Le Réseau Alimentaire Dinant Solidaire (RADiS), initiative portée par Nature & Progrès et la Fondation Cyrys, souhaite favoriser la transition de la région dinantaise vers une alimentation bio et locale. Pour remédier au manque de production de légumes sur le territoire, les animatrices du Réseau ont mis en place une démarche pro-active pour soutenir les installations de maraîchers. Découvrez ainsi le projet d’Anne, citoyenne du territoire, inspiré du Potager de la Hulle, à Profondeville, qui combine maraîchage et solidarité. Nous, on a envie d’y croire ! Et vous ?

Par Sylvie La Spina

 

En ces temps difficiles, où le climat nous interpelle par ses extrêmes, où la guerre fait rage en Ukraine, où la crise économique touche autant les ménages que les petits entrepreneurs et artisans, où nous nous remettons à peine d’une pandémie qui en appellera sans doute d’autres… Nous avons besoin d’imaginer et de construire ensemble un avenir différent, et de reprendre le contrôle sur cet avenir. Seuls, nous nous sentons parfois démunis. Ensemble, nous pouvons échanger, partager, construire, agir ! C’est en partant de ce constat et de l’envie d’aller de l’avant qu’Anne a imaginé un projet : le Potager des liens. Créer du lien, c’est l’axe central de son rêve. Créer un embryon de tiers-lieu dans lequel s’incarne la volonté d’une communauté de citoyens d’aller vers un monde meilleur.

Le lieu ? Une terre idéalement gérée par un pouvoir ou un opérateur public et mise à disposition du projet. Il est plus que symboliquement important que cette terre soit commune pour sortir de la responsabilité individuelle. Une parcelle d’un demi à un hectare permettant de tisser des liens avec les autres et avec la terre, de façonner ensemble un écosystème riche de biodiversité et de partage. Un projet tourné vers l’autonomie alimentaire locale, base d’un futur plus résilient. Un projet qui nous réapprendrait à redevenir terrien, pilier d’un demain plus heureux.

 

Anne, emmène-nous dans ton rêve !

Venez, venez, entrez dans le potager ! Attention, c’est fort, c’est un concentré de magie de la vie terrestre. Vous les voyez ces légumes ? Des petits, des gros, des qui rampent, des qui grimpent, des verts, des mauves, des rouges… Et ici, juste à côté, une mare, apaisante pour le cœur et l’esprit, animée par les balais des libellules, le coassement des grenouilles et les cancanements joyeux des canards coureurs indiens. Des haies mélangeant les essences indigènes, servant d’abri et de garde-manger aux insectes, oiseaux et petits mammifères. On entend déjà d’ici les pépiements, gazouillis et stridulations de ses habitants ! Dans le verger hautes-tiges, des fleurs bourdonnantes d’abeilles au printemps, un bar convivial proposant tisanes, jus de fruits et de légumes en été, et des fruits en automne, récoltés par les habitants du quartier qui partageront ensuite un atelier sur la conservation. Et dans le jardin des simples, un assortiment de plantes médicinales, aromatiques et sauvages, véritable vitrine de la biodiversité et de l’usage potentiel des plantes dans la vie de tous les jours. Un endroit dédié à la nature, où l’on se sent bien.

Anne aimerait continuer ses activités dans le maraîchage. Mais pas n’importe comment. La priorité, c’est le respect de la terre, en favorisant un travail superficiel et en nourrissant le sol. Les pesticides sont bannis et ce, sans grand regret vu leur inutilité dans un écosystème diversifié, riche d’auxiliaires naturels tels que les coccinelles, les petites guêpes, les carabes, les mésanges, les hérissons, etc. Les cultures seraient destinées à alimenter les cantines scolaires via les potages développés par le Réseau RADiS, mais aussi à la confection de paniers à destination du voisinage.

 

Maraichère… mais pas seule !

Le Potager des liens se veut être un endroit de partage accueillant des stagiaires en formation, des personnes en réinsertion socio-professionnelle, des citoyens volontaires… Idéalement, deux maraichers et un travailleur social seraient dédiés à la gestion du lieu et aux cultures.

Les ateliers du savoir-faire proposeraient des échanges favorisant l’autonomie de chacun : faire ses conserves et ses tisanes, cultiver son potager, connaitre et utiliser les plantes sauvages, accueillir et préserver la biodiversité… Des savoirs que l’on n’apprend – malheureusement ! – plus à l’école et qui sont pourtant les clés de la résilience.

Quand on imagine le projet d’Anne, on se sent… admiratif, revigoré, enthousiaste, serein pour l’avenir ! Oui, ce rêve, il faut le réaliser. Quels sont donc les ingrédients manquants ? D’abord, le lieu. Outre la rencontre des pouvoirs publics locaux de la région dinantaise, un projet de cartographie au service de la transition alimentaire, initié par le Bureau Economique Provincial (BEP) en collaboration avec Terre-en-Vue, pourrait apporter des solutions. Ensuite, le financement. Un tel projet nécessite beaucoup de temps et d’énergie pour être pensé et créé de manière participative avec les citoyens, structures sociales et autres acteurs du territoire. L’aménagement du site devrait également être soutenu, par des aides publiques ou privées. Un dossier a été introduit au futur GAL Haute-Meuse pour inclure le projet dans ses activités. Nous croisons les doigts !

 

Le potager de la Hulle à Profondeville, source d’inspiration

Le CPAS de Profondeville a mis en place le Potager de la Hulle, en 2006. A cette époque, c’est la confection de paniers de légumes à destination des citoyens qui était visée, avec une réduction de prix pour les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale. Devant le faible succès de l’initiative malgré des tarifs dérisoires, les activités ont été réorientées, en 2014, vers un autre objectif : fournir les cantines scolaires communales. Le terrain cultivé – vingt ares -, un verger et une parcelle où sont élevés des animaux, sont mis à disposition par la commune.

Aujourd’hui, le potager de la Hulle dispose d’un agrément en économie sociale. Il est intégré au service d’insertion socio-professionnelle du CPAS et poursuit trois objectifs : la culture de légumes à destination des écoles, l’éducation grâce à des ateliers didactiques – notamment pour les élèves – et la réinsertion grâce à l’emploi, en continu, d’un ou de deux ouvriers sous statut Article 60. L’équipe du potager de la Hulle est constituée d’un maraîcher-éducateur et d’un maraîcher-animateur.

Les quatre-vingt-cinq mille euros annuels nécessaires – dont quatre-vingt mille euros de salaires et cinq mille de matériel – sont financés par le CPAS, en prenant en compte la plus-value de la fourniture des légumes. Ces derniers vont en priorité aux quatre écoles communales et alimentent les colis alimentaires du CPAS et de Saint-Vincent de Paul. Cette fourniture n’est pas chiffrée, les légumes n’étant pas vendus pour réduire la charge administrative. Le CPAS répond aussi régulièrement à des appels à projets.

« Nous sommes sûrs, nous disait-on à La Hulle il y a quelques années, que la différence, en termes de goût et de fraîcheur, entre nos légumes et ceux qu’on trouve habituellement sur le marché, est reconnue et appréciée. Le projet doit aussi permettre de profiter de la proximité du jardin pour ouvrir l’esprit des enfants et stimuler leurs papilles gustatives… Un simple exemple : ils apprécient nos tomates mais à condition qu’elles soient bien rouges, alors que nous pourrions planter des Green Zebra et des Noires de Crimée… Là où des couleurs, des formes et des goûts très différents pourraient éveiller la curiosité des enfants, surgit souvent la crainte qu’ils ne mangent pas ce qu’on leur prépare… Mais la solution n’est-elle pas dans le problème ? Au lieu de laisser naître une peur et de la transmettre aux enfants, ne faut-il pas justement valoriser ce que nous leur donnons à manger, notamment en leur permettant d' »apprivoiser » le vivant, de s’approprier le potager et son fonctionnement ? » Une vraie leçon de vie à méditer !

 

Des initiatives à soutenir !

Concilier maraîchage et lien social, c’est un idéal que Nature & Progrès et la Fondation Cyrys souhaitent défendre et développer en région dinantaise. Les besoins sont présents ! À peine quelques pourcents des besoins en légumes du territoire sont couverts par les producteurs locaux. Par ailleurs, la fourniture en potage des écoles, par le Réseau RADiS, prend son envol, avec une multiplication par cinq des volumes à produire, dès le mois de septembre prochain ! Et donc, cinq fois plus de légumes bio locaux nécessaires pour les préparer… Un magnifique défi pour notre Réseau et une opportunité pour le développement du maraichage ! Dans le cadre du Réseau RADiS, Sandra, notre chargée de mission « alimentation solidaire », engage une démarche auprès des communes pour leur présenter le modèle du maraîchage d’insertion et proposer un accompagnement à la mise en œuvre.