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05 octobre 2023

Communiqué de presse

Dernière audience au Conseil d’Etat: la saga des néonicotinoïdes touche à sa fin

Après l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE de janvier dernier, une ultime audience a lieu ce jeudi 5 octobre au Conseil d’Etat sur l’affaire des dérogations fournies par la Belgique pour l’utilisation de néonicotinoïdes en betteraves, pesticide hautement toxique pour les abeilles pourtant interdit en 2018 au niveau européen.

Virginie Pissoort, chargée de plaidoyer chez Nature et Progrès indique: « Cette dernière audience annonce l’issue d’une procédure de 5 ans, pour que la Belgique respecte enfin la réglementation européenne en vigueur. En janvier dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne a confirmé notre interprétation, à savoir qu’un pesticide interdit en Europe ne peut recevoir de dérogation, contrairement aux pratiques courantes de l’administration belge ».

Il faut remonter en 2018, lorsque la Commission européenne avait proposé d’interdire 3 insecticides néonicotinoïdes afin de protéger les abeilles. Le Ministre de l’agriculture de l’époque avait alors voté contre l’interdiction, craignant les levées de bouclier du  secteur betteravier plutôt que de protéger nos pollinisateurs et l’entomofaune. Aussitôt l’interdiction décidée au niveau européen, il avait  annoncé qu’une dérogation serait donnée pour maintenir leur utilisation en betteraves. Et, c’est ce qui a été fait, les dérogations se sont même succédées en 2020 et 2021.

Nature et Progrès Belgique, le Pesticide Action Network (PAN) Europe et un apiculteur liégeois ont alors introduit un recours au Conseil d’Etat dès 2019 pour faire annuler cette pratique habituelle de la Belgique, à savoir de donner des dérogations pour un pesticide interdit en Europe. Un recours similaire a été introduit pour les dérogations ultérieures. La confédération belge des betteraviers ainsi que la société SES Vanderhave sont intervenues comme parties tierces dans cette procédure. Cette dernière pratique entre autres l’enrobage de semences avec des néonicotinoïdes qu’elle exporte vers des pays tiers, activité pour laquelle le SPF Santé publique lui a fourni régulièrement des dérogations.

Suite aux arguments soulevés par les associations, le Conseil d’Etat avait envoyé 5 questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’UE afin de préciser les limites du règlement européen sur les pesticides[1]. En janvier 2023, la Cour a conclu[2]  que fournir des dérogations nationales pour l’utilisation d’un pesticide interdit en droit européen pour protéger la santé humaine ou l’environnement était contraire à la loi.

Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe ajoute: « L’impact de notre action a mené à une petite révolution dans tous les pays de l’Union européenne: les insectes, la biodiversité et la santé humaine seront mieux protégés. Il revient maintenant au Conseil d’Etat d’appliquer l’arrêt de la Cour aux 3 recours intentés et d’annuler les dérogations abusives. Quant à l’administration, il lui appartiendra d’appliquer correctement le règlement européen sur les pesticides.

Virginie Pissoort de conclure: ‘Notre action devrait aussi permettre une interdiction de l’exportation de semences enrobées par des néonicotinoïdes vers des pays tiers : ces pratiques s’avérant d’un cynisme total: exporter hors de l’UE ce qui est interdit chez nous ! ».

Ce 5 octobre, après une dernière audience, portant entre autres sur l’exportation vers les pays tiers, l’affaire a été mise en délibération.

[1] En particulier l’article 53 du Règlement (UE) 1107/2009

[2] https://www.pan-europe.info/press-releases/2023/01/eu-court-justice-no-more-derogations-use-bee-toxic-neonicotinoids