Décodage et solutions

Par Nature & Progrès  2023

Introduction

Nature & Progrès est l’association « historique » de la bio. C’est au sein de Nature & Progrès – en France – que furent élaborés les premiers cahiers des charges de l’agriculture biologique qui servirent ensuite de base de travail, de source d’inspiration, pour les cahiers des charges adoptés par l’Europe. Fondamentalement, l’agriculture biologique est issue d’inquiétudes nées, dès l’après-guerre, de l’observation des pratiques agricoles dites modernes, du constat de la dégradation de la couche d’humus et, plus généralement, de l’environnement et de la biodiversité. Pratiquer la bio consista donc, et consiste toujours, à maintenir – voire, si c’est possible, à améliorer – la fertilité de la terre cultivée grâce à un ensemble de pratiques spécifiques : apports de matières organiques, rotations longues, travail du sol, désherbage mécanique, etc. Cet ensemble de pratiques – bannissant par conséquent les engrais et les pesticides chimiques de synthèse – est souvent décrit comme une volonté de collaborer avec la nature, s’opposant ainsi au vain combat – nous le montrerons ci-après – mené par l’agriculture dominante industrialisée. C’est précisément cet ensemble de pratiques que définissent les cahiers des charges de l’agriculture biologique. Contrairement à ce que le consommateur pense généralement, le « produit issu de l’agriculture biologique » n’est donc pas une denrée spécifiquement conçue pour ses besoins égoïstes. Le produit bio n’est pas un produit élaboré sou l’égide d’une quelconque forme de marketing, ou par une quelconque « intelligence artificielle » ! Et c’est toute sa différence…

L’agriculture biologique n’est pas une agriculture d’ignares, réfractaires aux progrès, ou de poètes, nostalgiques du temps jadis. C’est une agriculture d’agriculteurs conscients de la complexité, de la difficulté – et partant de la beauté – de leur métier. En comparant tout ce qui doit être comparé, l’agriculture biologique est tout aussi efficace et productive que l’agriculture dominante. Elle l’est sans doute même infiniment plus si l’on veut bien réinternaliser les nombreux effets négatifs produits, par celle-ci, sur l’humain et sur la planète. L’agriculture dominante – sans cesse plus industrielle que paysanne – est aujourd’hui gravement malade de ses pratiques : la pollution qu’elle génère par les pesticides et les engrais chimiques de synthèse devient insupportable, ses besoins en eau, en carburants et en intrants divers exorbitants, son incapacité à s’adapter aux conditions climatiques particulièrement criante. Les dégâts qu’elle cause à l’humain sont terribles et les agriculteurs sont évidemment en première ligne, même s’ils répugnent encore trop souvent à l’admettre. Ses pratiques prétendument modernes sont un élément majeur de la paupérisation galopante du monde agricole et de la disparition des fermes traditionnelles. Son incapacité chronique à réguler le cycle de l’eau engendrent des protestations, toujours plus fréquentes, de la part des riverains qui en subissent directement les effets…

Le pan, encore et toujours dominant, du monde agricole cherche, par conséquent, à se verdir aux yeux du monde. Cette aspiration, rarement louable, n’est hélas que pure poudre aux yeux. Ou plutôt poudre à lessiver dans la grande machine insolente du greenwashing. Les francophiles auront déjà traduit par eux-mêmes : la mode n’est plus désormais à laver « plus blanc que blanc » mais « plus vert que vert ». Le grand marketing industriel – en ce compris le marketing politique au service des grands syndicats agricoles – s’emploie à se dire vertueux – et nous vous épargnerons ici tous les mauvais « mots-valises » possibles et imaginables. L’inventaire des innombrables verdissements sera, vous l’avez compris, particulièrement pénible mais nous nous y risquerons cependant car il nous semble vital, pour l’agriculture biologique, de dénoncer la supercherie dans toute son ampleur. Nous évoquerons, dans la foulée, l’ensemble des nouveaux critères de consommation qui évidemment se disent eux aussi vertueux et qui aimeraient tant se substituer à la rigueur bio. Ces tendances ne sont pas neuves et nous séparerons le bon grain de l’ivraie, du local au naturel, du plus tolérant – aux pesticides, bien sûr – au plus paysan… Certaines sont d’utiles compléments au socle bio, d’autres puent sans vergogne la récupération par l’industrie. Nous vous donnerons notre point de vue là-dessus. Et vous en ferez évidemment ce que vous voudrez mais il ne sera pas « piqué des vers » – ou des « verts », si vous tenez vraiment à en rigoler un bon coup. Ce sera toujours ça de pris…

Nous terminerons, comme il se doit, par vous faire part des propositions constructives de Nature & Progrès. L’agriculture biologique est la seule notion agricole à être officiellement définie et dûment contrôlée. En dépit de l’absence d’approche éthique, difficile à couler en lois et plus encore à vérifier – nous analyserons en quoi ces manquements consistent éventuellement et comment nous proposons d’y pallier -, la bio est la seule fondation sur laquelle construire une politique alimentaire différente de celle du couple agro-industrie – grandes surfaces. La nécessité, pour le consommateur, d’assortir le règlement bio européen de critères complémentaires ne date cependant pas d’hier et la charte éthique que propose notre association demeure, pensons-nous, le type même de l’initiative indispensable afin d’épargner, à l’agriculture biologique, les dérives qui l’anéantiraient. Le consommateur ne doit cependant pas oublier ici sa responsabilité de citoyen, et le monde politique doit comprendre qu’il ne peut plus se borner à prodiguer des soins palliatifs au vieux monde agricole en perdition, pour lui substituer ensuite les chimères de l’industriel. Il est vital de reprendre aujourd’hui, tant au niveau politique et citoyen qu’au niveau du monde paysan ou de ce qu’il en reste, le contrôle du système alimentaire, dans sa globalité. Face aux incertitudes du futur – principalement de nature climatique -, une telle capacité de maîtrise demeure notre meilleure garantie de prospérité – économique, sociale, environnementale – et de bien-être pour chacun d’entre nous, qui ne pouvons négliger la nécessité absolue de nous nourrir. Nous nourrir – nous nourrir vraiment, plus que nous remplir le ballon – est un droit vital et imprescriptible ! Un droit pour tous les tubes digestifs présents chez nous, sans la moindre exception ! Et l’agriculture biologique est la seule forme d’agriculture à œuvrer, dans la totalité de son projet, dans le sens du bien commun, et non en faveur d’intérêts économiques privatisés ou de privilèges totalement désuets… Tous fonds publics doivent donc, à l’évidence, être réorientés vers son développement, et non vers ce qui nuit à la collectivité et à la santé de tous. Car la bio produit des aliments, alors que l’agriculture qui domine encore produit essentiellement du pognon. Or le pognon, même si ça n’a pas d’odeur, eh bien, voyez-vous, ça ne se mange pas !

 

Chapitre 1 – Pulsions de mort agricoles

Oui. Nous vous parlons maintenant de cette agriculture-là. Comment la nomme-t-on déjà ? Elle ne veut plus vraiment qu’on lui donne de nom et on ne sait plus comment l’appeler. On ne l’appelle donc plus ! Ah, les mots… Quoi de pire que ceux qui sont introuvables, ceux qui ne signifient plus rien, ceux qui ne servent plus à rien. Ne l’appelez plus jamais « conventionnelle », comme pour lui faire avouer qu’elle aurait depuis longtemps renoncé à incarner toute forme de modernité. Ne l’appelez plus jamais « chimique » car elle s’apprête manifestement à s’éloigner – sans toutefois en faire la confession qui lui coûterait beaucoup trop cher – de tout ce qui détruit la vie autour d’elle, et à n’en plus douter les humains eux-mêmes… Ne l’appelez plus jamais « industrielle » car, après tout, l’industrie, ce n’est pas toujours une tare, il y a surtout l’industrie appliquée à ce qui vit qui pose de vrais graves problèmes insolubles. Et l’industrie chimique aussi, tiens, quand même… Ne dites plus non plus « intensive » car quoi de plus louable que le projet d’une intensivité propre ? Alors de quoi parle-t-on ? D’une nouvelle intelligence alimentaire, impalpable et diaphane, faite de goûts formatés dans une créativité de marketing dorée sur tranche, ni trop homogène, ni trop structurée mais qui convainque au premier regard et surtout qui pétille à suffisance sur vos réseaux sociaux pour que tous vos amis vous en parlent dans la joie et dans la bonne humeur, sans que vous dussiez vous-même produire le moindre effort pour chercher à les convaincre… Du rêve consensuel et sous blister en somme, avec une rondelle de citron au milieu et un brin de persil, cristallin et sans date de péremption. Ce que c’est ? On ne sait plus trop. De quoi c’est fait ? Où ça ? Par qui ? Quel intérêt de savoir cela, dès lors que vous avez entre les mains le joli flacon et accessoirement l’ivresse, mais cela n’a même plus grande importance à vos yeux. Quel monde derrière tout cela, quel travail pour gagner des sous, quelles boîtes de télétravail pour le concevoir et surtout avec qui, avec quelles gens de chair et d’os ? Voyons, vous qui avez l’estomac farci de rêves si faciles à digérer, vous n’y réfléchissez même plus : une intelligence artificielle, sans doute, et de gentils robots doux comme des agneaux car c’est bien cela le petit monde sans accrocs qu’on vous vend, aux infos à la télé. Non ? Ne vous tracassez surtout plus. À trois, je claque des doigts et vous passerez aussitôt à autre chose. Un, deux, trois… Clac ! Travaillez et consommez, l’ordinaire de votre vie n’a pas changé. Il ne peut pas changer. Jamais…

Mais déjà le réveil sonne. Vous émergez du cauchemar. Vous rebranchez rapidement vos neurones. Où croyiez-vous être ? Et où êtes-vous vraiment ? L’angoisse vous gagne. Une force telle qu’on ne se bat pas avec elle. Reste-t-il autre chose, dans votre campagne sans coqs qui chantent clair, que des conducteurs de machines agricoles et des étendues tirées au cordeau de créatures végétales identiques et parfaitement alignées, rien d’autre qu’une insignifiance sans nom qui rampe sous vos pieds dans une absence absolue d’anarchie ? Partout, autour de vous, se répète à l’infini l’usinage de chimères non plus commandées par l’homme mais par une artificialité plus intelligente et plus efficace que lui et qui prétend le nourrir et répondre pour l’éternité à ses besoins, à ses envies, à son éthologie. C’est bien le « Meilleur des mondes » d’Huxley, marié à la « Métropolis« , de Fritz Lang… Vous croyiez vraiment ces intérêts-là assez intelligents – artificiellement ou pas – pour inventer autre chose ? Quelle tristesse, quelle déception, quel ennui ! Quelle cruelle désillusion, quelle grosse indigestion… Vous les preniez pour des « génies du mal » ? Ils sont juste mal embarqués dans leur fuite en avant vers le vide interstellaire, et ils commencent tout doucement à entrevoir leur « bout du rouleau »… Maintenant, sortez du lit, pas trop vite, ébrouez-vous, secouez-vous une bonne fois pour toutes. Non, le cauchemar n’était pas exactement celui que vous pensiez. Mais vous avez autre chose à faire maintenant, votre jardin à cultiver si vous voulez avoir quelque chose de correct, tout à l’heure, pour dîner…

  1. Renouons le fil. Il y a donc cette agriculture qu’on ne nomme plus, mais qui continue pourtant à être dominante. Une agriculture de fin de règne. Ses affidés, syndicats et politiques, sont aux abois. La fin des haricots schlingue l’ammoniac comme un saucisson de cochon qui aurait mal tourné ! Cette agriculture-là – sans nom ! – se délite de partout. Derrière son obsession du greenwashing, refont surface les pulsions de mort qu’elle avait, si longtemps, si ingénieusement dissimulées. Il va nous falloir, à présent, les énumérer une à une, comme pour les exorciser. Le retour du refoulé, ce n’est jamais une sinécure, d’accord, mais notre plaidoyer exige de commencer par tout exposer, tout exploser, absolument tout. Nous nous en excusons par avance, même si nous n’y sommes vraiment pour rien. Croyez-le bien !

 

A- De l’azote, il en sort de partout !

Heerenveen, Pays-Bas, 5 juillet 2022 : la police hollandaise ouvre le feu sur une manifestation d’agriculteurs ! La police dira qu’il ne s’agissait que de coups de semonce et que personne n’a été blessé. N’empêche, un tracteur a quand même été touché… En cause : la réduction drastique des émissions d’azote voulue par le gouvernement néerlandais qui doit avoir pour conséquence la fermeture d’exploitations et une réduction du bétail de 30 % au moins (*). Car le secteur agricole néerlandais est aussi polluant qu’il est puissant : quatre millions de bovins, douze millions de porcs, cent millions de poulets… Cinquante-trois mille exploitations dont les deux tiers dépassent les seuils d’azote acceptables ! Or l’excès d’azote pollue énormément, eau, air, sols et écosystèmes. Les faits sont là, incontestables, depuis des décennies : l’azote chimique, servant à produire des céréales et du soja – importés massivement de là où on les fait à moindre coût -, se retrouve, sous forme de nitrates, dans les lisiers et les fumiers qui sont épandus sur des sols déjà sursaturés par les excès du passé, aux Pays-Bas et plus que probablement en Belgique car, en Flandres, un « plan azote », il va bien falloir aussi que les agriculteurs se le croquent… À moins que la paysannerie flamande ne passe résolument à l’offensive sur le plan politique, à l’instar du BBB (BoerBurgerBeweging), le mouvement prétendument « paysan-citoyen » né aux Pays-Bas, qui remporta les élections provinciales du 15 mars 2023, privant le gouvernement hollandais de la majorité qu’il détenait au Sénat !

Mais que veut exactement ce nouveau héraut d’une des agricultures les plus exportatrices au monde ? Le grand renouveau rural et un modèle agricole tout neuf, ou juste l’assurance de rester quelques temps encore l’instrument de l’agrochimie dominante ? Son programme ne laisse guère entrevoir, hélas, qu’un corporatisme drastiquement dépourvu de la moindre forme d’imagination – qui revendique produits phytos et antibiotiques en prévention pour les animaux, fait l’oreille de veau sur la question évoquée ci-avant des nitrates… -, incapable de penser son inscription au sein du système alimentaire global. Le 23 novembre 2023 aux Pays-Bas, juste huit mois plus tard, c’est l’extrême-droite qui tire largement les marrons du feu électoral, surfant notamment sur le tremplin que lui a si généreusement offert le BBB…

 

(*) Lire notamment :

– Hugues Maillot, Manifestations aux Pays-Bas : les raisons d’une colère qui enfle, dans Le Figaro, 8 juillet 2022

www.lefigaro.fr/international/manifestations-aux-pays-bas-les-raisons-d-une-colere-qui-enfle-20220708

– Françoise Berlaimont, Plan « Azote » aux Pays-Bas : pourquoi la colère des agriculteurs néerlandais persiste, RTBF, 10 juillet 2022, mis à jour le 2 janvier 2023

www.rtbf.be/article/plan-azote-aux-pays-bas-pourquoi-la-colere-des-agriculteurs-neerlandais-persiste-11028389

B- Des pesticides, y’en a partout aussi !

Et nous ne vous parlons même pas ici des terribles PFAS – composés perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés -, des perturbateurs endocriniens et de toutes ces pollutions dues à l’industrie chimique, omniprésentes dans notre environnement et qui seraient peut-être potentiellement plus graves encore que l’usage immodéré des pesticides fait dans notre beau pays… Comprenons surtout ici – au-delà de leurs effets toxiques aujourd’hui amplement démontrés sur la santé humaine et sur les écosystèmes – que les engrais et pesticides chimiques de synthèse ont profondément déstructuré et remodelé, depuis presqu’un siècle maintenant, la nature même de l’agriculture et de la pratique agricole, poussant progressivement au rencart les systèmes de polyculture-élevage qui en étaient historiquement – et en sont toujours – la forme la plus élaborée. Pire, l’optimisation chimique sans fin a induit une autre conséquence majeure : l’agriculture chimique au rabais n’est aujourd’hui tout simplement plus rentable !

Les nécessités de l’après-guerre consacrèrent une kyrielle de méthodes à caractère industriel qui ne furent ensuite jamais remises en cause, et le métier même d’agriculteur demeura ainsi, très majoritairement, dépendant des primes européennes et régionales qui lui fournissent toujours l’essentiel de son revenu. L’agriculteur est aujourd’hui le nouveau métayer de la PAC (Politique Agricole Commune) : il ne maîtrise plus rien et le prix de vente de ce qu’il produit, il le subit ! Il y a bien longtemps qu’un agriculteur ne vend plus son lait, c’est la laiterie qui vient « le lui prendre », il ne vend plus jamais de bête, c’est le marchand de bestiaux qui le fait à sa place… De nos jours – et cela paraîtra sans doute insensé -, l’agriculture wallonne ne nourrit plus le Wallon, et encore moins le Bruxellois. Quelques pourcents à peine de nos blés finissent en farine pour faire un pan de notre pain, alors qu’un quart de la production est mystérieusement volatilisé en agrocarburants. Quant aux légumes qui garnissent les assiettes – quand, heureusement, il y en a encore ! -, ils viennent majoritairement d’un peu partout dans le monde, sauf de nos bonnes terres agricoles – pour 17 % seulement d’entre eux ! Et il y a sans doute davantage de fromages étrangers, dans les rayons de nos grands magasins de Wallonie, que de vrais fromages wallons… Ne parlons même pas ici des produits préparés – des pâtes alimentaires aux desserts – dont la grande majorité est transformée bien loin, au-delà de nos frontières. Et nous vous épargnerons ici le couplet du coût écologique…

Est-ce, dès lors, vraiment manquer de bon sens que de demander la mise en œuvre de politiques qui ramènent, au plus près de nos agriculteurs, un peu de cette énorme plus-value qui d’ailleurs sort de nos portefeuilles de consommateurs ? Une chose est indispensable, à cet effet : il faut abandonner sans conditions les pratiques agricoles qui reposent sur l’usage des pesticides car, non seulement leur omniprésence nous tue physiquement, à petit feu, mais plus encore l’idéologie qu’ils ont forgée a radicalement empêché le développement de la politique vivrière vouée au bien- être de nos populations locales, et partant toute forme réelle de souveraineté alimentaire, en Wallonie et à Bruxelles. Nous parlons bien ici d’abandon total et sans espoir de retour, et pas de petites collusions pas claires avec les industriels de la chimie qui pollue, conduisant à ce qu’il est parfaitement indigne de présenter encore comme une forme de tolérance. La seule chance de survie de l’agriculture wallonne réside désormais dans le circuit court.

Qui voudra encore s’encombrer des pesticides dans une agriculture commercialisée en circuit court ? Nous avons été collectivement anesthésiés dans la grande faiblesse consumériste généralisée des années de vaches grasses, devenue aujourd’hui complètement intenable ! Le réveil semble particulièrement difficile pour tout le monde.

 

C- De l’eau, alors là, « quoi qu’il en coûte »…

De l’eau, encore et toujours plus d’eau, comme simple ingrédient d’un vilain brouet chimique ! Comme si l’agriculture n’était qu’une soupe gigantesque où l’on met à mijoter, dans n’importe quel substrat abondamment arrosé, le contenu des sachets d’un « consommé minute » dont la recette est désormais propriété privée protégée par le secret industriel… Seule constante : il faut arroser le tout, encore et encore, et même quand un soleil de plomb accable la terre nue. Et on mesure toute l’ampleur du problème depuis que le climat change et que l’eau peut soudain se mettre à manquer. N’écoutant alors que le volontarisme et le jusqu’au-boutisme que lui a enseigné la réalité de son portefeuille, le métayer de l’industrie mondialisée ne conçoit plus que ce qui répond au besoin apparent le plus immédiat. Eau de mer ? Trop salé et une usine pour désaliniser, c’est trop cher et ça prendrait trop de temps… Alors, creuser et pomper l’eau qui dort dans la nappe phréatique pour remplir des bassines d’où seront arrosées les jolies plantes dont le commerce arrondira le compte en banque ! CQFD. Est-ce durable, est-ce seulement à peu près malin ? Qui s’en soucie ?

L’agriculteur moderne n’en a cure, du moment que cela peut calmer les craintes de son comptable. Le syndicat suit l’homme de terrain, le confortant dans ses croyances, et le politique suit le syndicat… Tout va bien dans le meilleur des mondes agricoles, en somme. Pourtant, et pour peu qu’on invite, autour de la table, un minimum de raison et de bonne foi, il sera très difficile de se contenter – démocratiquement s’entend – d’une telle vision sommaire, ne serait-ce que parce que l’eau est un bien commun et que son usage doit reposer sur un consensus plus large que la nécessité d’une consommation immédiate. Là encore, on joue sur les mots : l’agriculture, nous dit-on, ne représente pas, à proprement parler, notre plus gros besoin en eau. Voyez celle qui porte les péniches sur les canaux, et celle qui permet d’éteindre les incendies… L’ennui est que cette eau qu’elle utilise, l’agriculture la consomme véritablement et la transforme en productions qui sont ensuite vendues sur des marchés. Tandis que celle qui combat le feu et porte les bateaux est largement restituée, après usage, à son environnement… Il semble donc parfaitement légitime d’exiger que l’agriculture paie, à présent, l’eau qu’elle consomme. Ou plutôt l’eau qu’elle surconsomme, au-delà de ce qui est réellement nécessaire et raisonnable pour les besoins d’une production vivrière locale.

Car l’eau, redisons cela, est un bien commun dont l’agriculture « que nous ne nommerons pas » répugne aujourd’hui à penser la vraie nature – elle considère que sa seule présence autorise de se l’approprier – mais il y a bien celle qui tombe, celle qui ruissèle et qui coule, celle qui stagne et celle qui gît, très loin en-dessous de la surface des terres. Il y a aussi celle qui nous inonde, il y a surtout celle de la banquise qui fond… C’est toujours H2O mais, à nos yeux, ce n’est certainement pas la même eau ! Dans le même ordre d’idées, il n’est plus tenable, à présent, de spéculer sur le fait que les réserves épandues l’été se reconstitueront en hiver ; la réalité hydrique est extrêmement complexe et les dérèglements du climat imposent une très grande finesse d’analyse et, dans bon nombre de cas, ce qui était tenu pour une évidence n’en est plus une. Refuser de comprendre à quel point le bon usage de l’eau, dans ses différents états, est une condition essentielle de l’équilibre des écosystèmes, et de la sauvegarde du vivant en général, est une de funestes inepties qui font inéluctablement d’une terre fertile un désert. Le rôle de l’agriculture serait-il aujourd’hui de bâtir des déserts ?

Enfin – et pour revenir brièvement sur la question des pesticides -, le rapport concluant une Commission parlementaire française, publié le 21 décembre 2023, indique qu’« entre 1980 et 2019, 4.300 captages ont dû être fermés pour cause de pollution, principalement aux nitrates et aux pesticides ». Cette Commission cite également une instruction du gouvernement, datant de 2020, selon laquelle « du fait de ces pollutions, le coût estimé du traitement pour rendre l’eau potable est compris entre cinq cents millions et un milliard d’euros par an ». La Commission constate ainsi « un échec collectif » à réduire l’usage des pesticides et déplore une « forme d’impuissance publique ». Et en Belgique ?

 

 

D- L’énergie, le nerf d’une guerre bien mal embarquée ?

Depuis l’avènement de l’agriculture moderne, chaque jour plus industrialisée, l’énergie est une notion systématiquement sous-abordée, sous-estimée. L’illusion d’abondance où se drape, encore et toujours, la grande distribution et son ingénierie de marketing ne repose, elle aussi, que sur une gabegie énergétique absolument inouïe. Cela nous avait un peu échappé, avec le temps… Mais l’énergie – au fond de nous, nous ne savons cela que trop bien – fut très longtemps abondante et bon marché, et nous en sommes progressivement venus à considérer son extrême disponibilité comme une banalité. Aux grandes heures du nucléaire, il était carrément de bon ton de la gaspiller. Pourquoi, dès lors, s’en soucier ? L’énergie bon marché fut la matrice des « trente glorieuses » et les décennies suivantes se sont efforcées de nous convaincre que rien n’avait changé. Que rien ne changerait jamais ! La guerre en Ukraine – Poutine ayant parfaitement vu où ça fait mal quand on appuie – nous ramène aujourd’hui à la vérité énergétique : il ne s’agit plus seulement d’une conjecture dont nous pourrons rapidement nous extirper. Nous renouons, au contraire, avec la dure évidence des choses telles qu’elles ont toujours existé ; le « retour à la normale », regrettons-le ou pas, semble bien être celui-là !

Pourquoi, pendant des décennies, le monde de la bio – et, plus largement, celui de l’environnement et de l’écologie – n’arriva-t-il jamais à comprendre par quel subtil artifice un produit dopé aux intrants, transporté aux quatre coins du monde, hyper-transformé et littéralement momifié dans les additifs en tous genres, parvenait à être finalement meilleur marché qu’un produit simple, propre, non-standardisé et à l’empreinte carbone extrêmement limitée ? Génie de la chimie, de la logistique et de l’industrie ? Sans doute, y avait-il là surtout le coût extrêmement bas de l’énergie qui offrait au coût économique le luxe extravagant – mais tellement casse-cou pour la planète – d’être potentiellement décollé du coût écologique des choses. Et, en termes de décollage, nous ne nous sommes vraiment pas gênés : low-cost, suremballage et profusion de plastique furent les principaux symptômes de cette grande époque « pollucratique » : tout le pouvoir aux pollueurs ! L’abandon du fossile est désormais un impératif absolu de survie – même la COP finalement en convient ! – mais retrouverons-nous un jour source d’énergie aussi efficace ? Rien n’est moins sûr. Faut-il cependant l’espérer ? Sans doute pas si la conscience écologique des humains – n’est-ce pas, Mr Trump ? – ne s’affute pas dans le même temps.

Mais qu’advient-il, dans un tel contexte, de notre agriculture « sans nom » dont l’essence même repose largement sur les intrants à foison et la mécanisation à gogo ? Les principaux représentants de cette agriculture, en Europe, furent très contrariés par la tentative d’invasion de l’Ukraine par M. Poutine car la moitié du maïs importé par l’Union européenne vient justement d’Ukraine. Et un tiers des engrais… de Russie ! Russes et Ukrainiens produisent ensemble un quart des blés cultivés dans le monde et que les gros importateurs – Afrique et Moyen-Orient principalement – soient soudain sur le qui-vive offrit aux hérauts de notre magnifique agriculture « sans nom » le prétexte idéal pour booster de telles productions partout en Europe et mettre entre parenthèse – ou carrément aux oubliettes de l’histoire ? – le Green Deal européen qu’on nous avait pourtant promis.

Autrement dit : dès qu’il faut faire du blé, l’écologie passe à la trappe ! Aujourd’hui, face à l’enlisement généralisé du conflit en Ukraine, les gros intérêts financiers semblent mieux admettre la nécessité de s’adapter aux nouvelles donnes de production car les prix de l’agroalimentaire, eux, n’arrêtent de se renchérir sous l’effet de l’inflation, une inflation manifestement due – le croiriez-vous ? – à la hausse des prix de l’énergie. Mais quand ceux-ci repartent à la baisse, il est rare que les prix des supermarchés les suivent…

Certains géants de la grande distribution, elle-même déjà en proie à des restructurations drastiques, investissent dans de la terre agricole. Mais pour produire quoi ? Et surtout comment ? Pour quel type de consommateurs ? Avec quel pouvoir d’achat ?

 

E- La modernité agricole et sa danse de mort…

L’Ostendais James Ensor (1860-1949) peignait des cortèges carnavalesques où dansent des masques macabres et inquiétants. La pseudo-modernité agricole ressemble beaucoup aux œuvres de feu Ensor. En réalité, l’establishment technocratique agroindustriel veut absolument continuer à avoir l’air en pointe. Question de dignité, pense-t-il sans doute ! Mais en pointe de quoi exactement ? Dans son obsession de faire la guerre à la nature, il choisit encore et toujours la course aux armements et rien ne semble pouvoir le détourner de cette danse de mort. À ses yeux, le vivant ne peut être qu’asservi et formatté, mis en rangs serrés et comptabilisé. Le vivant évidemment, fort de sa grande diversité et de son ingéniosité sans limites, ne s’en laisse pas compter. Eh oui, c’est la guerre !

Nous sommes, quant à nous, partisans de l’autre modèle : celui qui prend d’emblée le parti de pacifier nos relations avec la nature. Et il n’y a pas de moyen terme en la matière, il faut absolument choisir : soit on choisit la guerre, soit on choisit la paix ! Si on ne veut pas la paix, on fait la guerre. Mais si on ne choisit pas de partir en guerre, la fleur au fusil comme en 14, alors il ne reste plus que le camp de la paix… Complètement et sans condition !

Quel est ce terrible armement dont nous parlons ici ? Toujours les mêmes vieux empaillages, bidouillages et tripatouillages du vivant, mais avec des noms différents, bien sûr, judicieusement choisis par de brillantes officines de communication pour nous faire avaler toujours les mêmes couleuvres et continuer à nous faire croire, sans désemparer, que ce qui n’avait pas marché avant était déjà très bien mais que ce qu’on s’apprête à faire ensuite sera, sans le moindre doute, encore beaucoup, beaucoup mieux ! En fait, ce sont toujours des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés), des chimères qui ne servent rigoureusement à rien du point de vie de l’agriculture, sinon à enrichir quelques multinationales et, accessoirement, à anéantir le monde paysan, ou ce qu’il en reste. Le meilleur des mondes, qu’on vous disait ! Causez maintenant NGT (Nouvelles Technologies Génétiques) et vous aurez le look branché. Mais la catastrophe est toujours la même, on cherche juste à faire oublier que ce sont encore et toujours ces chères vieilles canailles d’OGM et que modifier un simple trait isolé d’une plante – ou n’importe lequel de ses innombrables caractères – ne lui conférera en aucun cas, dans n’importe quel contexte agricole, une quelconque « durabilité » de meilleur aloi. Car tout est toujours affaire de globalité du système mis en œuvre autour de la plante. Cela s’appelle un écosystème, pour ceux qui auraient loupé un épisode de la série consacrée à l’écologie. En réalité, les multinationales qui produisent OGM et semences – ce sont les mêmes ! – ne digèrent pas l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), de juillet 2018, qui déclare solennellement que « les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM et sont en principe soumis aux obligations de la directive OGM« . Elles veulent revenir là-dessus or nous pensons qu’il ne faut évidemment le faire en aucun cas. That’s it !

Autre chimère au menu : l’intelligence artificielle ! Une puissance de calcul extraordinaire comme on n’en avait jamais mis en œuvre au service de la ferme : on va, par exemple, vous envoyer des vols de drones scanner vos champs et les ordinateurs vous diront exactement, chiffres à l’appui et jusqu’à la dixième décimale, où rajouter une pincée de sel ou bien un soupçon de poivre… Comme si la production n’était plus celle de la globalité de la ligne ou du champ, de la totalité du troupeau ; comme si l’agriculture n’était pas affaire d’entités élevées ou cultivées, d’ensembles d’êtres vivants soumis aux mêmes conditions pédoclimatiques, aux mêmes fumures, aux mêmes nourritures… Or la bonne compréhension, la judicieuse observation de la vie de ces ensembles d’individus est justement ce qui caractérise le métier, la sensibilité de l’agriculteur. Mais, évidemment, si on veut faire une agriculture sans agriculteurs, et si les ordinateurs n’ont justement rien d’autre à faire pour se chatouiller la carte-mère…

 

F- Des sols encore globalement malmenés

On en viendrait presque à oublier que l’agriculture, ça fait partie de l’environnement. Que l’agriculture contribue largement à forger les paysages de nos campagnes… Vous parle-t-elle du sol quand la télé vous propose un reportage sur un agriculteur ? Jamais ! On part du principe que le brave homme est gentil parce qu’il nous donne à manger ; dire qu’il nous empoisonne avec ses pesticides et qu’il dézingue les sols fertiles de nos campagnes, n’y pensez même pas, ça serait de l’agribashing ! Rappelons ici que l’idée absurde – littéralement le « dénigrement agricole » – qui porte ce nom est une pure supercherie de la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) qui déplorait que « les paysans soient une cible trop facile. » Cet étrange concept d’une animosité volontairement dirigée contre le monde agricole fut imaginé par un certain Gil Rivière-Wekstein et opportunément utilisé par la FNSEA, après le succès d’un film, pourtant d’une audacieuse justesse, intitulé Au nom de la terre, qui relatait le suicide d’un agriculteur. Le terme d’agribashing en dit long, en tout cas, sur la paranoïa du syndicat agricole dominant en France : nul n’a jamais cherché à critiquer personnellement les individus agriculteurs mais juste certaines des pratiques qui sont les leurs et qui s’avèrent, de plus en plus souvent, inappropriées.

Il ne serait donc pas bien – certains ont même pensé à rendre cela punissable ! – de dire, par exemple, à quel point nos sols agricoles se dégradent sous les coups de boutoir de l’ »agriculture sans nom ». Or il est clair qu’en terme de qualité et de fertilité des sols, nous vivons sur des acquis du passé, lesquels s’épuisent rapidement et peut-être même inéluctablement. Les progrès de la mécanisation, par exemple, sont toujours présentés comme autant d’avancées, de performances, puisqu’on va toujours vrombir plus vite et plus profond. Mais avec quels dégâts sur les populations d’insectes et de microorganismes qui vivent là ? En Wallonie, la teneur moyenne en humus des sols cultivés se situe autour de 2,4% et les sols de Hesbaye sont tombés à 1,8%. Or on s’accorde généralement à reconnaître qu’il ne faut pas descendre sous les 2% afin d’éviter les problèmes d’érosion, trop peu d’humus signifiant trop peu d’agrégats pour maintenir fermement les particules minérales. Nous devons, sans doute, à notre climat humide d’éviter un dust bowl – une tempête de poussière – et des coulées de boues beaucoup plus graves que celles que connaissons parfois, mais nous ne sommes peut-être déjà plus très loin d’une aggravation brutale des pertes de sol, qui sont chiffrées à plus de cinq tonnes par hectare et par an, en ce qui concerne 40% de la surface des sols cultivés de Wallonie. Les sols de Hesbaye, qui sont les plus dégradés, ne reçoivent quasi plus de matières organiques, l’élevage ayant été relégué bien loin de là, « là où il n’y a pas moyen de faire autre chose ». En fait, les terres hesbignonnes sont réservées aux cultures les plus rentables dans le court terme. Faut-il vraiment attendre, une fois encore, qu’une catastrophe survienne pour « faire quelque chose » ? Est-ce vraiment cela notre vision wallonne de la souveraineté alimentaire ? Ou n’en avons-nous, en réalité, absolument rien à fiche de la souveraineté alimentaire, nous qui achetons déjà, à l’étranger, la majeure partie de notre alimentation ? Tout porte à le croire. Circulez, y’a déjà plus rien à voir…

 

 

G- Vers une approche globale de la qualité alimentaire…

Que conclure de ce – bien peu sexy – premier chapitre ? Que la situation de l’agriculture « sans nom » n’est certainement pas aussi rose – ou verte ? – qu’on aime encore nous le prétendre ? Cela, vous l’aviez peut-être déjà compris… L’agriculture d’aujourd’hui n’a plus l’ambition de nous nourrir « comme il faut » ; elle n’est plus qu’une histoire de bénéfices – et non de pertes – à très court terme. Plus personne n’est assez fou pour laisser, à l’agriculteur de la génération qui suit, une terre qui serait, selon l’adage déjà cité, « plus fertile qu’il ne l’a trouvée ». On ne laisse rien d’autre qu’un champ de bataille… Pour que ce champ de bataille ne devienne pas rapidement un champ de ruines, il faudrait pouvoir responsabiliser, voire sanctionner, tous ceux et toutes celles qui cultivent la terre sans la respecter. La puissance des lobbies et des syndicats, l’extrême mollesse du monde politique, semblent rendre cette mission complètement impossible et c’est encore et toujours le consommateur qui, par défaut, est appelé à jouer le rôle d’arbitre, sans rien comprendre pourtant aux règles du jeu qui se joue. Nous en sommes là ! Des outils performants existent pourtant afin de mesurer la durabilité des pratiques agricoles, comme le score C’Durable ?, un indicateur qui devrait s’appliquer obligatoirement à toutes les fermes en activité.

La vérité alimentaire, telle qu’il faut l’expliquer au consommateur, doit être présentée comme une globalité qui lui laisse entrevoir l’immense système s’ouvrant derrière le moindre de ses achats alimentaires. La moindre dépense alimentaire n’a, en effet, véritablement de sens qu’en y intégrant ses conséquences, même les plus infimes, sur l’ensemble des paramètres qui viennent d’être évoqués. Et sans doute encore pas mal d’autres… Il est très insuffisant de prétendre que l’aliment vaut par sa seule valeur nutritionnelle ou organoleptique, par la seule organisation de sa logistique ou de son marketing, par sa production et sa transformation, par ses impacts sur l’environnement et la qualité de la vie collective, par la vision politique et sociale du monde qui le sous-tend et dont il est le fruit… En réalité, il faudrait pouvoir considérer tout cela en même temps, et sans doute bien d’autres choses encore, chaque fois que l’appel de l’estomac amène le quidam à ouvrir le porte-monnaie. Mais comment rendre plus concrète pareille pensée systémique pour chacun de nos achats alimentaires ? Comment être mis en situation de toujours se penser soi-même en interaction perpétuelle avec ce vaste système ? Sans doute en entamant d’abord, dans la proximité de chaque consommateur, une véritable démarche d’éducation permanente…

 

 

Chapitre 2 – Le bio en pleine crise existentielle

Nous parlons maintenant de ce qui est communément appelé le bio, c’est-à-dire le marché des produits issus de l’agriculture biologique, soumis au respect de la réglementation européenne sur l’agriculture biologique, c’est-à-dire le Règlement (UE) 2018/848 qui encadre actuellement la production, la transformation et la vente – y compris l’étiquetage – des produits biologiques. Ce Règlement a été complété par plusieurs actes secondaires dont le règlement d’exécution (UE) 2021/1165 qui liste les produits et substances autorisés en production biologique : engrais et amendements, traitements phytosanitaires, additifs, auxiliaires technologiques… Une version vulgarisée de cette législation est disponible sur le site de Biowallonie : www.biowallonie.com/reglementation/. Nature & Progrès continue, bien sûr, de prôner ce type d’agriculture afin de la substituer – le plus tôt sera le mieux ! – à celle dont le chapitre précédent s’est employé à montrer la faillite annoncée.

Mais ce bio ne se limite évidemment pas au seul travail agricole qui le produit. Il intègre également une vaste infrastructure de distribution dont le fonctionnement, quoi qu’en pense souvent le consommateur, n’est défini nulle part. Quelles sont dès lors les principales tendances actuelles et les enjeux de ce bio ? Quelles sont les menaces sérieuses qui pèsent sur lui et qui peuvent – ou pas ? – être mises en relation avec tout ce qui vient d’être analysé au chapitre précédent ?

 

A- Une heure de gloire qui appartiendrait au passé

À entendre bon nombre de ses acteurs, le bio a été tendance et ne le serait plus. Comme dans tout phénomène de mode, il y aurait eu une éclosion surprenante, une apogée plus ou moins longue, puis une descente vers l’oubli plus ou moins progressive. Le petit monde du bio prendrait ainsi, lentement mais sûrement, une coloration « has been » et la « ringardisation » de ses produits serait une tendance sociologique de fond dans le chef du consommateur. Il serait donc grand temps, pour les acteurs du secteur, de considérer qu’il a eu son temps mais que le public, lassé, manifesterait son envie d’aller vers autre chose. Mais aller vers quoi ? C’est, en effet, très difficile à dire…

À moins qu’il s’agisse – soyons un brin parano, nous aussi ! – d’un biobashing savamment organisé ? De nouvelles tendances émergent, en effet, qui voudraient prendre la place du bio, en grandes surfaces, et attirer l’attention du consommateur. Un foisonnement de labels privés, portés par des marques, est apparu. Redisons cela clairement : en grandes surfaces surtout, une grosse vague de greenwashing qui dévoie l’agroécologie – nous l’avons évoqué – se combine aux tendances de la mode et émet, en direction du chaland, une pléthore de messages prétendument qualitatifs qui ne l’aident pas à y voir plus clair sur l’origine de ce qu’il achète : émergence de l’ACS (Agriculture de Conservation des Sols), soubresauts du « conventionnel » qui se sent poussé dans ses derniers retranchements, etc.

Il semblerait toutefois – qui faut-il croire ? – qu’à défaut de progresser, le commerce bio reste stable, dans la grande distribution, par rapport à d’autres tendances, comme les produits végétariens, par exemple. Un ancien négociant nous confirme, par exemple, que telle enseigne serait parvenue à stabiliser cinq à six cents références bio – un chiffre qui n’augmente pas mais qui ne diminue pas non plus – contre environ deux cents références végétariennes qui, elles, seraient en diminution. Une autre enseigne – made in France ! – était, quant à elle, déjà en nette diminution, l’an passé… On regrettera ici, de manière très générale, la grande confusion qui continue à régner entre chiffres globaux du bio, et chiffres du bio de la grande distribution. Confusion que ne cherchent jamais à dissiper la plupart des médias qui ne ratent jamais une occasion de taper sur le bio, à leurs yeux soit trop bobo, soit trop marginal…

Mais, de manière plus fondamentale, de quelle nature est aujourd’hui la concurrence entre le bio de grandes surfaces, d’une part, les magasins spécialisés et le circuit court, d’autre part ? Une concurrence dont personne ne parle et dont on peut se demander si on a réellement envie de la voir. En Wallonie, par exemple, la cellule Manger Demain de la Socopro (Collège des Producteurs) met sur un pied d’égalité produits locaux, vrac, bio et circuit court. Est-ce pour envisager, avec plus de clarté et de précision, la situation du détail des produits bio ? Peut-on comparer l’abondance qui semble très localisée à Liège et à Bruxelles, et demeure sans équivalent ailleurs et certainement pas dans la plupart des campagnes ? La connexion avec des producteurs bio locaux est-elle suffisamment mise en exergue, tant les produits qu’ils mettent à la disposition des revendeurs apparaissent toujours comme un véritable gage de pérennité du point de vente ?

 

B- La haute qualité est bio mais ne le dit guère…

Autre  » tendance nouvelle  » du bio, parmi les choses qui se veulent les plus modernes : en matière de top qualité, on choisit le bio, cela va sans dire… Dans l’esprit de « Chez Blanche » – www.chezblanche.net/ -, par exemple, pains et chocolats, il semble évident de se fournir en bio exclusivement, à un point tel qu’on n’éprouve même plus le besoin de l’afficher trop ostensiblement. Bien sûr, les chocolats portent l’ »Eurofeuille« …. Même tendance, par exemple, chez le shop en ligne Efarmzwww.efarmz.be/fr – ou chez le traiteur « Les filles » – www.lesfilles.be/fr/. Aucun doute, l’argumentaire alimentaire est engagé : « 100% bio » et même « bio+ », Efarmz étant même une sorte d’Agricovert mobile… L’action se pérennise avec toujours les mêmes producteurs mais sans mettre systématiquement en avant la mention « bio », sans l’afficher en tout premier lieu. On préfère se dire « local » et même « local de qualité », ou encore « durable (responsable) » ou tout simplement « frais ». Et la tendance est identique dans beaucoup de restaurants…

Comme si les trois lettres b, i et o étaient devenues anti-commerciales pour leur clientèle aisée, attentive et bien informée. En revient-on pour autant au côté « ringard » par lequel nous avons commencé ? Car qu’est-ce qui serait ringard ? Le bio, en lui-même, ou – encore et toujours – le fait d’oser parler aux gens de production alimentaire et d’agriculture ? Est-ce que cela angoisse tellement l’acheteur de penser à la complexité de son aliment, au point qu’il préfèrera très souvent la garantie qu’offre la personne physique qui se trouve devant lui, fut-ce un simple revendeur, à une garantie telle que celle donnée par le bio qu’il comprend finalement toujours assez mal ? Un tel constat ne serait-il pas plutôt le reflet d’une réalité beaucoup plus globale, conséquence de décennies de marketing dépourvu de toute espèce de sens critique, où l’acheteur est conditionné à ne plus connaître que le produit, ou pire encore son emballage ? Une conclusion semble déjà s’imposer d’elle-même : vive le circuit court car ne pas défendre le « comment c’est fait » risque fort de laisser planer un flou sur tout ce qui contribue justement à produire la véritable qualité. Celle-ci ne tient pas uniquement à une simple labellisation – ou à l’apparition d’une marque – et à l’ensemble des images et des attitudes que celle-ci recouvre. La qualité est globale ! C’est toujours le reflet d’un ensemble écologique qui fait partie d’un système alimentaire complexe.

Principale observation que nous pouvons faire par rapport à tout ce qui vient d’être exposé : nos propres producteurs de Nature & Progrès ne semblent pas rencontrer de problèmes majeurs par rapport à leur viabilité. Que du contraire ! Il y a bien eu un « boom » consécutif à la Covid mais certainement pas la dégringolade qui a suivi chez d’autres revendeurs de produits biologiques. Nos polyculteurs-éleveurs, nos maraîchers ne sont pas des gens qui courent derrière un hypothétique marché, ou qui seraient jaloux d’une image par trop narcissique ; ils produisent ce qu’ils ont décidé de produire et s’organisent ensuite pour écouler cette production dans la proximité. C’est exactement la démarche inverse de celle de la grande distribution ! Qu’ils s’en sortent bien, économiquement et symboliquement, est évidemment une dimension très importante à mettre en avant dans les plaidoyers que développe Nature & Progrès. Et il semble plus important encore de documenter les raisons qui rendent cela possible. Une telle réalité doit être rendue parfaitement audible et compréhensible, et c’est pour cela que nous réalisons, par ailleurs, un film de sensibilisation et une série de podcasts. Il est indispensable de rendre cette dimension visible à tous ceux dont elle est absente de l’imaginaire alimentaire. En d’autres termes, il faut aussi faire percoler au niveau politique l’efficacité de nos propositions afin que figure, dans la prochaine Déclaration de Politique Régionale de la Wallonie, reconnaissance et engagement clair à soutenir les agriculteurs qui adoptent la démarche du circuit court, telle que le conçoit Nature & Progrès.

C- Les trois dimensions de l’agroécologie

Avions-nous déjà connu, par le passé, des menaces sur le bio, équivalentes au greenwashing actuel ? Bien sûr. Et il s’agissait déjà de tentatives de dénaturation, de détournement du bio réglementaire, par l’assouplissement du règlement européen et notamment la tolérance aux OGM – voir Valériane n°64, de mars-avril 2007. Ceux qui instrumentalisent aujourd’hui le terme d’ »agroécologie », en mettant un intérêt économique à la clé, cherchent manifestement à le détourner également, même si rien ne réglemente, à proprement parler, son usage. Ces acteurs voudraient exprimer qu’ils vont « au-delà du bio » mais l’intérêt de la manœuvre n’est pas sociétal de prime abord. Ils défendent avant tout un intérêt économique individualiste. Sans doute un rappel s’impose-t-il ici : le terme d’ »agroécologie » est issu de milieux universitaires et de certains mouvements sociaux menés par des gens « non issus du monde agricole », mais aussi de pays du Sud, et principalement d’Amérique du Sud, notamment sous l’impulsion du Chilien Miguel Altieri – voir, par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_Altieri.

Trois dimensions doivent toujours coexister au sein de l’agroécologie – voir notamment le dossier de Valériane n°100 -, ainsi que l’avaient défini ces pionniers : mouvement social, pratiques de terrain et approche scientifique… Or il semble totalement impensable d’affirmer que ces trois dimensions coexistent dans la démarche d’une association telle que Greenotec – voir : www.greenotec.be/ et www.terrae-agroecologie.be/ -, pour ne parler que d’elle, qui serait donc bien inspirée d’éviter toute référence à cette réalité. La Région Wallonne quant à elle, par défaut de connaissances sans doute, parle encore de « minimisation » des pesticides, en parlant d’agroécologie, alors que le terme devait être de nature à englober toutes les pratiques qui existent, à travers le monde, et qui s’inscrivent dans la triple dimension dont les principes généraux sont totalement compatibles, en Wallonie, avec ceux de l’agriculture biologique. Et plus encore avec ceux de la bio telle que la conçoit Nature & Progrès !

Notons encore que la forme d’agriculture qui s’était naguère autodénommée « raisonnée » n’est jamais arrivée à « minimiser » quoi que ce soit, que du contraire – voir le n°27 de notre revue, datant de janvier-février 2001, et l’affirmation, déjà claire et nette, que cela n’avait certainement rien à voir avec le bio ! Au moins, leur démarche ne se targuait-elle pas alors d’agroécologie… Tirons donc un trait sur l’ »agriculture raisonnée 3.0″ qui, après l’agriculture raisonnée et l’écologiquement intensif, serait l’agroécologie au glyphosate !

Car, pour le reste, les fondements de l’agroécologie sont bien sûr excellents, dès qu’on parvient à en dénoncer le dévoiement utilitariste. Il existe d’autres versions capitalistes de ce dévoiement : House of agroecologyhttps://houseofagroecology.org/fr/ – est sans doute la plus grosse menace qui plane aujourd’hui sur le bio de grandes surfaces car une sorte d’ »éco-score », pour une production « éco-responsable », une « alimentation durable » à des prix équivalents à ceux du conventionnel, finira bien par y être défini qui sera bon pour la planète, meilleur pour les agriculteurs et quand même meilleur marché qu’un bio qui ne ciblera plus alors que la tranche vieillissante des bobos. Avec l’énigme, toujours persistante, des prix du bio qui comprend encore trop manifestement les marges importantes que certains acteurs croient bon de pouvoir s’octroyer sur son dos… Brisons encore une lance, dans la foulée, sur cette conception persistante de l’aide alimentaire aux plus démunis, axée uniquement sur les rebuts de la grande distribution, où l’on croit aider les gens à manger plus sainement en soutenant financièrement un système de production et de distribution alimentaire totalement à la dérive. La Sécurité Sociale de l’Alimentationwww.collectif-ssa.be – doit donc être une opportunité de repenser complètement la façon dont l’alimentation est produite. Mais gageons qu’elle ne s’imposera jamais si elle n’atteint pas d’abord l’objectif salutaire de se dégager des poubelles de la grande distribution…

 

D- Booster la demande ou soutenir la production ?

En matière de production bio, on déplore actuellement quelques « décertifications » de producteurs mais il s’agit typiquement de ceux qui avaient adhéré par pur opportunisme et qui n’ont jamais véritablement partagé le projet de l’agriculture biologique. Ces quelques défections, malheureusement, font souvent les gorges chaudes dans les cénacles politiques où l’on discute du Plan bio wallon et où se retrouvent ceux qui le financent. D’où le fait que les six millions d’euros consacrés, par la Région Wallonne, au soutien de l’agriculture biologique s’en vont, comme par hasard, combler des problèmes qui ne se développent que dans ce système-là ! Celui d’une bio de marché, possiblement en butte à certaines formes de « ringardisation »… Le ministre de l’Agriculture et sa collègue de l’Environnement soutiennent mordicus qu’il faut booster la demande et que, pour booster la demande, il faut d’abord travailler sur le consommateur. La Wallonie octroie ainsi des budgets complémentaires à l’APAQ-W (Agence Wallonne pour la Promotion d’une Agriculture de Qualité) afin qu’elle conduise, de manière très discutable d’ailleurs, une large promotion de l’agriculture biologique. Elle consent aussi des budgets complémentaires au Collège des Producteurs dans le but de soutenir des filières.

Nature & Progrès pense, au contraire, que c’est d’abord la production bio locale qu’il faut soutenir et amplifier. Il faut miser, par exemple, sur l’expansion de la Ceinture alimentaire de Charleroi où l’agriculture biologique, dans toutes ses dimensions, est posée comme une contrainte incontournable et où les promoteurs évitent de s’ouvrir inutilement à d’autres considérations secondaires. Un tel modèle a déjà fait la preuve de sa grande efficacité, dans le cadre du développement de la Ferme à l’Arbre à Lantin, par exemple…

À nos yeux, l’objectif essentiel de l’action politique doit être de rendre le bio accessible pour la population dans son ensemble, sans la moindre exception. Une fois posée cette nécessité absolue, l’ensemble des moyens nécessaires pour atteindre cette ambition doivent être dégagés et cela commence évidemment avec les producteurs chez qui on choisit de s’approvisionner. Il serait parfaitement envisageable, par exemple, d’utiliser leur réseau pour échanger des marchandises essentielles – patates et carottes – et de rendre ainsi disponible, via leurs fermes, quelques produits bio de base, moins chers que l’équivalent conventionnel. À Charleroi, des moyens importants semblent disponibles – en ce compris un projet d’alimenter les cantines des hôpitaux, en bannissant strictement toute présence de résidus de pesticides – mais il sera sans doute nécessaire, à cet effet, de penser autre chose que le sympathique magasin bio standard dont on boosterait, par la grâce hasardeuse d’une publicité éphémère, la clientèle putative. Car il faut bien se dire qu’a priori, une telle clientèle est une pure vue de l’esprit ; il n’y a plus aujourd’hui qu’une population dans le dur qu’il faut nourrir le mieux possible afin d’éviter qu’elle coûte ensuite beaucoup plus à la collectivité, en services sociaux et en soins de santé. Telle est bien la situation : nourrir adéquatement la population est redevenu une nécessité prioritaire qui appelle une vision globale, holistique. Et pas de se faire plaisir électoralement, en s’obstinant à cuisiner dans les vieilles casseroles, et surtout en soutenant un secteur en pleine faillite morale, raccommodé de bric et de broc, totalement incapable de garantir encore notre souveraineté alimentaire !

L’attention portée aux pesticides ne doit pas être non plus une porte ouverte afin de réduire, une fois de plus, le bio à leur absence… Sans jamais expliquer pourquoi il y en a tant dans l’autre agriculture, celle qui, nous l’avons dit, n’a plus de nom ! Il faut donc absolument éviter de tomber dans le « pesticide à la carte », en fonction des humeurs de tel ou tel toxicologue universitaire ou de telle ou telle créature politique en mal de voix, et ne pas faire du bio « si c’est possible », comme l’affirment trop volontiers certains mandataires toujours en quête d’une éventuelle porte de sortie… Nous avons expliqué pourquoi il est impératif de considérer l’agriculture biologique comme une boussole globale, un impératif fondamental, absolu, ce qui aura aussi beaucoup de sens d’un point de vue strictement territorial. Il n’existe donc pas de moyen terme entre bio et pas bio. Le bio n’est pas un curseur qu’on déplace à son gré. On est de son côté, ou bien on est forcément de l’autre ! Et ce n’est pas juste une question de pesticides, comme on l’entend souvent. L’affaire est systémique : lâcher la contrainte bio, ce sera retomber automatiquement dans le conventionnel et ses innombrables manquements, et cela ne résoudra rien ! Aucun ostracisme, ni dogmatisme ni volonté de clivage là-dedans. Notre position n’a absolument rien d’idéologique : c’est pile ou c’est face. Et la pièce ne retombe jamais sur la tranche !

Hélas, dans le climat ambiant, il est très facile de faire mine de vouloir jouer les conciliateurs. La véritable instrumentalisation se trouve là ! C’est tout le débat que nous avons avec l’APAQ-W, laquelle veut bien communiquer sur le bio mais sans jamais dénigrer le conventionnel. Est-ce de notre faute, à nous qui faisons du bio, si le conventionnel utilise massivement des pesticides et des engrais chimiques de synthèse, alors que chacun sait pertinemment que c’est terriblement nocif pour la santé humaine, pour l’environnement et pour la biodiversité ? Du coup, bien des journalistes, par exemple, s’auto-censurent. Dans le 13 heures de la RTBF, du vendredi 8 décembre – ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres -, on nous parle d’une nouvelle variété de pomme wallonne. Il s’agit, en fait, d’une obtention due à Marc Lateur, au CRA-W (Centre wallon de Recherches agronomiques), à Gembloux. Un sous-titre indique qu’il s’agit bien d’une pomme bio mais le journaliste n’en pipe mot, ce qui rend totalement abscons son exposé sur le travail de fond, pourtant exemplaire, de Marc Lateur, et sur le bien-fondé de la recherche agronomique en fruiticulture biologique. Mais il ne lui semble plus permis de dire simplement qu’un fruit bio nous épargnera les abondants traitements phytosanitaires du conventionnel, ce qui est pourtant un fait établi qui est de notoriété publique.

 

E- Valeurs, principes et éléments de langage

La volonté de permettre l’accès à la bio au plus grand nombre, par son arrivée en grandes surfaces, fut peut-être un fait louable d’un point de vue démocratique mais elle ouvrit surtout la porte à une baisse qualitative globale de la marchandise proposée. Elle fut, en tout cas, à l’origine de l’élaboration de la Charte éthique de Nature & Progrès qui avait pour principale ambition de remettre la relation producteur – consommateur au cœur de la transaction alimentaire. Mais n’était-ce pas déjà entériner l’évidence que la forme de bio admise dans les grandes surfaces n’était déjà plus la nôtre, qu’elle ne serait plus jamais la nôtre ? Que nous parlions ici de 1991 – avec les tout premiers cahiers des charges européens – ou de 2006 – où la question majeure était surtout celle de la pollution « fortuite » par les OGM admise par une nouvelle mouture du Règlement européen ? Tout cela fit partie des innombrables renoncements – maîtrise du cahier des charges, certification, etc. – que fut forcée de consentir la bio associative de départ, au fur et à mesure, que s’épanouissait, en grandes surfaces notamment, le providentiel marché du bio sur le dos duquel des marges substantielles pourraient être dégagées.

Fort heureusement, Nature & Progrès fut toujours là pour rappeler les valeurs initiales. Mais quelles sont-elles, au fond, ces fameuses valeurs ? En fait, ne s’agit-il plutôt – et tout simplement – de principes élémentaires qui devraient sous-tendre toute forme de production, de transformation et de distribution de l’alimentation humaine ? Pourquoi tolère-t-on encore autre chose, du seul point de vue du respect humain ? Comment le mangeur peut-il, dans la grande majorité des cas, accepter d’ingurgiter ce qui garnit son assiette ? Quand il y a encore une assiette… Pression économique et sociale, volonté inconsciente d’autodestruction, désinformation, ignorance ? Quoiqu’il en soit, la question de la qualité revient constamment au centre du questionnement. Mais qu’est-ce qui constitue exactement la qualité alimentaire – notamment dans le cas de l’acronyme APAQ-W ? Une agriculture qui utilise massivement des pesticides peut-elle prétendre être une agriculture de qualité ? Mais surtout, qu’est-ce qui est constitutif de la qualité, aux yeux de Nature & Progrès ? Une telle réflexion est sans doute tentaculaire car il s’agit bien de tout aborder de front, en même temps : pratiques agricoles, valeur nutritive des aliments, environnement socio-économique, information, prix, etc. Mais seule une telle approche globale sera en mesure de poser complètement la question de société, ce fait social global qu’est s’alimenter. De nombreux éléments sont déjà énoncés dans notre Charte éthique de Nature & Progrès. Et, de toutes façons, le débat sur la qualité alimentaire doit être un cahier de doléances ouvert en permanence pour tous les mangeurs et pour tous les acteurs du système alimentaire. C’est le débat politique par excellence, l’alimentation étant un facteur essentiel du lien social…

Un principe central semble toutefois s’imposer comme une véritable valeur : il s’agit de l’autonomie ! Telle que nous la concevons, l’autonomie prend véritablement une dimension philosophique. Elle renvoie, à nos yeux, au fait d’être en mesure de toujours pouvoir décider, à l’échelle locale, des modes de production de la nourriture les plus justes possible avec, le cas échéant, la proportion d’autoproduction la plus importante possible, en fonction du contexte et des possibilités… Le débat sur nos valeurs, et a fortiori, sur celles du bio passe donc aussi par un débat sur le sens exact que nous donnons au vocabulaire que nous utilisons. Au-delà du global english international, le globish où toute idée nouvelle se standardise et meurt, sachons mieux cerner les concepts auxquels nous avons recours et nous accorder beaucoup mieux sur certains « éléments de langage ». Politiquement parlant, cette nécessité est vitale. Le mot « alternative », par exemple, passe très mal s’agissant des pesticides ! Nature & Progrès en a fait l’expérience. Parler d’alternative aux pesticides peut, en effet, induire le fait que nous tolérions indifféremment l’un ou l’autre : simplement les utiliser ou ne pas les utiliser quand c’est possible, ou même substituer un produit chimique à un autre produit chimique. Or nous envisageons la mise en place d’une manière totalement neuve de penser la ferme afin de remplacer l’ancienne, celle qui précisément utilise des pesticides ! Les mots – celui-là et sans doute beaucoup d’autres – ne recouvrent donc absolument pas les mêmes réalités, selon qu’ils sont utilisés dans notre milieu ou dans d’autres. Une plus grande attention à ce qui est réellement compris de ce que nous exprimons, avec les mots que nous choisissons, est donc nécessaire. Ou peut-être devrons-nous trouver d’autres mots et d’autres formulations ? Et veiller à bien appeler un chat, un chat…

 

 

Chapitre 3 – La bio et ses pistes d’avenir

Nous vous parlons maintenant de cette agriculture-ci, celle qui nourrit les gens d’ici, celle qui respecte et sauvegarde l’environnement et la biosphère, celle que – en tant qu’association de consommateurs et de producteurs – nous défendons chez Nature & Progrès, l’agriculture porteuse d’éthique et d’humanité dans la moindre de ses dimensions, la bio. C’est elle qu’il faut à présent mettre en place, largement et de manière totalement inconditionnelle. Pour mener à bien, dans l’intérêt public, ce pilier de la transition écologique, d’autres us et coutumes politiques doivent absolument être adoptés, non que nous doutions des personnes elles-mêmes et de leurs compétences mais parce que les petites rivalités partisanes à répétition, les poussées d’hubris périodiques, nous emmènent tout droit vers un néant démocratique. Plus que jamais, deux niveaux de pouvoirs – au moins – doivent coexister : celui des opérationnels qui gèrent le court terme et celui des sages qui soient capables, en conscience, de se projeter sur plusieurs législatures afin d’entrer au cœur du système alimentaire et de mettre en place des solutions véritablement durables, au meilleur sens du terme. Pour cela, il nous faudrait – à tout le moins – un véritable ministère de l’alimentation. Plutôt qu’un ministère des soins palliatifs pour une agriculture traditionnelle en voie de disparition…

Le règlement bio européen – nous l’avons largement énoncé au chapitre précédent -, s’il offre évidemment le cadre nécessaire à l’agriculture qui en émane, est également insuffisant pour celle qui nous concerne maintenant. Une agriculture nourricière à l’échelon local – et non une agriculture de rente convoitant on ne sait trop quels marchés extérieurs – doit imposer le bio comme un impératif minimal mais surtout être capable de le dépasser. Nous formulons donc, à présent, quelques propositions permettant de développer, en Wallonie, une agriculture biologique fidèle à l’esprit qui l’anima, au moment de sa création. Une bio éthique orientée vers strictement vers l’être humain qui la consomme et qui en vit. Un objectif de 30% de bio wallon dans l’assiette des Wallons devrait être de nature à mobiliser producteurs, transformateurs et consommateurs. Mais attention ! Il n’y a évidemment jamais de recettes toutes faites ; chacun doit donc, dès à présent, se retrousser les manches et s’activer les neurones. En toute bonne foi… Voici néanmoins quelques pistes.

 

A- Une agriculture pour l’humain, pas pour le profit

En 2022, Manger demain – voir : www.mangerdemain.be/exception-alimentaire-wallonie/ – réclama une « exception alimentaire » et un régime particulier, notamment dans le cadre de marchés publics, qui laisserait aux collectivités de choisir librement l’origine géographique des denrées qu’elles utilisent. Faut-il aller jusque-là, dans le but d’attirer davantage de petits producteurs vers les cuisines de collectivité ? C’est possible… Il faut, en tout cas, se convaincre que l’agriculture est là pour nourrir les gens le mieux possible ; elle n’est pas là pour permettre à de gros intérêts privés de réaliser de substantiels profits, au détriment de la qualité de vie de tous nos concitoyens. Ce principe est extrêmement simple à comprendre, et l’ensemble des dispositions légales, en matière d’alimentation, doivent absolument découler de ce principe. Ce qu’il implique doit être admis par tous, c’est désormais une question existentielle. Que 17% seulement des légumes consommés en Wallonie soient produits en Wallonie est un non-sens total. Que 9% seulement des céréales produites en Wallonie soient destinées à l’alimentation humaine – plutôt qu’à celle du bétail ou aux biocarburants – est un non-sens écologique bien sûr, mais d’abord et avant tout un non-sens économique absolu. Le mangeur doit être aujourd’hui conscient que chaque euro qu’il dépense en aliments a une influence non négligeable sur le système alimentaire global : à lui, par conséquent, d’opter pour le poireau du maraîcher voisin plutôt que pour le poireau hard discount. C’est un acte essentiel de responsabilité individuelle qui engage notre futur collectif.

De plus, le terme « qualité » ne peut plus être un rossignol politique permettant de chanter n’importe quoi à n’importe qui. Pas plus que le mot « dérogation » d’ailleurs…. Ce qu’exige la qualité – comme fait global et non comme vulgaire emballage doré destiné à flatter le gogo – doit pouvoir se définir sur base de données objectivables. Des systèmes évaluatifs fiables existent, il ne manque que la volonté politique de les appliquer !

Les extraordinaires obtentions de la pomologie wallonne, par exemple, sont souvent vues de nos jours comme des vestiges d’un passé d’oisifs, quelques vieilleries improductives économiquement et particulièrement encombrantes à conserver. Quelques vieilles pierres, en somme qu’il serait plus intéressant de raser pour construire un parking à la place ! Il y a aujourd’hui des limites à la dilapidation du patrimoine par des pouvoirs ignorants. Pouvoir reconnaître la qualité là où elle se trouve est, avant tout, un fait culturel. C’est un fait culturel aussi, primordial celui-ci, de comprendre que le salut de l’humanité est intimement lié à la biodiversité.

B- Le grand retour à la polyculture-élevage

Pourrions-nous couvrir nos besoins en viande avec les vaches de réforme de la production laitière, est-ce que cela tiendrait la route en termes de charge UGB (Unité de Gros Bétail), dans nos prairies, sachant que nous pouvons monter jusqu’à deux qui est le maximum autorisé en agriculture biologique ? Un tel modèle d’élevage répondrait-il aux besoins nutritionnels recommandés par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) ? Supprimerait-il les gaspillages, garantirait-il le bien-être animal et le respect de la biodiversité ? Son effet sur l’environnement nous permettrait-ils de conserver les puits de carbone que sont nos prairies permanentes, absolument essentiels dans le cadre du changement climatique tel que nous commençons à l’entrevoir : alternance de pluies plus intenses et de saisons sèches et venteuses ? Si la réponse est oui, n’attendons pas…

Semblable projet de relocalisation de la protéine animale nous amène immanquablement à plaider pour la polyculture-élevage, qui reste la forme la plus élaborée d’agriculture. Avant que s’ouvre la parenthèse chimique, bien sûr. Et avant, par conséquent, qu’elle se referme ! Un retour à cette forme d’agriculture ne pourra évidemment pas s’improviser : il demandera du temps, sera différent en fonction des terroirs et des pratiques en vigueur, demeurera tributaire des spécificités et des besoins locaux. Mais cela ne tombe-t-il pas sous le sens ? Si toutes nos prairies permanentes devront être sans pesticides et engrais chimiques de synthèse afin que leur existence soit garantie, c’est aussi l’ensemble de l’élevage wallon qui devra passer en agriculture biologique… Une révolution.

 

C- Une agriculture qui préserve l’eau

La crise des PFAS a ouvert une brèche dans la conscience des Wallons et des Bruxellois. Mais que diront-ils ensuite des nitrates, du glyphosate et de tous les autres résidus de pesticides ? Le sacro-saint principe du pollueur-payeur a fait long feu puisqu’aucun responsable ne semble avoir le courage politique de trouver ceux qui polluent et a fortiori de les faire payer. N’était-ce pas, de toute façon, créer un droit cynique à polluer, pourvu qu’on ait les moyens d’ouvrir ensuite son portefeuille ? Or à présent, l’état de l’eau nous intime, tout simplement, l’impérieuse obligation… d’arrêter de polluer !

La qualité de l’eau de distribution pose, par exemple, d’énormes problèmes à Paris car elle provient, pour moitié, d’eaux souterraines captées en Île-de-France, en Bourgogne et en Normandie, et pour l’autre d’eau prise directement, dans la Seine et dans la Marne, pour être ensuite potabilisée – voir : www.eaudeparis.fr. Toutefois, ces bassins amont de la Seine et de la Marne font l’objet d’une exploitation agricole essentiellement axée sur les intrants chimiques ! La mise en place de PSE (Paiements pour Services Environnementaux) – lire : Eau : l’état d’urgence, par Anne Le Strat, éditions du Seuil/Libelle – s’avère donc une solution très efficace. Extrêmement incitatifs pour que les agriculteurs passent à l’agriculture biologique – mais ils devraient évidemment concerner tous les acteurs de la bio et pas seulement les conversions d’opportunité -, ces PSE sont intégralement payés par les sociétés qui sont en charge d’assurer la qualité des eaux. Et, puisque nous ne sommes guère en mesure de faire fonctionner le principe du pollueur-payeur, force est bien de trouver autre chose. La mise en place de systèmes qui, dès le départ, ne polluent pas – ou tellement moins ! – en est une, assurément. Ceci ne devrait d’ailleurs pas être une nouveauté, en Wallonie, où l’on peut notamment s’inspirer des mesures prises, par exemple, par Spa Monopole pour protéger la qualité d’eaux de source aujourd’hui tellement renommées.

 

D- Une agriculture citoyenne, ouverte au dialogue entre producteurs et consommateurs

S’informer, analyser, agir ! Ce leitmotiv doit être stimulé car il est urgent que le mangeur sache autre chose des réalités agricoles que les fables aberrantes concoctées par un marketing absurde. Et d’autant plus insupportable lorsqu’il émane de structures publiques… Notre rôle est donc de stimuler, par la création d’espaces de débats, une véritable citoyenneté active à l’égard du monde agricole et de ce qu’il produit, d’en donner non pas une image mais un réel accès à ses réalités quotidiennes. Et, plus encore, d’élaborer avec nos concitoyens une authentique citoyenneté alimentaire qui fonctionne comme un véritable contrepoint à la grande passivité consumériste sciemment entretenue par la grande distribution, et plus encore par le hard discount, encore une appellation idiote. Littéralement, « fort rabais ». Mais sur quoi exactement, pourquoi et autorisé par qui ? Qui le sait ?

D’autre part, pour savoir quoi faire en collaboration avec le monde paysan, il n’y a pas d’autre solution que de discuter avec lui ! Mais un tel canal d’échanges ne peut pas apparaître comme une simple opportunité, il doit rester ouvert et alimenté en permanence. Il ne s’agit pas de dire aux uns et autres – politiques, consommateurs et paysans – ce qu’ils doivent faire, mais de mettre en place les méthodologies et des dynamiques qui permettront une saine cogestion de la production et de la distribution alimentaires bio et en circuits courts.

L’analyse des dérives du système alimentaire, l’effort de documentation et de concertation au sujet de ces questions qui dérangent les certitudes acquises mais surtout la proposition d’attitudes et de pratiques radicalement différentes et novatrices, tout cela restera, en tout cas, le cœur même de la démarche citoyenne de Nature & Progrès.

 

E- De la place pour les filières délaissées et les diversifications originales

Nourrir est évidemment la mission essentielle de l’agriculture mais elle n’est pas non plus la seule. Une certaine vision de l’efficacité nous a conduits à délaisser, à déclasser tout une série de débouchés qui étaient pourtant riches de sens, aux yeux du paysan en tout cas. Qu’il s’agisse de matériaux de construction fournis par l’agriculture, de la laine, du lin et des innombrables services environnementaux rendus par quelques courageux troupeaux de moutons… La question n’est pas ici de faire l’aumône à quelques filières pittoresques mais bien de les remettre, au centre de nos fermes, comme autant de pratiques qui ont un sens. Et d’admettre surtout que ce sens ne se limite pas ce qui alimente le tiroir-caisse…

Une prise de conscience nouvelle se fait jour autour du textile. Notre « souveraineté textile » est aujourd’hui complètement réduite à néant par la mondialisation ! Il y a donc une véritable opportunité est à saisir pour toute forme de filière textile locale de qualité. Nature & Progrès France impose de plus en plus ses cahiers de charges, en matière de cosmétique biologique, avec d’excellents produits et surtout avec des producteurs très fiers de faire partie de la dynamique ainsi créée…

 

 

Conclusion

C’est une intuition collective, vieille de plusieurs décennies… Les jours de la modernité agricole de l’après-guerre étaient comptés. Son modèle finirait par craquer de lui-même, l’écologie l’avait annoncé, dès les années soixante… Mais les puissances économiques qui avaient investi dans ses pratiques spectaculaires et dévastatrices ne l’entendaient évidemment pas de cette oreille. Elles veulent toujours extraire jusqu’au dernier sou, avant écroulement total…

Sa fin prochaine est, à présent, annoncée. À force d’emplâtres sur la jambe de bois, elle n’est plus qu’un empilement d’emplâtres. Et il n’y a même plus de jambe de bois. Ainsi va le capitalisme qui se dévore lui-même. S’il est éventuellement bio, c’est à son image : collé aux limites que permet le cahier des charges européen et, pour le reste, jaloux d’une rentabilité immodérée prise sur une réputation et des vertus un peu guindées. Rien qui doive concerner la clientèle populaire qui apprécie la simplicité et le roboratif…

Même cette illusion-là aussi a fait son temps. L’accentuation des clivages sociaux, l’aggravation des pollutions en tous genres, la faillite en germe de l’alliance entre agro-industrie et grande distribution amènent le citoyen et ses représentants à s’interroger sur les pistes qui mènent à des solutions locales : ce qui est d’ici avec des gens de chez nous et, forcément, à moindre coût, pour une qualité contrôlable et décidée par nos soins. La bio repointe alors le bout de son nez, elle qui – tout en suivant son développement propre – a su conserver les variétés et les méthodes traditionnelles adaptées à nos terroirs.

Cette bio est la nôtre. Ses propositions sont simples et transparentes. Toutes s’efforcent de rendre à nos concitoyens et à nos représentants la meilleure part possible d’une autonomie alimentaire qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Pour notre santé et celle de la terre !