Nature & Progrès est une association reconnue dans le cadre du Décret relatif à l’éducation permanente ? De quoi s’agit-il ? Simplement de permettre à ses adhérents d’exercer pleinement leur citoyenneté dans le cadre des thématiques où l’association est active…

Mais encore ? De donner les moyens à ces adhérents de bien comprendre ce qui se joue à l’intérieur de ces limites, d’en parler, d’en débattre et d’exprimer démocratiquement un avis…

Toutefois, cette reconnaissance nous impose, de cinq en cinq ans, un grand exercice d’auto-évaluation dont voici de larges extraits : une demi-douzaine de réponses apportées, avec le concours de bénévoles de notre association, aux questions posées à cette occasion… De quoi relancer un nouveau cycle de réflexions et de discussions…

Synthèse réalisée par Dominique Parizel

Comment l’environnement de Nature & Progrès a-t-il évolué durant les cinq dernières années ?

L’avis de Nature & Progrès

L’attitude globale de nos concitoyens face au monde dans lequel ils vivent change rapidement. Porteurs de nouvelles préoccupations fortes, ils interpellent beaucoup plus le monde de l’éducation permanente et exigent des réponses crédibles. Ce constat a une double conséquence : d’une part, une prise de conscience accrue de notre utilité publique lorsque l’expertise dont nous sommes porteurs est en mesure de convaincre et, d’autre part, notre propre attitude qui évolue sous cette pression qui et devient de plus en plus dérangeante pour ceux qui sont investis du pouvoir économique et politique. Conclusion logique : ce pouvoir et ses représentants cherchent aujourd’hui manifestement à « nous calmer » ! Plus largement, Nature & Progrès a pu constater, ces cinq dernières années, une accélération importante du questionnement de la population, en général, reflet des marches des jeunes pour le climat, des manifestations des « gilets jaunes », de la crise des migrants, des diverses poussées populistes, des risques de délitement du projet européen à la suite du Brexit, etc. Nous sommes également témoins d’un intérêt croissant pour les problématiques environnementales dont nous voulons pour preuve la percée, dans notre pays et ailleurs en Europe, des revendications environnementales, lors des dernières élections. Face à la crise écologique globale, chacun entend, à présent, passer à l’action mais pareille accélération fait croître aussi le risque d’erreurs et de prises de décisions qui ne tiennent pas compte des expériences et des acquis. Nature & Progrès regrette, par exemple, le côté trop éparpillé des initiatives des « ceintures alimentaires » qui ne sont pas toujours une conséquence logique de l’expérience locale en matière agricole et alimentaire… Des voix s’élèvent aussi, au sein même de notre association, pour que nous cherchions à sortir, purement et simplement, l’agriculture du marché global. Ceci réunirait nos options déjà prises, en matière de décroissance notamment, à notre volonté fondamentale de protéger des appétits financiers les sols de nos régions et le patrimoine génétique de nos semences. Ceci garantirait un approvisionnement local de qualité à nos populations ; des « zones protégées », réservées à la sécurité alimentaire, ainsi érigées en biens communs, joueraient également un rôle salvateur en termes de gestion de l’eau et de la biodiversité, et d’émissions de gaz à effet de serre…

Sous la pression populaire, notre thématique intitulée « résistance citoyenne face à l’appropriation privée du vivant cultivé et naturel » a, par exemple, des effets beaucoup plus larges que ce que l’on produit strictement dans un potager. Comprenant les droits environnementaux, le pouvoir d’agir dans et par la pratique, cette thématique illustre et revendique le fait que semer et jardiner sont véritablement devenus des actes politiques, tant ce droit culturel essentiel à la survie est aujourd’hui menacé par un nouveau nivellement né de la mondialisation, en matière de semences notamment. La question climatique, en tant que telle, commence à apparaître concrètement, dans le cadre de la pratique du jardinage, notamment en ce qui concerne la gestion de l’eau… Nature & Progrès est donc, de plus en plus souvent, interpellée par ses membres sur la dimension économique du jardin ; sa place croissante dans le budget familial est clairement une évolution de ces dernières années, opposant le hobby onéreux de qui s’y consacre en dilettante à l’indispensable autonomie familiale en légumes, fleurs, tisanes et fruits. De plus, l’autoproduction est une façon de revendiquer un sentiment de liberté car l’auto-producteur choisit ce qu’il cultive et n’est pas dépendant de l’illusion de liberté que lui impose le supermarché et ses différentes gammes. De nouveaux réflexes de consommation apparaissent, suite notamment aux formations de jardinage dispensées par Nature & Progrès : « on regarde ce qui reste dans le frigo et dans le jardin avant de faire les courses« , dit ainsi une participante. Loin d’être exclusivement l’énoncé de pratiques et de conseils d’ordre technique, notre action reprise sous le terme générique de « jardinage » produit donc un véritable « effet rebond » sur la consommation qui libère de l’emprise du marché, basé sur la stimulation de l’envie d’achat permettant la « réalisation » du consommateur par son action économique. Notre action, répond au contraire à une demande de décroissance, en donnant de véritables recettes applicables au quotidien …

Une capacité nouvelle développée par notre association – et reconnue, semble-t-il, par ceux et celles qui la sollicitent – est aussi celle de repérer, dans le cadre exclusif de nos thématiques, le mouvement social qui se fait jour… Pareil mouvement se distingue de la visée individuelle en ce sens qu’il privilégie toujours les aspects humains et environnementaux, au détriment des nécessités économiques – celles du capitalisme ! – qui ramènent tout à l’individu uniquement motivé par le profit. Or l’harmonie se trouve dans la résolution des besoins collectifs plus que dans la satisfaction des besoins individuels… Dans ce cadre, notre rôle est donc de constater, aussitôt que possible, l’apparition de tels mouvements, d’interpeller qui de droit à leur sujet, de mettre largement en débat et d’expliquer dans la population – ou, en tout cas, auprès des publics qui nous sont proches – les questions qu’ils soulèvent, d’apporter notre caution aux actions qui vont dans le sens d’une meilleure diffusion et d’une meilleure compréhension des messages et des interrogations dont ils sont porteurs… Constatons que la « dispersion » de nos groupes locaux sur l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles est un atout à cet égard, les membres de ces différents groupes étant très attentifs aux initiatives développées localement, ou directement sollicités par elles…

Les visées de Nature & Progrès peuvent donc se résumer en un accroissement de la résilience, individuelle et collective, et dans les moyens mis en œuvre pour y parvenir, en une capacité à faire vivre et évoluer les questions liées à nos thématiques auprès d’un public auquel nous savons nous adapter pour le sortir de son individualisme, de son court-termisme et de ses monomanies obsessionnelles. Concernant les manifestations des jeunes pour le climat, par exemple, comment transformer en une véritable démarche collective la somme des ressentis individuels ? Comment faire de ces rassemblements un mouvement d’où les propositions – les solutions ? – émergent du collectif ? Et cela, même si la notion de collectif semble, elle-même, en perpétuelle évolution : du village « où on faisait de la politique uniquement le dimanche après la messe » à la tribu de jeunes en dreadlocks où la mobilité semble sans limite et le débat principalement situé sur les réseaux sociaux… L’individuel ne s’oppose toutefois pas forcément au collectif : ce n’est pas parce que le premier augmente que le second ne connaît pas un développement propre, répondant à des nécessités spécifiques.

Décrivez brièvement le fonctionnement démocratique de Nature & Progrès.

L’avis de Nature & Progrès

Organisée sous la forme associative classique, Nature & Progrès est donc gouvernée par un Conseil d’administration qui reçoit sa légitimité d’une Assemblée générale des membres. Divers commissions et comités, pilotés par des permanents et contrôlés par le Conseil d’administration, permettent également d’associer plus largement les bénévoles à des travaux d’orientation politique sur un sujet donné – producteurs, écobioconstruction, santé… – ou à la mise en place technique de travaux ou d’organisation – revue, salon Valériane, etc. Notre Conseil des locales permet aussi l’expression plus large de préoccupations originales débattues au sein des groupes locaux, car le travail de ces groupes est prépondérant au sein de notre association et la volonté de donner, autant que faire se peut, la parole à nos membres est un souci constant. Le travail des bénévoles est également sans cesse « recroisé » avec celui de l’équipe des permanents dans un souci d’ouverture maximal de la structure et d’écoute attentive du public. La « mise à plat » complète de notre travail, à l’occasion de nos Etats Généraux est également une caractéristique importante de Nature & Progrès qui mérite d’être soulignée. Ces Etats Généraux permettent une réflexion approfondie qui doit amener à préciser le positionnement de l’association.

D’un point de vue méthodologique, le fonctionnement cher à Nature & Progrès – voir, juger, agir – est spécifique à l’éducation permanente, raison pour laquelle il n’y a qu’à l’aide d’un tel mode d’action qu’il semble possible de faire avancer les problématiques que nous abordons…

– « Voir« , d’abord, est essentiel et nous apportons, pour chaque sujet traité, l’information la plus objective et la plus complète possible, élaborée principalement grâce à la collaboration d’acteurs qui connaissent bien le terrain. Dans le secteur agricole, par exemple, cette information s’élabore via des visites de fermes et des rencontres avec des producteurs. Il est indispensable, à nos yeux, de partager tous les enjeux d’une même problématique afin d’être en mesure de proposer des solutions efficaces et adaptées. Lorsque des membres nous ont interpellés sur leur droit de revendiquer le libre choix d’une alimentation issue d’animaux nourris sans OGM, il est apparu nécessaire d’organiser un colloque international pour s’informer, apprendre, connaître et être à même d’émettre un jugement pertinent, en toute connaissance de cause…

– « Juger« , ensuite, se fait par le biais de rencontres entre toutes les parties prenantes de la question abordée, sur base de plans d’action précis et partout en Wallonie et à Bruxelles, afin de dégager un maximum de pistes concrètes et réalisables. Une plus grande collaboration et une meilleure connaissance des questions est la meilleure garantie contre la répétition de stéréotypes. Il ne s’agit pas de développer un « orgueil de la connaissance » mais d’évoluer vers les solutions complexes les plus adaptées, dans l’intérêt général, à un moment et un espace donné. Débats et conclusions sont toujours publics ; tout est « open source » dans l’éducation permanente. Pour aboutir à un positionnement représentatif, des rencontres sont organisées au sein de nos groupes locaux mais également par eux, à destination d’un public plus large, certaines activités nécessitant des collaborations. Les conclusions de toutes ces rencontres sont partagées, le cas échéant, par publication d’analyses ou par l’animation de nos réseaux sociaux.

– « Agir« , enfin, se fait par la publication des conclusions de toutes ces rencontres par voie de presse et par l’organisation de colloques revendicatifs mais aussi par celle de rencontres où les citoyens présentent publiquement, aux responsables politiques et administratifs, des pistes permettant d’évoluer vers un plus grand respect de l’homme et de l’environnement. Pour le secteur agricole, il s’agira d’une prospérité accrue pour les agriculteurs et d’une alimentation de qualité optimale pour les Wallons et les Bruxellois. Nous veillons, par exemple, à rappeler à certains responsables politiques, que les droits des citoyens ne sont pas forcément en rapport avec leurs besoins, réels ou supposés… La question de l’habitat léger fit, par exemple, l’objet d’une « table ronde », à l’occasion de notre salon 2019, avant d’être prise en charge par bon nombre de nos groupes locaux, avec l’ambition de poser la question des conditions d’installation de ces nouveaux types d’habitats au niveau communal…

Présentez quelques projets montrant le rôle social de Nature & Progrès, en relation avec le Décret sur l’éducation permanente

L’avis de Nature & Progrès

Premier exemple :

Les activités liées au pain ont traversé et animé ces dernières années. Leur objectif était de questionner la qualité de notre alimentation à travers la fabrication d’un de ses éléments centraux. Rares sont les consommateurs qui sont indifférents au pain qu’ils mangent et beaucoup de d’entre eux constatent qu’il ne les satisfait plus. Il semblait donc important que tous ceux qui ont fait du pain la base de leur alimentation quotidienne sachent évaluer si la qualité est vraiment à la hauteur de leurs attentes, et si non pourquoi ?

Nous nous sommes efforcés de partir du simple intérêt du consommateur pour le goût de son pain afin de faire naître, chez lui, un intérêt pour le processus de fabrication et les différents enjeux qui y sont liés. Cet intérêt fut orienté vers la farine et vers une curiosité nouvelle pour la fabrication artisanale « maison ». Plus largement, le travail sur le processus de fabrication permit de faire apparaître ses différentes étapes, en questionnant tour à tour l’agriculteur, le meunier et le boulanger. Tous les trois sont soumis aux diktats du marché, en termes de prix mais surtout en termes de liberté d’action, de contraintes industrielles d’ordre sanitaire, par exemple. Le pain qui était autrefois le fruit de cultures locales est ainsi devenu un produit homogène, standardisé, et il n’est pas anodin de noter qu’en situation d’insécurité – durant le confinement, par exemple – de nombreux citoyens, en quête de sens, se remettent à faire du pain… La complémentarité entre l’information, les visites, les débats, les conférences, les analyses et les études, etc. révèle un ensemble de relations interpersonnelles permettant une large réflexion sur la filière de fabrication réelle du pain que nous mangeons. Cette prise de conscience collective oriente alors le changement, par l’addition de toutes les petites choses que chacun va réaliser dans la situation qui lui est propre. Le cycle reprend alors vie car, à de nouvelles demandes, répondent de nouvelles propositions d’action qui, elles-mêmes, vont modifier la capacité d’action du consommateur. Nous sortons de la passivité ceux et celles qui se contentent de ce qu’on leur donne à manger, comme de petits oiseaux…

Cette vie nouvelle du cycle du pain est une garantie de qualité à tous les niveaux. La nature même des céréales utilisées et la diversité des processus qui mènent à la réalisation de pains sont constitutifs de cette qualité. Chaque acteur de la filière doit pouvoir dégager, à son niveau, les principales raisons qui l’amènent à faire ses propres déductions, mais il faut surtout que l’analyse des dysfonctionnements puisse le conduire vers des pistes d’amélioration. Ce qui est alors pointé du doigt n’est généralement pas de l’ordre de la simple denrée ou du détail de la recette mais engendre, plus globalement, de nouvelles questions liées à une perte d’autonomie, à une désappropriation généralisée, à une perte de souveraineté par rapport à son propre rôle, à sa propre action. Les personnes concernées avaient beaucoup de mal à en situer l’origine, et ce simple constat fut alors souvent une véritable découverte, un véritable choc. La prise de conscience du consommateur de son incapacité à choisir et à agir vraiment, par lui-même, lui saute soudain aux yeux, et est parfois difficilement supportable. Le ressenti est alors celui d’une spoliation dont il est la victime et son aspiration est de retrouver rapidement les moyens d’action qui le rétablissent dans un droit important dans sa vie. Car chacun doit avoir le droit de choisir librement son alimentation ! Le « château de cartes » des conscientisations liées aux diverses réappropriations peut aller jusqu’à une remise en question fondamentale qui voit la personne repenser globalement ses conditions de vie, en s’interrogeant sur son propre temps, sa propre existence…

Un tel bouleversement n’est pas le seul apanage de celui ou celle qui consomme, en fin de chaîne, mais peut également concerner producteurs et transformateurs : le déclic qualitatif concerne, par exemple, des fermiers qui produisent de la céréale pour le bétail et qui fabriquent ensuite leur propre céréale panifiable dont ils font une activité complémentaire à l’élevage. Le « saut qualitatif » réside alors dans une maîtrise complète de la filière qui permet une meilleure compréhension, une meilleure valorisation du travail agricole. Il ne s’agit plus d’être un simple maillon d’une chaîne de production industrielle mais l’acteur d’un cycle ouvert qui se nourrit et se transforme en permanence de la relation directe avec celui qui, en fin de compte, mange ce qui est produit. Et le cycle vertueux ne s’arrête pas là puisque la recherche agronomique est naturellement amenée à s’interroger sur l’amélioration des variétés qu’elle pourra offrir dans le cadre de cette relation nouvelle entre producteurs et consommateurs.

On mesure ici tout l’intérêt qu’il y a à ne pas envisager pareilles questions du seul point de vue des acteurs économiques. La quête de la qualité – qui oriente toujours la démarche du citoyen bien informé – s’oppose toujours à la volonté de conquête des marchés et à la tentation de l’hégémonie économique. Tout simplement parce que le simple citoyen aspire à une consommation à taille humaine, au travers de circuits économiques qui lui demeurent lisibles. Le changement de société, induit essentiellement par les formes d’action citoyenne prescrites dans le cadre de l’éducation permanente, évolue donc dans le sens d’une amélioration de la qualité de vie du citoyen ordinaire, d’une amélioration de sa santé par le biais de sa consommation et de son alimentation. Cette réappropriation de choix simples et communs, vécue comme un droit élémentaire et fondamental, s’apparente aujourd’hui à une nette opposition au monde capitaliste qui prétend tout avoir et tout savoir, tout pouvoir fournir à celui qui est en mesure de mettre le prix. Le citoyen lambda remet aujourd’hui clairement en question ce mode de fonctionnement, dans la mesure où il entend conserver le droit de dire, lui-même, ce qui fonde son bien-être et la normalité de son existence.

Deuxième exemple :

L’habitat léger induit également, chez Nature & Progrès, une profonde réflexion de nature politique. Dans ce cadre nouveau où Nature & Progrès a fait le choix de s’investir, il s’agit d’appuyer la démarche citoyenne de tous ceux qui s’engagent afin d’apporter des solutions originales à la crise du logement. Comment ? En se rapprochant de la nature et en évitant la dépendance vis-à-vis d’endettements pour la vie… Nature & Progrès a cherché à valoriser ses compétences acquises en matière d’écobioconstruction par la collaboration avec des acteurs porteurs de savoirs très complexes, telles que les politiques en matière d’urbanisme et d’occupation du territoire… Nous avons également apporté notre savoir-faire en matière d’animation dont ces acteurs furent rapidement demandeurs afin d’ouvrir des espaces concrets, pour les simples citoyens, à la suite d’importantes modifications d’ordre législatif. Parmi eux, certains de nos membres étaient, par exemple, soucieux que nous interpellions les pouvoirs communaux afin de collaborer à la mise en œuvre de nouveaux cadres de vie offrant de nouvelles possibilités à cet habitat différent… Un élargissement de la réflexion, une mise en application sur le terrain des droits nouveaux qui venaient d’être acquis en matière d’habitat léger ont donc eu lieu en réponse à la sollicitation expresse d’un public déjà attentif à notre action en matière de construction écologique. Ils rencontrèrent aussi l’intérêt de communes qui ne disposaient pas des ressources suffisantes pour les mettre en œuvre de leur propre initiative… D’une matière plus générale, le cadre participatif ainsi redéfini permet aussi la diffusion d’une information fraîche et vérifiée en direction de toute personne concernée par les questions d’habitat, en Wallonie et à Bruxelles. Que du win-win pour tout le monde, en somme…

Troisième exemple :

Dans le cadre de la campagne globale intitulée « Vers une Wallonie sans pesticides » qui s’attache à montrer l’efficacité des alternatives agricoles à l’emploi insensé des pesticides, nous avons cherché à mettre en œuvre l’apport spécifique de la démarche prescrite par l’éducation permanente à travers une action appelée Plan Bee qui peut apparaître, à première vue, comme une recherche purement technique permettant de remplacer, dans un cadre agricole, un sucre de betterave par un sucre d’abeilles. Dans sa démarche citoyenne, Nature & Progrès s’est immédiatement orientée vers des choix qualitatifs, tels que nous les décrivions dans le cas du pain : qualité alimentaire pour le consommateur, sauvegarde des pollinisateurs et qualité de l’environnement, sauvegarde d’une agriculture à taille humaine et de la qualité de vie de tous ceux qui la font, intérêt majeur des activités de diversification annexes, comme la production de semences de plantes sauvages ou la valorisation de sous-produits de plantes mellifères… Cette action est née de l’interpellation de citoyens outrés par le peu de réactions face au déclin catastrophique de la biodiversité, en termes de fleurs et d’insectes, mais aussi de leur envie d’être de véritables acteurs de changement dans la façon de produire nos aliments. Bien sûr, nous nous sommes aussi intéressés à la viabilité économique d’un tel projet mais elle ne constitue ni un préalable à la recherche menée, ni un critère d’évaluation prioritaire. Inscrire une telle démarche dans un cadre d’éducation permanente – nombreux sont, hélas, ceux qui s’en étonneront encore ! – nous paraît donc essentiel et légitime. Nous en voulons pour preuve le seul fait qu’à ce jour aucun acteur économique n’a encore songé à effectuer pareille recherche…

Le « Plan Bee » est un projet expérimental qui s’appuie sur une logique d’avenir : remplacer la sucrerie industrielle grande consommatrice de pétrole par le travail des abeilles qui font tout ce qui est nécessaire pour assurer le bien-être des humains… La mondialisation du sucre à bas coût n’a-t-elle pas favorisé la consommation à outrance d’un sucre de piètre qualité, avec toutes les conséquences funestes qui sont maintenant évidentes en termes de santé publique ? En mettant simplement en pratique quelques suggestions formulées par Fabrice de Bellefroid, bénévole de notre association, dans son ouvrage intitulé « Deux ou trois ruches dans mon jardin« , Nature & Progrès a allié un travail essentiel en faveur de la biodiversité à une expérience de diversification agricole concernant l’autonomie sucrière. Voilà le genre de synergie simple qui œuvre vraiment dans le sens du bien-être de nos concitoyens et de l’autonomie de nos agriculteurs. Et que les pouvoirs publics devraient, par conséquent, soutenir plutôt que de perdre leur âme dans l’illusoire lutte sans fin pour la conquête de marchés extérieurs…

De quelle manière Nature & Progrès défend-elle nos droits fondamentaux - économiques, sociaux, culturels, environnementaux, civils ou politiques ?

L’avis de Nature & Progrès

La demande en farine bio a fortement grandi lors du confinement lié à la pandémie de coronavirus. Or, depuis 1830, la Belgique est un pays importateur de céréales panifiables et ce fait peu connu – nous produisons énormément de céréales réputées « non panifiables »… pour l’alimentation animale ! – est de nature à occasionner une dépendance qui serait intenable en cas de crise très grave. Un peu comme les masques made in China… Produit de première nécessité, le pain doit, par conséquent, devenir un élément central dans toute forme de réflexion liée au développement de l’autonomie populaire. D’une manière générale, Nature & Progrès cherchera donc à créer les structures participatives les plus ouvertes possible concernant de telles questions vitales, la bouée de sauvetage du vital semblant résider de plus en plus dans le local, dans les solutions culturelles et culturales de proximité… L’éducation permanente, en tant qu’outil indispensable à notre vie démocratique, doit donc être la chambre d’écho de telles questions susceptibles d’affecter la vie populaire, en permettant d’interpeller d’autres partenaires sur les questions connexes où ils sont plus spécialisés, d’associer, sur les modes d’actions choisis, tous ceux qui souhaitent y jouer un rôle. Nature & Progrès veut se garder de faire endosser par autrui la responsabilité des problèmes abordés mais toujours s’efforcer d’en prendre sa part afin que, par « effet de bord », tous les acteurs de la société assument ensemble une authentique responsabilité collective. Il semble nécessaire d’avoir en permanence ce souci à l’esprit afin de permettre de réelles possibilités de changement.

– Droit à la participation

Quelle que soit la thématique abordée, Nature & Progrès s’efforce met toujours en avant le droit de chacun à la participation, les aspects techniques des différentes questions ne devant apparaître que comme autant de conditions à maîtriser dans la validation de ce droit. L’être humain a, en tout cas, celui de pourvoir lui-même à ses propres besoins de base ou, à tout le moins, d’être un acteur-clé dans la réponse qu’il faut y apporter. Il s’agit là, à nos yeux, d’un droit culturel humain fondamental. Or la dégradation du climat et de la biodiversité – mais aussi bon nombre de politiques industrielles et agricoles axées sur le profit – sont évidemment de graves entraves à la pleine jouissance de ce droit. La crise actuelle démontre combien la rapidité de déplacement des personnes et des biens, mais également la volonté obsessionnelle de faire tourner toujours plus rapidement une machine industrielle à bout de souffle, sont autant de menaces sérieuses pour la survie de nos sociétés. La crise écologique et climatique globale, l’érosion dramatique de la biodiversité, l’obsession nucléaire et, à présent, le risque pandémique planétaire sont autant de signaux d’alarme qui ne pourront pas être ignorés plus longtemps au seul nom d’intérêts économiques particuliers. L’accroissement des inégalités a atteint de telles proportions que la « reconstruction du monde d’après le Covid-19« , pour ne l’envisager qu’à travers l’angle sanitaire de la crise, ne pourra plus être confiée à un quelconque pouvoir oligarchique mais devra intégrer, de manière crédible, l’ensemble de la société, l’ensemble de l’humanité. Faute de quoi une instabilité politique inédite pourrait être à craindre, et à prévoir…

– Protection sociale

Le droit à la protection sociale se repose avec force dans le cadre de la crise que nous traversons qui met en lumière la nécessité de relocaliser, voire de renationaliser, les industries stratégiques. L’exemple fâcheux de la gestion des stocks de masques remet crûment sur la table la question de nos priorités industrielles mais aussi celles de la maîtrise démocratique du savoir et du savoir-faire. Autant de questions où le citoyen doit exercer ses droits qui empêcheront que l’humain soit considéré comme un simple maillon de chaînes d’intérêts industriels et financiers. Il doit donc pouvoir contrôler, en permanence, tout ce qui relève de l’intérêt général mais il faut surtout que ceux qui sont désignés pour nous gouverner soient davantage élus sur leur sens de l’anticipation. Gouverner, c’est prévoir !

Et, au risque de paraître insistants, soulignons que, là encore, nos membres ont toujours fait les bons choix. Qu’est-ce qui a toujours guidé leurs choix en matière d’habitat ? Le respect de l’environnement – pas de matériaux polluants -, le respect de l’humain – l’accessibilité de tous à un logement de qualité – et droit à la liberté de choix et à l’autonomie – chantiers participatifs et auto-construction… L’actualité leur donne, une fois de plus, raison puisqu’en réaction à la crise, on sollicite les simples couturières là où les politiques sont défaillants… Bien sûr, autonomie ne signifie pas isolement, raison pour laquelle Nature & Progrès revendique que nos entreprises prennent la forme de coopératives. Depuis plus de quarante ans, les membres de notre association trouvent leur autonomie en mettant en place des groupements d’achats solidaires, pour leurs biens de consommation, et des chantiers participatifs, pour leurs habitats. Il est donc normal qu’ils réclament aujourd’hui une société moins hiérarchisée et plus coopérative. Ce point, qui a été revendiqué lors de la formation du nouveau gouvernement wallon, est maintenant inscrit dans la Déclaration de Politique Régionale

De quel point de vue critique Nature & Progrès est-elle porteuse sur la société ?

L’avis de Nature & Progrès

Nous mesurons, dans les circonstances actuelles de pandémie mondiale, combien il est intéressant d’être subventionnés pour tirer, dans la mesure des compétences qui sont les nôtres, des enseignements généraux au niveau de la marche de la société et mettre en place les lieux de résonnance de la revendication citoyenne. Participer au mouvement général et à la démarche spécifique de l’éducation permanente nous permet de rester perpétuellement en questionnement et de ne pas nous contenter de constats et de réponses stéréotypés. Nous devons, au contraire, avoir la volonté constante d’aller bien au-delà de notre seule capacité à réaliser telle ou telle action afin de mettre en lumière une pensée, une option générale sur le monde qui donne toute sa raison d’être à cette action et amène, en fin de compte, le public à y adhérer. Sans le travail de Nature & Progrès, il serait toujours possible de choisir entre solutions spécifiques à des problèmes précis mais aucune recherche de sens ne serait jamais proposée par rapport à la globalité du système alimentaire, par exemple.

Tout ce qui nous force à nous questionner afin de nous adapter est intéressant aux yeux de Nature & Progrès dont le positionnement institutionnel évite ainsi de rester figer dans une posture qui n’évoluerait pas. Nos membres actifs confirment l’utilité d’une pareille attitude par les envies qu’ils expriment, formulant rarement vis-à-vis de l’association des demandes d’ordre purement technique mais concernant plutôt une forme de participation à la vie politique. Ils souhaitent savoir où se situent vraiment leurs droits et nous voir élaborer des cadres de revendications les concernant lorsqu’ils ne sont pas respectés. Notre spécificité, dans les limites des thématiques qui sont les nôtres, consiste donc à sensibiliser aux problématiques sociétales nouvelles et à baliser, à ce sujet, les possibilités d’action qui ont pour but la défense des droits du citoyen dont font souvent peu de cas les acteurs économiques. Il s’agit, en somme, d’aboutir à une forme de résilience démocratique.

Nature & Progrès déplore donc, dans cet ordre d’idées, le refus de la Région Wallonne de continuer à soutenir son projet « Echangeons sur notre agriculture » qui fut élaboré au départ de rencontres entre consommateurs, d’une part, et producteurs et transformateurs de notre alimentation – agriculteurs, boulangers, fromagers… -, d’autre part, afin de donner à tous les outils de réflexion permettant d’interpeller nos dirigeants en matière de politique agricole et alimentaire… Nous devons constater que la Région se borne à chercher des outils directs et pratiques pour aider l’agriculture wallonne dans son effort de subsistance mais ne semble pas prête à remettre en question le modèle dominant qui a pourtant maintes fois montré ses limites. Mais n’est-il pas normal, justement, qu’un tel système repousse une action voulue par des citoyens en recherche de liberté et d’autonomie, et que permet la structuration de notre association ? N’est-ce pas la preuve éclatante de l’archaïsme du système agricole dominant, en Wallonie ? Or des possibilités de changement existent – et elle feint de l’ignorer ! – qui sont susceptibles d’apporter plus de bénéfices que de pertes, et sa grave incapacité à les considérer traduit certainement un manque d’écoute de la base agricole. Voilà précisément un des écueils que le prescrit de l’Education Permanente permet d’éviter. Plutôt que de se contenter d’une simple évaluation technique des résultats obtenus, un tel mécompte doit être de nature à renforcer notre aptitude à émettre des points de vue critiques sur la façon dont sont gérés et organisés nos « communs ». Ne nous y trompons pas : l’attitude ici décrite est celle qui est favorable aux milieux économiques dont elle émane. Pas au citoyen ordinaire, jamais ! Systématiser les démarches proposées par ces acteurs est aujourd’hui intenable car elles ne sont, tout simplement, pas durables. La crise du coronavirus démontre, d’une manière très générale, qu’il est des impératifs citoyens qui sont tout aussi graves – sinon beaucoup plus – que les nécessités économiques. C’est le cas, par exemple, de la nouvelle donne sanitaire et des pandémies du futur qui nous sont déjà annoncées…

Née de la nécessité d’illustrer et de promouvoir une forme d’agriculture alternative – et cependant beaucoup mieux inscrite dans la tradition agricole que celle qui paraissait alors incarner la modernité -, notre action s’est toujours inscrite dans le cadre de la critique du modèle agroindustriel dominant. Pour être crédible, ce sens critique a toutefois acquis celui de la mesure sans jamais rien céder de sa force. Aujourd’hui, le rapport au modèle dominant est peut-être en train de s’inverser mais notre « ADN associatif » conserve intact notre souci premier de la défense de l’intérêt général, ainsi qu’en témoigne, par exemple, le travail sur la labellisation Free OGM conduit par une bénévole de l’association, nous en avons déjà parlé… La revendication, dans ce cadre, comme dans tous les autres où Nature & Progrès s’investit, s’appuie sur une étude approfondie et sur de solides bases scientifiques.

Quels sont les effets et impacts que Nature & Progrès cherche à produire à partir de ses actions ?

L’avis de Nature & Progrès 

Certains effets produits par notre action sont tout-à-fait concrets : la création de groupements d’achats (GAC) a contribué à faire évoluer les modes de consommation alimentaire, celle de la Maison de la Semence citoyenne de Nature & Progrès a contribué au réveil de l’intérêt populaire pour un patrimoine culturel en grand péril… Les retombées des campagnes Echangeons sur notre agriculture et Vers une Wallonie sans pesticides sont également très concrètes. On citera, par exemple, l’édition de documents, accessibles pour le simple citoyen et pour le monde agricole, qui détaillent les alternatives aux pesticides en fonction des cultures et offrent le savoir nécessaire à qui veut être en mesure de développer ses propres revendications… Ceci montre, une fois encore, à quel point il est aléatoire et dangereux de séparer les aspects techniques du contexte dans lequel ils se développent. D’une manière générale, cloisonner deux aspects essentiels d’une même question fait courir le risque de ne plus rien comprendre à la nature exacte de ce qui est revendiqué…

Reste maintenant à attendre le bilan, la grande synthèse politique – la somme de toutes les expériences et ressentis individuels – de ce que nos concitoyens vont déduire du confinement et, plus globalement, de la pandémie mondiale de 2020. Ses effets seront sans doute surprenants, à bien des égards, entre ce qui sortira indemne de manière tout-à-fait inattendue et ce qui sera irrémédiablement banni de nos vies… Imagine-t-on, par exemple, que les Belges, de manière massive, découvrent que leur intégrité physique n’est plus garantie lorsqu’ils font leurs courses en grandes surfaces ? Celles-ci seraient-elles vraiment en mesure de garantir une « distanciation sociale » suffisante à leur clientèle ? Moyennant quels efforts d’aménagement ? A quel coût ? Sera-ce finalement une aubaine pour le circuit court ? Et que se passera-t-il dans les avions ? Face à ce bilan très incertain, la force incroyable d’autonomie des gens et l’intelligence personnelle et collective que procure l’éducation permanente doivent, une fois encore, être loués. Le travail global de nos associations montre une très grande cohérence et leurs prochains plans quinquennaux seront forcément articulés sur la base de ce que leur aura appris l’expérience de la crise du Covid-19… Faut-il cependant redouter le prochain rebond de consommation et craindre qu’on ne parle plus, après le virus, qu’en termes exclusivement industriels ? Ne faut-il pas réclamer, à l’horizon de l’augmentation annoncée des températures, le droit au respect de notre patrimoine culturel et cultural, et dénoncer avec vigueur ceux qui osent encore revendiquer celui de spéculer sur l’alimentation ? Notre grain et notre lait sont locaux, exclusivement locaux ! Il faut, à présent, parler de souveraineté alimentaire, tant au niveau wallon que Bruxellois, en condamnant fermement la titrisation des matières premières qui n’a plus rien à voir avec la loi de l’offre et de la demande. Nous avons le droit d’être souverains concernant nos besoins essentiels ! Dans ce cadre, « j’ai le droit de choisir !« 

L’agriculture wallonne, malheureusement, ne s’engage pas dans la direction de la transition écologique ! La nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) européenne doit absolument prendre une orientation résolument environnementale or c’est une politique de maintien des marchés à bas coûts qui est aujourd’hui privilégiée. La logique de l’acheteur comme simple outil commercial doit pourtant absolument être cassée. Il faut changer le logiciel ! Pourquoi les pouvoirs publics belges, qui snobent aujourd’hui notre Plan Bee s’obstinent-ils à ne pas vouloir comprendre qu’ils doivent, dès à présent, s’orienter vers un Plan C – C pour céréales ? Le travail est déjà largement engagé et ils ne voient pas ce qui est pourtant juste sous leurs yeux. Ou est-ce alors un problème de communication ? Est-ce nous qui devons-nous former et repenser notre discours en fonction d’un autre public ? Pourtant, les faits sont là, particulièrement têtus… Et nous relançons en permanence le débat, au niveau local, sur les sujets très variés que recèlent nos thématiques, afin de permettre aux citoyens de faire valoir leurs droits. Et pour porter avec eux l’ensemble de leurs revendications en la matière…