Le cocktail de l’immobilisme

Pourquoi les gens ne changent-ils pas ?
Verrouillage, lobbies, experts : le cocktail de l’immobilisme
(4e partie)

Nous sommes en train de changer d’ère. D’une ampleur difficilement mesurable, le basculement en cours est tel qu’on parle d’une nouvelle époque géologique : l’anthropocène. Pourtant, tout semble suivre son petit bonhomme de chemin, la pluie et le beau temps, métro, boulot, dodo, rien de neuf sous le soleil en apparence. Cette rubrique est consacrée à explorer, sous divers angles, la question suivante : pourquoi les gens ne changent-ils pas ? Quatrième chapitre : les mécanismes institutionnels de blocage.

Les choses auraient-elles pu se dérouler autrement ? Imaginons, par exemple, que dès le début du vingtième siècle, la logique ait prévalu dans l’aménagement du territoire, avec une priorité absolue pour un maillage dense de transports collectifs dans les villes et entre elles, reléguant la voiture individuelle aux quelques cas où elle s’avère indispensable, pour des liaisons plus ponctuelles… Ou encore : reconstruisons mentalement un monde où l’agriculture et la production d’énergie seraient restées décentralisées et locales, avec des innovations techniques aussi performantes que celles que nous connaissons, mais différentes, adaptées à des circuits courts de production…

Nous sommes habitués à considérer l’innovation technologique comme un bienfait inéluctable, voué à s’imposer quoi qu’il arrive. « Il faut vivre avec son temps », entend-on régulièrement. Sans renier l’adage, il faut pourtant dénoncer ce qu’il a de mensonger. Il laisse croire, en effet, que la direction qui est prise est la seule possible. Pourtant, chaque décision de consacrer des investissements – de recherche, d’expérimentations – à un certain type d’innovation ou de technique est, en même temps, une décision de ne pas les consacrer à d’autres types d’outils. Nous allons ici nous demander pourquoi de tels choix sont posés, puis prolongés, plutôt que d’autres.