L’agroécologie, le paradis perdu de la bio ?

Nourririons-nous aujourd’hui, en évoquant l’agroécologie, quelques doutes au sujet de cette agriculture biologique que nous avons tant aimée ? Disons clairement que s’il s’agit de l’esprit de la bio originelle, promesse de mieux-être pour tous, d’équité sociale et d’émancipation du monde agricole, nous restons plus que jamais fidèles à nos vieilles convictions. Si l’on évoque, par contre, le bio réglementé et vidé de ses ambitions pour se plier toujours plus servilement aux caprices de marchés surexcités par les superlatifs en tous genres, alors là, nous éprouvons, par contre, le vif besoin de dire stop, de nous chauffer tranquillement au coin du feu, avec une bonne bouteille et un casse-croûte, et de réfléchir un peu, tous ensemble…
N’avions-nous pas rêvé à une planète plus belle, peuplée d’êtres plus épanouis et plus à même de comprendre leur milieu et leurs semblables ? Ne voulions-nous pas qu’ils vivent tous mieux, mangent mieux, habitent mieux, pensent mieux ? Tout cela se résumerait-il simplement à vendre aujourd’hui davantage de produits labellisés et frappés au sceau des trois lettres magiques, b, i et o ? Répondre à cette question demande, bien sûr, énormément de circonspection. Nul ne songe à brûler d’un seul coup ce que nous avons tant adoré. Rien de tout cela, disons-le avec force ; nous cherchons juste à retrouver un cadre plus large que le règlement et le marché, un cadre qui renouerait avec ces valeurs qu’un certain pragmatisme nous a forcé à laisser, chemin faisant, négligemment au bord de la route…
Ce cadre-là, peut-être l’agroécologie a-t-elle les moyens de nous aider à le retrouver ? Encore faut-il savoir de quoi on parle exactement, encore faut-il ne pas s’abandonner à une vaine nostalgie mais chercher encore et toujours à bâtir ce monde de demain qui, par nature, sera neuf et surprenant. Bornons-nous seulement à constater, sans anticiper sur l’épais dossier que nous vous invitons à lire, que l’agroécologie nous exhorte à la critique du modèle agronomique dominant – ce qui, pour nous, est une vieille histoire ! – mais également à celle du modèle écologique dominant qui tend toujours à opposer agriculture et protection de la nature. Cette double fonction critique, l’agroécologie propose qu’elle s’inscrive au sein du système alimentaire dans sa globalité, qu’elle s’appuie sur une approche scientifique élargie et qu’elle reflète surtout les mouvements de la société en écoutant le citoyen autant qu’en le formant et en l’informant. Comment ne pas voir là un chantier colossal qui s’offre à la sensibilité et au savoir-faire d’une association d’éducation permanente aussi aguerrie et riche d’histoire que Nature & Progrès ?