La spécialisation en agriculture biologique de la Haute Ecole de la Province de Namur (HEPN) est, à ce jour, la seule formation du supérieur en agriculture bio, en Belgique ! Elle existe depuis huit ans déjà et c’est l’occasion de remettre en avant cette formation, ô combien importante, dans le paysage agricole belge. Car si l’agriculture biologique est une solution, encore faut-il pouvoir l’enseigner aux étudiants !

Par Nicolas Luburic

 

Les étudiants et étudiantes en agronomie veulent du changement ! Toutes et tous veulent d’autres connaissances, toutes et tous veulent du concret ! Les études en agronomie ont grand besoin de se renouveler afin de répondre aux enjeux de demain. La sortie médiatisée d’étudiant(e)s en Master d’Agronomie d’AgroParisTech, le 30 avril 2022, l’a parfaitement mis en lumière. Toutes et tous sont lassés par des cours trop orientés vers une agriculture intensive adaptée à l’agro-industrie, bien trop peu regardante à la préservation de l’environnement, de la biodiversité, de notre santé et de celle du producteur…Leur envie d’autres connaissances s’est manifestée avec force, des connaissances qu’ils n’ont pas reçues durant leur cursus… Il en va évidemment de même chez nous ! En atteste les résultats de l’enquête publiée par la revue Tchak!, intitulée « Bioingénieurs : les profs à côté de la Fac« , en décembre 2022. Les étudiants et étudiantes de Wallonie, en bachelier ou en master de bioingénieur, veulent comprendre quelles sont les solutions aux crises écologiques planétaires actuelles et veulent s’impliquer dans leur mise en œuvre. Concrètement.

 

Davantage sur le terrain !

La spécialisation en agriculture biologique de la Haute Ecole de la Province de Namur (HEPN) répond aux besoins du secteur et à ceux des étudiants. Depuis huit ans, la spécialisation a d’abord été cherché à répondre à la demande du secteur bio de disposer d’agronomes formés aux techniques spécifiques de l’agriculture biologique, en ayant acquis des connaissances pointues dans le domaine et une connaissance approfondie de la bio wallonne. On peut, en effet, constater que les étudiants qui arrivent en spécialisation bio – qu’ils aient obtenu un diplôme de bachelier ou un master de bioingénieur en agronomie – n’ont pas le minimum des connaissances requises en agriculture biologique. Un comble pour une région où plus de 16% des fermes sont certifiées bio !

Un programme ambitieux leur est dès lors proposé, dans le cadre de la Haute Ecole : élevage bio, biologie du sol, bases techniques de l’agriculture biologique, agroécologie, pédologie, arboriculture, règlementation bio, histoire de la bio, développement durable appliqué à la bio, etc. En une seule année de cours, les étudiants sont amenés à devenir de véritables spécialistes de l’agriculture biologique. Il s’agit d’un programme unique qui a un pied posé dans des études axées terrain, et l’autre dans le monde professionnel.

Le terrain est au cœur de notre enseignement ! Les étudiants en spécialisation bio ont véritablement l’occasion de se former, sur le terrain, au cœur du secteur bio wallon. Plus de trente visites sont organisées, dans les différents cours et tous ont ainsi l’opportunité de visiter des fermes et de rencontrer les producteurs bio, qu’ils soient éleveurs, maraîchers, fruiticulteurs, producteurs en grand culture, etc. Ces rencontres, très enrichissantes pour les jeunes mais aussi pour les producteurs eux-mêmes, constituent le cœur de l’enseignement de l’agriculture biologique, à la Haute Ecole. En échangeant sur des pratiques, des techniques et des expériences, mais aussi sur la philosophie de vie des producteurs, chacun peut se constitue un bagage unique pour son propre futur projet ou son futur emploi. Les étudiants ont également l’occasion de visiter des entreprises de transformation, des distributeurs et des magasins bio, l’idée étant que chaque étudiant puisse acquérir des connaissances sur l’ensemble des composants de la filière bio. Quelques exemples de visites effectuées cette année : La ferme à l’arbre de Liège à Lantin, La ferme du Val Notre-Dame à Wanze, Vin de Liège à Heure-Le-Romain, la ferme de Stée à Braibant, la ferme de la Sarthe à Saint-Gérard, Le Grand potager à Haltinne…

Au-delà de ces visites, les étudiants vont également régulièrement sur le terrain, dans le cadre de leurs cours. Les cours en lien avec les grandes cultures, par exemple, se déroulent ainsi, en grande partie, sur différentes parcelles situées en Wallonie. L’étudiant peut, de cette manière, avoir une vision globale de la production, sur une période de dix mois. Cette « approche terrain » se retrouve finalement dans les deux cent quatre-vingts heures de stages que les étudiants effectuent au cours de l’année. Tous ont la possibilité d’effectuer ces heures sur un seul lieu – généralement, quand l’étudiant a déjà un projet précis – ou sur différents lieux. Ces stages donnent ainsi lieu, à nouveau, à de précieux échanges d’expérience entre ceux et celles qui font le secteur bio et ceux et celles qui le découvrent. Ces stages débouchent sur un portfolio, c’est-à-dire un travail qui compile au mieux les différents éléments de mise en œuvre des compétences acquises durant l’année de spécialisation en agriculture biologique.

 

Convertir une ferme au bio, en conditions réelles

Notons que, depuis cette année, les cours sont données, non seulement à l’HEPN à Ciney, mais également à l’Institut de recherche en agriculture biologique BRIOAA – Belgian Research Institute of Organic Agriculture and Agroecology – www.brioaa.bio -, à Upigny. Il s’agit du premier centre de recherche, créé en Belgique, qui se concentre sur l’agriculture biologique et, au-delà, sur l’agroécologie biologique. Le BRIOAA est une structure indépendante, dynamique, avant-gardiste et innovante ; financièrement et intellectuellement indépendant, il soulève des questions et apporte des réponses pragmatiques afin de créer une balance plus juste entre agriculture nourricière et équilibres naturels. Les étudiants de la spécialisation bio ont l’occasion d’y être en contact constant avec soixante hectares de grandes cultures bio. Le lien entre recherche bio et enseignement bio est ainsi fait !

En seconde partie d’année académique, un des cours de la spécialisation s’intitule « études de conversions à l’agriculture biologique ». Il s’agit de placer les étudiants en condition réelle de conversion d’une ferme à l’agriculture biologique. Au départ, l’enseignant fait le choix d’une ferme, en Wallonie, qui n’est pas en bio mais envisage de le devenir. À partir de cette situation de départ concrète, il est alors demandé aux étudiants de récolter un maximum d’informations auprès du producteur. Cette récolte se fait lors de la visite de la ferme et de discussions avec le producteur : données économiques, sociales et environnementales sont recueillies afin de bien comprendre la situation de départ, le fonctionnement de la ferme mais aussi les aspirations du producteur, ce qu’il souhaite faire dans l’avenir et les possibilités qui s’offrent à lui dans le contexte actuel… Les étudiants effectuent ensuite des recherches, consultent des producteurs bio ayant une ferme dans une configuration équivalente ou semblable, leurs différents professeurs, des spécialistes du secteur bio, des associations bio telle que Nature & Progrès, etc. Ils rédigent un travail écrit complet, en groupe, qui reprend l’ensemble de leurs recherches, un schéma de conversion qui leur semble idéal, les décisions à prendre et leurs répercussions économiques détaillées, les détails de la règlementation bio, les changements à réaliser, les points à conserver. Ce travail est enfin présenté, par les étudiants, au producteur, à l’HEPN à Ciney. S’ensuit une discussion avec le lui sur certains points techniques, comme le choix des variétés, de la rotation ou d’une race, sur des conséquences financières ou liées aux bâtiments de la ferme ou à la commercialisation des produits. Au final ce n’est que du positif ! Les étudiants approfondissent leurs connaissances et les appliquent directement ; le producteur bénéficie de conseils gratuits et d’un plan de conversion qui parfois lui ouvre les yeux, au sujet des avantages environnementaux mais aussi sociaux et financiers d’une conversion de sa ferme vers l’agriculture biologique.

 

Des professionnels du secteur, des étudiants de tous âges et un job qui a du sens

Tous les professeurs qui enseignement au sein de l’année de spécialisation en agriculture biologique sont également des professionnels actifs dans le secteur. C’est une plus-value certaine pour les étudiants qui sont rapidement mis en contact avec les réseaux bio qui sont ceux de leurs profs… En 2023, les professeurs de la spécialisation bio de l’HEPN sont : Olivier Baudry, Julien Filippi, Eddy Montignies, Thomas Vercruysse, François Wiaux et moi-même. L’approche de ces enseignants, nous l’avons souligné, est très orientée terrain. L’étudiant qui a déjà obtenu un diplôme d’agronomie est d’emblée considéré comme un futur professionnel, ce qui facilite grandement l’apprentissage et les échanges, et contribue à une excellente ambiance de groupe.

Les étudiants de la spécialisation ne sont cependant pas toujours directement issus des études. Chaque année, un certain nombre d’inscrits sont des agronomes diplômés, il y a cinq, dix ans ou parfois plus, et qui souhaitent acquérir de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences, en vue notamment d’une reconversion professionnelle. La possibilité d’étaler l’année d’étude sur deux ans offre aux personnes qui ont déjà un job de se spécialiser, elles aussi, dans l’agriculture biologique… La grande variété des parcours des étudiants inscrits à la spécialisation bio garantit la richesse des échanges entre étudiants, mais aussi entre étudiants et professeurs, chaque génération apportant ses connaissances aux autres, peu importe l’âge ou l’expérience.

Une fois diplômés en agriculture bio, bon nombre d’étudiants lancent leur propre projet, en Belgique ou à l’étranger. Ceux et celles qui cherchent plutôt un job dans le secteur bio le trouvent très rapidement, parfois même avant d’avoir leur diplôme en poche. C’est une des forces de notre spécialisation bio : elle donne accès à un très large éventail de jobs. Un job, oui, mais un job porteur de sens pour une génération motivée par la bio et par les personnes qui portent les valeurs qui leur sont chères.

 

Faire passer l’info auprès de ceux qui la recherchent !

Cette spécialisation est unique en Belgique, il s’agit de le faire savoir ! Alors si vous connaissez un futur agronome ou un agronome déjà diplômé – les valorisations des acquis de l’expérience et les diplômes d’horticulture sont également acceptés -, faites-leur passer le message ! Parlez de la spécialisation en agriculture biologique de l’HEPN, dans votre entourage, sur les réseaux sociaux… Le secteur bio a grand besoin de spécialistes capables de contribuer à son essor !

 

HEPN (Haute Ecole de la Province de Namur) – Département des sciences agronomiques et ingénierie biologique – Pôle Agronomie – Avenue de Namur, 61 à 5590 Ciney