Tel devait être le thème de notre salon Valériane 2020… Mais, si le salon n’a pas lieu, la proposition qui est ainsi faite à chacun.e d’entre nous reste évidemment, plus que jamais, d’actualité. Qu’est-ce que le « fait maison » ? Quelle est la réalité derrière la formule ? Elle recouvre, vous vous en doutez, une très grande diversité d’approches et de méthodes… Nous avons donc sollicité, pour y voir un peu plus clair, le témoignage de cinq « proches » de Nature & Progrès. Nous leur avons posé quatre questions très simples pour les laisser évoquer librement leur rapport à la nourriture. Matière à réflexion…

Propos recueillis par Dominique Parizel

Introduction

Les quatre questions :

  1. Quel a été ton parcours vers le « fait maison » ?
  2. Où situe-tu ton degré d’autonomie alimentaire ?
  3. Table-tu plutôt sur l’autoproduction ou sur la proximité avec les producteurs locaux ?
  4. As-tu des « trucs et astuces » à recommander ?
Patricia, quelque part en Hesbaye liégeoise, est très active sur facebook

1- J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à manger et à découvrir des saveurs. J’ai toujours été intéressée par l’environnement et la nature, j’ai toujours aimé les balades… Avec mon groupe facebook, je me considère comme une « délivreuse » de savoir-faire, dans les deux sens du terme : je les libère là où ils sont resté coincés et je les apporte à ceux qui en ont besoin, pour gagner en qualité de vie sans nuire à l’environnement. Je propose juste ce que je fais tous les jours : des choses qui me paraissent simples mais qui ne le sont peut-être pas aux yeux de quelqu’un d’autre. Nous avons tous une histoire familiale riche de connaissances singulières qui doivent absolument être partagées. Une recette n’est une chose figée ; elle doit toujours être transformée par celui ou celle qui la fait. Moi, je propose des recettes avec ce qu’on a sous la main car je trouve la cuisine trop souvent inutilement sophistiquée.

2- Autonomie est un terme à la mode. Moi, je suis autonome au saut du lit mais, quand j’arrive au déjeuner, il me faut du thé, du café, du lait, du sucre… Et, même si je fais mon pain moi-même, je n’ai pas cultivé la céréale… Pour nourrir une famille entière, il faudrait cultiver un hectare car les céréales prennent énormément de place. Donc, même si nos potagers nous rendent plus autonomes, la collaboration avec des professionnels est indispensable. Il m’est difficile de m’engager pour les agriculteurs, même si j’en côtoie souvent. Je préfère donc parler de consommation en circuits courts, de résilience et d’efficience en cuisine. Ce serait déjà pas mal, pour beaucoup de monde, d’être autonome en cuisine, au fourneau. Si j’achète un colis de bœuf, j’aurai des beaux morceaux et des moins beaux morceaux que j’aurai autant de plaisir à manger… à condition de savoir les cuisiner ! Des carbonades qui mijotent, tout un après-midi, embaument toute la cuisine. C’est terrible, croyez-vous, cela prend des heures ? Du calme ! Venez sur mon groupe pendant que cela cuit. Ou allez vous promener… S’organiser est indispensable mais il ne faut pas non plus devenir l’esclave de ses convictions. Il y a des jours où on peut juste ouvrir une boîte de sardines… Toutefois, les nombreuses petites aides culinaires qui sont très utiles – comme les légumes lactofermentés en bocaux -, il faut pouvoir prendre le temps de les faire. Ce sont des activités qui déstressent…

3- Je cultive une petite parcelle dans mon jardin – quelques plants de courgettes et de potirons, des poireaux, des betteraves et des salades – où j’ai surtout des aromatiques, ainsi que des fraises et des petits fruits. J’ai aussi une parcelle dans un jardin communautaire, à Awans, où on m’a même demandé d’être présidente. Sans doute parce que j’avais un beau chapeau… Je suis bénévole au Valeureux et également chez Hesbicoophttps://hesbicoop.be/ – quand j’arrive à quitter ma cuisine et mon écran d’ordinateur… Hesbicoop est une centrale où les producteurs amènent leurs marchandises qui sont ensuite dispatchées vers différents centres de ralliement où nous les répartissons en paniers pour les particuliers. C’est du local où nous incorporons un peu d’équitable. Une solution qui permet aussi d’éviter des déplacements inutiles en voiture, le problème du circuit court étant souvent de devoir courir à dix endroits différents pour dix denrées différentes. Nous proposons un juste milieu : tout centraliser pour ne faire qu’un trajet par semaine…

4- Un truc ? Faites du bouillon maison ; on peut en faire énormément de choses… Pour mes préparations, je fais deux casseroles de bouillon par mois que je stocke au frigo et au congélateur. Tous les quinze jours, j’achète environ trois kilos de carcasses crues de poulets bio. Je les cuis une première fois à petits bouillons dans une grande quantité d’eau – avec de la sauge, du thym, du laurier et du romarin réduits en poudre -, ce qui permet de retirer facilement les chairs. Je récupère ainsi un tiers du poids en effilochés de volaille. Soit environ un kilo de viande bio pour deux euros !

Cela prend du temps ? Ben oui. Je me pose dans ma cuisine pendant une demi-heure et je ne ressens pas ça comme une corvée. Je rêvasse en occupant mes mains… Je les replonge les carcasses nettoyées dans le bouillon pour qu’elles libèrent un maximum de goût, je passe ensuite le jus au tamis et j’ajoute ou non des légumes en fonction des utilisations prévues. Le faire à ce moment-là permet de ne pas avoir les légumes empêtrés dans les petits os. Ce temps investi me permet d’avoir, en permanence, sous la main un exhausteur de goût naturel et nourrissant. Et plus un kilo de viande pour un moindre coût… Ce bouillon, vous pouvez le servir, avec légumes et effiloché de volaille, en plat unique, en ajoutant simplement des céréales. Ou le transformer en bol « ramen », en y ajoutant de la sauce soja… Ou encore ajouter les effilochés dans une salade… Ou comment faire de la top cuisine en valorisant juste un « déchet »…

Joseph, du côté de Waremme, encadre un potager collectif…

1- Nous faisions un jardin, à la maison, dans les années cinquante, comme tout le monde en faisait à l’époque. C’était du bio avant l’heure… Cette culture subsiste toujours chez moi aujourd’hui ! Les gens – dont mes parents d’origine polonaise qui ont été déportés pendant la guerre – avaient subi d’immenses privations. La nourriture était donc une chose très importante à leurs yeux mais ce qui l’était encore plus c’était que leurs enfants ne connaissent pas ce qu’ils avaient vécu. L’érosion de la part consacrée à l’alimentation, dans le budget d’un ménage, l’a fait passer de 50% après la guerre à moins de 15% actuellement. Il y a tout un débat de société à faire autour de cela : pourquoi consacrons-nous moins de budget et moins de temps à nous soucier de la qualité de notre alimentation ? Cela a-t-il vraiment un sens ?

2- A la maison, nous ne produisons pas tout nous-mêmes ; nous n’avons pas de bétail ni même de petit élevage. Nous sommes de très petits consommateurs de viande et sans doute l’âge y est-il pour quelque chose ? Notre production concerne donc essentiellement les fruits et légumes. Nous achetons peu de choses et, quand c’est le cas, c’est du bio. Je ne saurais donc dire si la qualité globale de l’alimentation, ainsi que certains le prétendent, a baissé depuis l’époque de mes parents. Toutefois, notre propre récolte de pommes de terre nous mène de la fin juin jusqu’à février-mars et nous achetons des patates bio pour faire la soudure. La différence est évidente avec ce que je fais au jardin ; on sait qu’on mange des pommes de terre mais pas beaucoup plus que cela. Je ne me prononcerai donc pas sur les pommes de terre en conventionnel…

Je connais beaucoup de travailleurs détachés polonais qui travaillent dans le maraîchage en Hesbaye ; je leur rends à l’occasion l’un ou l’autre service de traduction pour remplir des documents. Ils me donnent en remerciement des surplus de production bio destinés à la benne quand il y a un excédent momentané. Si je compare un poireau de cette production avec un poireau de mon jardin, je dirais qu’il faut vraiment mettre le nez dedans pour savoir ce que c’est. Je pense donc que la baisse globale de qualité est malheureusement bien réelle et tient au fait que les méthodes culturales bio sont identiques à celles du conventionnel, hormis évidemment pour tout ce qui concerne les intrants. Ceci dit, on ne parle de conventionnel que depuis cinquante ans ; avant cela, tout était en bio « sans le savoir »…

3- Notre autonomie est assez élevée sur la partie maraîchère. Je mange peu de fruits, n’étant pas sucre du tout. Ma femme l’est de moins en moins… Et nous consommons peu de viande, pas de poisson… Nous nous rendons bien chez les producteurs locaux mais nous sommes parfois un peu gênés de ne prendre chez eux que les tchinisses qui nous manquent… Nous faisons peu de conserves – nos surplus sont congelés – en restant attentifs à consommer le plus frais possible. Nous faisons bien sûr un peu de lactofermentation – choucroute et cornichons -et nous séchons également des fruits mais de manière très marginale. Nous faisons des coulis de tomates et des pesto… Nous avons un extracteur, pour faire des jus de fruits et de légumes, et nous faisons notre propre pain, avec les farines d’Agribio ou de Vajra

Le jardin collectif de La prêle, au sein duquel je suis actif pour la huitième année, a surtout pour but de montrer que des gens qui se déplacent pour cultiver sur un lieu collectif, s’en sortent très bien en n’y consacrant pas plus de deux ou trois heures par semaine pour environ cent vingt-cinq mètres carrés. Tout est affaire d’organisation ; les jardiniers qui ont un jardin trop grand ne savent souvent pas par où commencer quand tout est à faire en même temps… Pour des gens inexpérimentés, se faire encadrer est souvent très utile car les causes d’échecs sont plus nombreuses que les réussites… Je pense que le jardin est source de grandes économies ! Pas sur le prix de ce qu’on produit mais par rapport à tout ce qu’on n’achète plus. Car le ménage qui prend goût au jardinage vit dans son jardin et les autres stimulations extérieures perdent beaucoup de leur impact. On va s’amuser au jardin, on se fait de bons petits repas et on est heureux comme cela ! Être en harmonie avec sa propre personnalité et avec la nature environnante est le principe même de la décroissance.

4- Je préconise l’utilisation de la « marmite norvégienne » pour cuisiner en faisant de belles économies d’énergie. Mais cela mérite un article spécifique…

Carine, dans le Brabant Wallon, ou comment marier opportunisme et créativité…

1- Une infirmière qui s’occupait de moi, dans une période difficile de ma vie, m’a un jour annoncé qu’elle allait se mettre à faire du pain au levain, du pain bio… C’était il y a plus de quarante ans ! Le pain étant la base de l’alimentation, tout a commencé par là et mon esprit s’est ouvert. J’ai ensuite suivi des cours sur le jeûne, les soupes, l’alimentation végétarienne, etc. J’ai pris conscience de la nécessité d’assainir la façon dont je me nourrissais et dont je nourrissais les autres. A commencer par mes propres enfants qui, à leur tour, ont été très sensibles à toutes les questions liées à la nourriture, au « zéro déchet », etc. Tout cela m’amène aujourd’hui à une très grande autonomie alimentaire, en ce sens que, si j’ai envie de soupe, je fais le tour du jardin et je trouve une ortie et de l’égopode auxquels j’ajoute la patate qui traîne dans mon panier et les deux carottes qui restent dans mon frigo… La créativité fait partie de ce que je suis devenue. Je récupère tout ! Si un magasin met devant sa porte du pain rassis pour les animaux, eh bien, je ne le donne pas aux animaux et je le mange moi-même ! Je peux donc me débrouiller avec un budget extrêmement restreint. Mais, soyez rassurés, un bon pain bio vieillit mieux que l’éponge de la boulangerie du coin qui se borne à cuire des pâtons venus on ne sait d’où… Puéricultrice de formation, j’ai à cœur de dépanner des mamans mais ma vision de l’aide a changé : pendant qu’elles s’occupent elles-mêmes du bébé, je leur fais cadeau d’un repas, ou simplement d’une bonne soupe… Je suis également traiteur autodidacte, spécialisée dans la cuisine vietnamienne, pour des œuvres, des communions, des mariages… Des petits budgets… Je donne également des formations sur le pain au levain. Au salon Valériane, entre autres…

2- En matière d’autonomie, je ne suis pas parfaite mais je tends vers… Voilà comment je pourrai définir mon niveau. Cela s’inscrit dans le sens d’une réflexion personnelle. Je suis là, ici et maintenant, dans ma maison et je n’ai pas été gênée par le confinement. Je n’ai pas de liste de courses impressionnante à transmettre parce que la base nécessaire est toujours là, chez moi. Je fais, par exemple, des recettes à base de tempura, une pâte à beignet d’origine japonaise, dans laquelle je passe des fleurs et que j’accompagne d’une sauce soja diluée… En fait, je suis une opportuniste alimentaire. J’ai vu, ce matin, quatre champignons dans une prairie. Je les ai ramassés, coupés, congelés… Ils me serviront bien, un jour ou l’autre…

3- Je suis entièrement favorable à la production locale. Mon jardin n’est certes pas très fourni mais je fais activement partie d’un groupement d’achat, labellisé Nature & Progrès, et nous avons une nouvelle épicerie coopérative à Mont-Saint-Guibert qui est très bien fournie. J’aime aussi les fromages de la Baillerie qui ne sont pas certifiés bio mais c’est ceux-là qui me conviennent. Question de goût, de discernement… et de proximité ! Et, surtout, je connais les producteurs…

4- A l’époque du vite-fait, tout-fait et souvent mal fait, j’apprécie beaucoup les petites recettes sympathiques, réalisables rapidement – mais avec créativité – avec ce qui tombe sous la main. Ce sont mes « improvistes » ! Voici donc ce que j’ai toujours sous la main, en version bio et local si possible : quelques tranches de pain ou un paquet de crackers, une boîte de sardines ou de maquereaux – issus d’une pêche responsable -, quelques œufs… Dans mon frigo : mayonnaise, fromage frais ou dur, quelques olives, du bouillon et du parmesan. Dans mon placard : noix, amandes, pâtes, riz, quinoa, couscous, lentilles corail ou vertes, coulis de tomate bio… Dans mon panier de légumes : oignons, carottes, radis, concombre, tomates, fenouil… Dans mon congélateur : quelques pilons de poulets, quelques tranches de dos de dinde surgelés par deux, un peu de fromage râpé… Dans mon tiroir à épices : thym, laurier, ail, curcuma, paprika, curry… Et, bien sûr, dans mon jardin : de la verdure – orties, consoude, égopode -, des fleurs – capucines, lierre terrestre, hémérocalles, mauves, etc. -, des fruits – rhubarbe, mûres, groseilles et framboises – et quelques herbes – ciboulette, persil, sauge…

Xavier, quelque part au cœur des Ardennes, anime désormais la page recettes de votre revue Valériane

1- J’ai commencé à cuisiner avec maman quand j’étais enfant : gâteaux, desserts… Une fois l’adolescence venue, pour essayer de la soulager un peu, j’ai fait les repas une fois par semaine. Arrivé dans la vie active, je m’y suis mis de plus en plus et j’ai naturellement mis au point mes propres recettes, amélioré celles que je connaissais déjà. Nous faisions une cuisine familiale ; étant originaire de Jalhay, il s’agissait de plats de la région liégeoise et de recettes de famille. Nous nous sommes installés, ma compagne et moi, près d’Houffalize en 2013, et produisons une partie de notre alimentation sur un terrain d’un hectare. Mes parents avaient bien un potager qui n’était pas très grand et ne produisait pas énormément. Maintenant, je réalise tout moi-même à partir d’ingrédients bio autoproduits ou achetés chez des producteurs proches. Je teste des choses à partir de ce que j’ai appris, toujours dans le strict cadre familial… Cuisiner est juste un hobby pour faire plaisir à la famille ou aux amis qui viennent manger chez moi. Je fais avec ce que j’ai et il est rare que j’aille chercher ailleurs.

2- Notre degré d’autonomie alimentaire est quasi-complet en ce qui concerne les légumes. Nous nous battons évidemment contre les ravageurs, limaces et campagnols principalement. Nous n’avons presque pas produit de pommes de terre et de carottes, l’année dernière, et avons donc dû en acheter. Mais il y a deux ans, la production de tomates a été si bonne que nous avons encore des conserves de coulis. Je pense qu’il faut viser la variété au niveau du potager, en s’apprêtant toujours à subir l’un ou l’autre échec et en n’hésitant pas à recourir à de la lutte intégrée contre les ravageurs, en améliorant la biodiversité et en amenant des moyens de lutte naturels ou mécaniques… Nous avons réglé nos gros problèmes de limaces en adoptant le canard coureur indien ; nous nous attaquons aux campagnols en plaçant des barrières physiques qui leur empêche d’accéder aux parcelles. C’est en testant et en améliorant chaque année, sans se décourager, qu’on trouve les solutions adéquates, mais l’autonomie n’est pas une fin en soi. Nous produisons aussi une part de notre viande – de la volaille principalement et occasionnellement des moutons et des cochons – mais être totalement autonome en la matière semble extrêmement difficile… Pour la plupart des gens, le plus gros problème reste l’accès à une terre où installer leur potager. Mais tout le monde peut cultiver des salades et quelques plants de tomates, dans des bacs, sur sa terrasse…

3- Tout ce que nous achetons à des producteurs est strictement local, même si, à l’occasion – nous avons tous les deux des métiers très mobiles -, nous ramenons des denrées de producteurs plus éloignés. Les producteurs locaux pratiquent des prix tout-à-fait raisonnables et se fournir chez eux n’est pas plus cher que de le faire en grandes surfaces… Le principal problème réside donc dans la bonne gestion des stocks puisqu’on ne rend pas visite à un producteur chaque semaine : un fromage, par exemple, s’achète par roue dont on congèle éventuellement une partie. Acheter local permet donc de gagner en qualité sans que cela atteigne vraiment le portefeuille. Mais cela change surtout l’organisation des courses, de manière générale…Notre micro-ferme, elle, n’a d’autre fonction que d’améliorer notre qualité de vie, même si nous y proposons des activités qui peuvent être utiles pour tout auto-producteur non-professionnel… Nos fruits et légumes autoproduits sont incontestablement meilleurs au goût, ne serait-ce que parce qu’ils sont récoltés à maturité. Quant au coût d’un potager, il est principalement lié au temps qu’on y passe…

4- Le plus difficile est d’oser se lancer, essayer l’une ou l’autre chose… Ne suivez jamais une recette au pied de la lettre, prenez-en l’idée et tournez autour. Elles ne sont là que pour donner envie. Modifiez, retirez, ajoutez… C’est là que vous commencerez à prendre du plaisir dans votre cuisine, à innover et à produire ce qui vous plaît vraiment. Conserver les légumes est utile également mais ce n’est pas conserver qui prend le plus de temps, c’est récolter. Cependant, si on veut avoir des petits pois toute l’année, il faut bien les conserver. Ou alors attendre des producteurs qu’ils le fassent pour vous. Congeler est très simple, stériliser n’est pas compliqué même s’il faut parfois préparer les légumes, et lactofermenter n’est guère plus difficile mais il est nécessaire de bien comprendre le processus. Il faut juste avoir de la place pour ranger tout cela…

Bernadette, dans le Namurois…

1- Nous étions quatre enfants à la ferme, à aider notre père qui était veuf : gérer le potager et faire la cuisine parce qu’il n’avait pas trop le temps, étant agriculteur. Le milieu rural nous a beaucoup aidés car nous avions du petit élevage, poules, lapins, cochons, etc. Je faisais déjà les conserves et la charcuterie, alors que j’avais à peine douze ou treize ans… Nous congelions déjà beaucoup car il y avait beaucoup de viande à la ferme. La viande de porc précuite était conservée dans sa propre graisse qu’on coulait chaude entre les morceaux, dans un pot en grès ; nous allions ensuite repêcher les morceaux dans le saindoux… A la campagne, tout le monde vivait simplement ; il y avait juste une petite épicerie au village où on allait peut-être tous les quinze jours. Et une boulangerie aussi…

Nous avons continué ce mode de fonctionnement après notre mariage, même si la proximité de la ville a amené de nouvelles tentations. Nous avons toujours un très grand potager et un verger avec une soixantaine d’arbres : pommes, poires, prunes, pêches, figues, abricots… Et, bien sûr, des petits fruits… Nous avons malheureusement dû nous limiter fortement au niveau des animaux mais nous avons encore des poules, des oies, des canards, des dindes… Jusqu’il y a une vingtaine d’années, nous avions vaches et cochons… Nous faisions appel à un ami boucher pour la découpe et je faisais moi-même toutes les charcuteries, ainsi que le beurre, la maquée et un fromage à pâte dure, de type Saint-Paulin. Je transformais également tous les petits fruits…

2- Nous étions totalement autonome, hormis peut-être un peu de poisson de temps en temps… Aujourd’hui, nous le restons à 95% en légumes. Nous avons notre épeautre chez un ami fermier, que nous faisons moudre au moulin d’Odeigne, et nous faisons 90% de notre pain. Nous sommes autonomes à 100% en fruits, si l’on veut bien excepter quelques bananes bio…Pour les fruits de table, nous le sommes à 75%…

3- Nous mangeons nettement moins de viande qu’au début de notre mariage. J’en achète donc encore un peu au groupement d’achat de Nature & Progrès. Deux colis de trois kilos tous les deux mois… Et tout le reste, je le prends lors du salon Valériane…

4- Tous nos déchets organiques vont directement aux poules. Pour le reste, ne jamais jeter de nourriture est une chose qui me tient particulièrement à cœur ! Je m’efforce donc d’accommoder absolument tous les restes de repas. Un pain bio dure une semaine, et un pain sec passe aisément dans une soupe, ainsi que tous les légumes qui traînent au fond du congélateur. Une carbonnade flamande se recycle aisément en boulet à la liégeoise. Pas de problème communautaire sous mon toit !

Conclure ?

Tout ceci démontre au moins une chose : il est possible de cuisiner bio, sainement et pas trop cher ! Il faut d’abord en prendre conscience mais c’est aussi un choix de vie dont on peut parier qu’il rend ceux qui le font moins malades et moins stressés… La crise que nous traversons n’a sans doute fait qu’accentuer cette tendance lourde dans notre société : pourquoi courir pour gagner sa vie si c’est pour être en déficit chronique de bonheur et casser sa pipe un gros paquet d’années trop tôt ? Libre évidemment à ceux qui courent encore de critiquer pareille philosophie… Tant qu’ils ont la santé…