L’Union européenne a donc conclu un nouvel accord de libre-échange avec l’espace économique formé par le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay… Le président d’extrême-droite brésilien, Jair Bolsonaro – grand dévastateur de l’Amazonie -, se serait même engagé, en échange, à respecter l’Accord de Paris sur le climat ! Les agriculteurs européens sont aux abois, redoutant les exportations massives de produits d’éleveurs et de cultivateurs qui ne sont pas soumis – loin s’en faut – aux mêmes règles qu’eux…

Par Sylvie La Spina

Introduction

Mercosur est le diminutif de « Mercado Común del Sur« , soit le « Marché commun du Sud« , communauté économique regroupant quatre pays d’Amérique du Sud. Créé en 1991, le groupement est en négociation avec l’Union européenne depuis 2000, en vue d’établir de nouvelles règles encadrant les échanges commerciaux entre les deux puissances économiques. L’enjeu est de réduire les droits de douanes et d’établir des quotas sur certaines marchandises pour favoriser les exportations. On met ainsi en balance différents secteurs tels que l’agriculture, l’automobile ou l’industrie chimique…

Après une vingtaine d’années de négociations, un accord est arrivé sur la table en juin 2019. Le traité doit encore être voté à l’unanimité par les Etats-membres, dans le cadre du Conseil de l’Union Européenne. Il sera ensuite soumis au Parlement européen et aux Parlements nationaux des différents Etats-membres. Les quatre pays du Mercosur doivent le valider également. Il est donc temps pour les opposants de se manifester, ce que fait actuellement le secteur agricole européen étant donné les menaces que représente l’accord UE-Mercosur pour les producteurs.

La légitimation d’un système antisocial et antiécologique

Le secteur automobile européen était très intéressé par l’accord avec le Mercosur, étant donné les droits de douane de 35 % sur les exportations vers l’Amérique du Sud. L’accord prévoit, en effet, une diminution progressive sur quinze ans – de 35% à 0% – des droits de douane sur un quota de cinquante mille véhicules. La même réduction des droits de douane s’appliquera aux industries chimique, textile, cosmétique et pharmaceutique. En échange, les pays du Mercosur pourront exporter leurs produits agro-alimentaires vers l’Europe, sans frais de douane pour certains quotas : viande de bœuf – 99.000 tonnes -, viande de volaille – 180.000 tonnes -, viande de porc – 25.000 tonnes -, éthanol – 650.000 tonnes -, riz – 60.000 tonnes -, sucre – 180.000 tonnes -, miel – 45.000 tonnes -, fromage – 30.000 tonnes -, lait en poudre – 10.000 tonnes – et lait pour bébé – 5.000 tonnes.

Quelle logique y a-t-il aujourd’hui à importer, à bas prix en Europe, des denrées alimentaires que nous produisons déjà en quantités suffisantes ? Aucune ! Mais c’était sans doute le prix à payer pour développer, encore, l’industrie automobile et l’industrie chimique de l’Union européenne. Dans notre société capitaliste, on veut de la croissance, encore et toujours ! Comme pour d’autres accords de libre-échange – CETA, TTIP… -, le secteur primaire retient moins l’attention que les secteurs secondaires ou tertiaires. C’est une très mauvaise habitude européenne qui met gravement en péril notre sécurité alimentaire.

La viande produite en Europe l’est dans des conditions écologiques et sociales que nous connaissons, que nous avons obtenues pour le bien des personnes et de l’environnement, et pour lesquelles nous nous battons encore quotidiennement. Qu’en est-il de celle qui est produite dans les pays du Mercosur ? Force est de constater que les règles sont fort différentes. Au Brésil et en Argentine, l’élevage bovin s’est surtout développé de manière extensive grâce à l’agrandissement des surfaces agricoles aux dépens de la forêt amazonienne. Pour mieux préserver l’environnement, une exploitation intensive des pâturages est encouragée mais le développement de l’élevage bovin – notamment pour la viande destinée à l’exportation – se fait, de plus en plus, en suivant le modèle des feed lots américains.

Les feed lots sont des parcs d’engraissement regroupant des milliers de têtes de bétail. Ce mode d’élevage suscite des préoccupations d’éthique animale, de santé publique et environnementales : utilisation massive d’antibiotiques et d’hormones, développement de l’antibiorésistance, pollutions issues des fumiers, association de ces élevages avec des cultures industrielles – le plus souvent OGM – et consommatrices en pesticides…  La signature du traité entre le Mercosur et l’Union européenne est donc la légitimation d’un mode de production que nous avons refusé d’appliquer en Europe !

Encore une bonne raison de mieux choisir sa viande !

Cet accord entre le Mercosur et l’Union européenne est donc considéré comme une menace par la plupart des organisations agricoles européennes. Toute cette viande importée dans un marché déjà saturé risque, en effet, de faire baisser les prix en Europe, à des seuils que les éleveurs européens ne pourront concurrencer en raison de normes qu’ils ont voulues plus exigeantes. Malheureusement, pour notre santé et pour notre planète !

De plus, on se demande de quel droit les négociateurs de tels traités économiques ne prennent pas du tout en compte l’avis des consommateurs ? Depuis plusieurs années, on le voit, le citoyen européen est toujours plus exigeant par rapport à la viande dont il se nourrit ; il questionne toujours plus les conditions d’élevage, le bien-être animal, l’impact de la production sur l’environnement et le climat. Encourageons donc, quant à nous, le « consomm’acteur » à se diriger, davantage encore maintenant, vers de la viande biologique issue des élevages de producteurs locaux ! Nous ne le ferons pas, toutefois, sans nous être d’abord inquiétés du sort des consommateurs défavorisés ou désinformés qui n’auront d’autre choix qu’une viande à vil prix produite dans des conditions indignes mais dont le coût écologique, pour la planète, risque d’être rapidement insupportable.

Dépassons la peur que nous inspire ce traité

Oui. Dépassons notre peur de ce traité en agissant ! Renforçons le lien entre production locale et consommation locale. Mettons un visage sur nos aliments ! Aux yeux de Nature & Progrès, l’accord avec le Mercosur est une raison supplémentaire, pour les consommateurs européens, de délaisser les produits anonymes, et notamment les plats préparés industriels – rappelons-nous l’épisode des lasagnes à viande de cheval ! – pour se rapprocher, toujours plus, des producteurs locaux. La Wallonie, par ses herbages, est une terre propice à un élevage de qualité et elle accueille un savoir-faire artisanal reconnu, tant chez les éleveurs que chez les bouchers. De plus en plus d’éleveurs se dirigent vers le bio et font le choix de proposer aux consommateurs locaux leur viande en direct. A ce jour, selon les statistiques de l’AFSCA, la Wallonie compte nonante-trois boucheries à la ferme, un chiffre en nette progression ces dernières années. De nombreux éleveurs passent également par des bouchers pour la réalisation de colis de viande vendus à la ferme.

Bouchers et éleveurs en circuit court ne doivent pas trop s’inquiéter de l’arrivée de la viande à bas prix issue du Mercosur car la clientèle sensible à la qualité bouchère, environnementale et sociale de la viande ne les délaissera pas au profit de produits anonymes à bas prix, venus de l’autre bout du monde. Gageons, au contraire, que ce traité, s’il devait passer, raffermira les convictions et poussera de nombreux consommateurs à revenir vers une viande bio et locale offrant des garanties et du lien !

Les artisans de la viande bio Nature & Progrès

Le label Nature & Progrès Belgique regroupe une septantaine de producteurs et transformateurs biologiques wallons. Tous adhèrent à une charte et respectent un cahier des charges co-construit avec les consommateurs. Nature & Progrès rend donc toute sa place au « mangeur » ! Une vingtaine de producteurs labellisés Nature & Progrès élèvent des bovins et proposent donc de la viande, en direct, au consommateur.

Chez les producteurs bio de Nature & Progrès, les animaux pâturent les prairies à la belle saison, tandis que le foin et quelques céréales cultivées à la ferme subviennent à leurs besoins en hiver. Les éleveurs de Nature & Progrès ont développé une maîtrise de leur filière, notamment au niveau de la transformation – boucheries à la ferme, colis de viande – et de la vente. Le dernier maillon sur lequel ils travaillent est celui de l’abattage : Nature & Progrès mène, depuis cinq ans, des travaux sur l’abattage à la ferme pour optimiser le bien-être animal – même et avant tout au moment de la mort de l’animal – et la qualité de la viande. Le label compte également un boucher artisanal travaillant « à l’ancienne » : depuis le choix de l’animal chez l’éleveur bio, et les conseils d’alimentation, jusqu’à la transformation de la viande selon des méthodes privilégiant les qualités nutritionnelles et gustatives.

Avec Nature & Progrès, ma viande a un visage ! Grâce à ce label qui implique aussi des consommateurs, nous disposons de la garantie que notre viande est produite dans le respect du bien-être animal et de l’environnement ! Le plus sûr moyen de se garantir des effets néfastes du Mercosur est donc de s’investir aux côtés de Nature & Progrès. Quitte même à consommer moins pour consommer mieux !