaissait pas du tout ce principe-là. Ça nous a plu, et de ne pas devoir nous endetter pour 25 ans ».
La famille s’installe dans une cabane de 20 mètres carrés construite en trois mois sur le terrain, le temps du chantier qui durera trois ans et demi. Des panneaux solaires et des batteries les alimentent en énergie tandis que l’eau de pluie est collectée pour les usages domestiques, et une source fournit l’eau qui, filtrée, sera utilisée pour la boisson. Un premier pas en autonomie. Florie continue de travailler à l’extérieur tandis que Teddison se consacre à l’édification de la maison.
« On a entendu parler de la construction paille et on a trouvé ça révolutionnaire, d’utiliser un matériau si simple, facile à trouver et pas cher ». Teddison s’entoure des compétences d’un architecte de Liège spécialisé dans l’autoconstruction paille. Il était d’accord de participer au projet et de valider la garantie décennale à condition qu’un référent technique – un charpentier – suive le chantier sur place. Teddison a suivi une formation théorique et pratique d’une semaine grâce au Cluster Eco-construction asbl, et a participé à des chantiers participatifs en France.

Panneaux photovoltaïques et thermiques, serre orientée au Sud
Le temps de faire soi-même
Le matériel arrive en janvier 2020… Juste avant l’épidémie de coronavirus. Teddison a échappé de justesse à l’augmentation des prix, mais se retrouve seul devant son chantier. « Comme le charpentier n’a pas su venir, on a fait nous-même et il a vérifié. C’est lui qui a dessiné les plans, défini les sections de bois… Je n’avais qu’à appliquer ce qu’il disait. » Et puis, tout s’enchaine. « Quand on avance pas à pas, on se dit : finalement, je peux le faire. Quand on voit la maison dans son ensemble, ça paraît complexe. Mais étape par étape, tout est beaucoup plus facile. On peut toujours demander conseil à quelqu’un. On ne dépend pas d’une personne qui peut venir ou ne pas venir. » A part pour le terrassement, Teddison n’a fait appel à aucun prestataire mais il a reçu beaucoup de coups de mains. « Si on a une panne, on ne dépend de personne, on a tout installé. C’est la mouvance low-tech. »
Ils s’installent enfin dans leur nid : une maison d’un total de 100 mètres carrés, sur deux niveaux. Un espace bien nécessaire. « Quand on habite à la campagne, on a besoin de choses, c’est fou ce qu’on stocke ! On récupère, on garde des choses qui nous serviront peut-être dans dix ans… » Deux conteneurs maritimes disposés au Nord, espaces de stockage, contribuent à l’isolation. Teddison fait le bilan : des matériaux naturels et locaux (bois, terre du jardin, paille du village), un tout petit emprunt sur dix ans, un coût de 1.000 euros par mètre carré environ, et plus aucune facture d’eau ni d’énergie.
Vivre avec 1.200 watts
Quatre panneaux photovoltaïques fournissant 1.200 watts, un onduleur et des batteries au plomb sans maintenance ont été achetés d’occasion pour 2.000 euros. Ce système suffit pour les besoins de la famille moyennant quelques habitudes, notamment entre novembre et janvier, lorsqu’il y a moins de soleil. La famille se passe d’appareils énergivores (séchoir, stérilisateur…) et utilise des taques de cuisson au gaz. Un four est associé à un poêle à bois. Le frigo est coupé en hiver, et les aliments sont stockés dans un conteneur à température extérieure. Les produits sensibles comme la viande sont achetés au fur et à mesure. Pendant ces quelques mois d’hiver, la lessive est réalisée lorsqu’il fait beau. Ici, bien plus que l’alimentation, c’est tout le rythme de vie qui s’adapte à la saison.
La production d’énergie par éolienne domestique pourrait bien compléter les panneaux pour fournir de l’énergie en hiver, quand il y a plus de vent. « C’est une idée mais par rapport au photovoltaïque, il faut plus rechercher : tout le monde a une théorie différente, et on n’est jamais sûrs du résultat. On le fera peut-être plus tard quand on aura le temps de réfléchir, mais pour le moment, on arrive bien à vivre comme ça. »

Discussions pratiques sur l’utilisation des panneaux
Confort thermique
La famille se chauffe au bois. Une serre orientée au Sud apporte aussi un peu de chaleur, mais ses vitres doivent être occultées en été. En attendant qu’un plant de kiwi procure l’ombrage nécessaire à la bonne saison, des stores en bois assurent ce service. L’eau chaude est produite à l’aide de panneaux thermiques en été (environ trois mètres carrés). Ils alimentent un ballon de 250 litres juste au-dessus, ce qui permet de se passer d’une pompe de circulation. Par contre, Teddison doit être attentif à régulièrement couvrir ses panneaux pour éviter la surchauffe.
Pour l’hiver, ils disposent d’un autre poêle à bois raccordé à un ballon d’eau de 100 litres. Etant donné qu’il faut 1h30 pour chauffer ce ballon, il est hors de question d’en consommer à tout moment de la journée. La famille regroupe les besoins le soir pour les douches et la vaisselle. Au total, pour le chauffage et l’eau chaude en hiver, cinq à six stères sont nécessaires par an. Etant donné l’absence de maçonnerie, la maison dispose de peu d’inertie thermique.
Gestion de l’eau
Les cent mètres carrés de toiture alimentent deux citernes en béton totalisant 20.000 litres. Elles sont munies des trois filtres classiques dont un au charbon actif. Cette eau non potable est utilisée pour les douches, la vaisselle, etc. L’eau de boisson est puisée à une source proche puis filtré à l’aide d’un Berkey. Des analyses ont été réalisées par l’INASEP en ce qui concerne les principaux critères : bactéries, minéraux, métaux lourds… La source a un débit constant, ce qui suppose qu’elle est alimentée par une nappe profonde.
La maison est reliée aux égouts. Cependant, Teddison réfléchit à récupérer certaines eaux grises pour arroser le potager. Marc, présent parmi les visiteurs, lui conseille de consulter le site Eautarcie (www.eautarcie.org) où un modèle de digesteur est présenté. Encore un projet à réfléchir pour améliorer, toujours, le système. Pour les sanitaires, rien d’étonnant à découvrir la toilette sèche ! « Ici, on fait pipi assis », révèle Teddison. Le pipi est collecté à l’avant du dispositif et acheminé vers les égouts. Les matières fécales mélangées à des copeaux tombent dans une fosse sous la maison.
Un projet de famille source d’inspiration
« Ce que j’aime bien, c’est de vivre au fil du soleil et des saisons. C’est logique qu’en hiver, on ne vit pas de la même manière qu’en été, parce qu’on n’a pas les mêmes ressources. Et le fait de faire tourner la machine à laver quand il y a du soleil et pas la nuit », confie Florie, l’épouse de Teddison. Leur jeune garçon a suivi tout le chantier. La démarche incite sa curiosité. « Il en parle à l’école, et maintenant, son professeur s’intéresse à ce que nous faisons, et finalement, on se rend compte que nous ne sommes pas les seuls à rechercher plus d’autonomie dans le village. » Un projet de vie cohérent, mais aussi inspirant, et ce sont des visiteurs enchantés qui remercient Teddison et sa famille pour leur partage d’expérience.

Teddison Chevignard
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