La nèfle, ce fruit qui se mange blet

Au verger, pommes et poires ont toutes été récoltées. Alors que, depuis des semaines déjà, nos pieds traînent dans les feuilles mortes, un fruit résiste encore et toujours, accroché au bout des branches et ce, malgré les intempéries de saison… C’est la nèfle !

Connu depuis la Rome antique, le néflier commun (Mespilus germanica) était jadis une espèce couramment cultivée dans toute l’Europe, notamment sous Charlemagne puisque l’empereur alla jusqu’à en recommander la plantation dans les jardins royaux. Aujourd’hui, le fruitier a quitté nos vergers sur la pointe des branches et ses fruits, déserté nos étals. Un « oublié » de plus ? D’aucuns assurent néanmoins que le discret du jardin est sur le point d’effectuer un retour en grâce. Les gourmets, qui arrivent à passer outre les apparences trompeuses, se réservent, en effet, bien du plaisir à table : les arômes de nèfle, subtils et délicats, ne laissent personne indifférent, d’autant que les recettes façon grand-mère pour les accomoder ne manquent pas.
Le petit fruit brun-olive du néflier commun est d’abord étrange. On dirait de drôles de petites toupies couronnées comme des rois. Ce n’est pas tout : il sait aussi se faire désirer. Même mûre, la nèfle n’est pas consommable telle quelle. Elle doit d’abord passer de quatre à six semaines en cave, remisée dans un cageot sur lit de paille, à l’abri de la lumière et de l’humidité : c’est la phase du blettissement. Au cours de ce processus, sa chair âpre, acerbe même, dure et amidonnée se ramollit et se transforme chimiquement en une pâte riche en sucres assimilables – fructose – sous l’effet de la fermentation. Une nèfle prête à la consommation, n’est donc pas à proprement parler « pourrie » comme on l’entend parfois ; elle est simplement « blette ».