A l’occasion de la 38e édition du salon Valériane, nous avons eu l’honneur d’accueillir Claude Aubert. Agronome français impliqué dans le développement de l’agriculture biologique depuis soixante ans, il nous a partagé sa vision du passé, du présent et de l’avenir du bio. Il nous a également présenté son dernier livre, Qui veut la peau des vaches ? Retour sur cette rencontre inspirante et riche en émotions !

Par Sylvie La Spina

 

Claude Aubert est un des piliers du développement de l’agriculture biologique, en France. Quelques années à peine après l’obtention de son diplôme d’ingénieur agronome à l’Institut National d’Agriculture de Paris, dans le milieu des années soixante, il s’intéressa à l’agriculture biologique, faisant la rencontre de Roland Chevriot, administrateur de la toute jeune association Nature & Progrès. Après quelques voyages lui ayant permis de s’inspirer de producteurs bio, en Angleterre et en Allemagne, Claude Aubert se lance dans le développement du bio, en France. Il sera l’auteur de nombreux ouvrages, conférencier et conseiller, en fermes, dans tout le pays. Avec plusieurs collaborateurs, il écrit les cahiers des charges bio du label Nature & Progrès France qui ont inspiré, par la suite, la réglementation bio européenne, mise en place à la fin des années nonante. Claude Aubert sera également cofondateur de l’IFOAM (Fédération Internationale des Mouvements d’Agriculture Biologique) et de la coopérative Terre vivante, maison d’édition et Centre écologique faisant la promotion du jardinage et de l’agriculture biologiques…

 

Une source d’inspiration en Belgique également

Tout au long de sa carrière, Claude Aubert inspira de nombreuses personnes. Vincent Gobbe, agronome et fondateur de Nature & Progrès Belgique, organisa, en septembre 1977, un symposium d’une semaine sur l’agriculture biologique. Vingt-trois personnes – agriculteurs, jardiniers, agronomes, chercheurs et passionnés – s’y sont réunies sous le slogan « C’est la nature qui a raison ! » Au programme : des cours dispensés par Claude Aubert et des visites de fermes.

Henri Paque, fils d’agriculteurs, fit partie des participants. Après avoir lu un des premiers livres de Claude Aubert, L’agriculture biologique : une agriculture pour la santé et l’épanouissement de l’homme, il avait contacté l’auteur qui lui fixa rendez-vous au symposium. Cette semaine intensive d’échanges sur les pratiques bio finit de convaincre Henri qui demanda alors à son père de disposer d’une petite parcelle « pour essayer ». Un test concluant puisqu’il développa ensuite, avec son épouse, la Ferme à l’Arbre de Liège, aujourd’hui reprise par son fils, Michel. Bien connue de tous, elle représente aujourd’hui un modèle de diversification et d’autonomie.

Françoise Hendrickx, citoyenne et membre de Nature & Progrès, n’a pas manqué l’occasion du Salon bio Valériane pour venir rencontrer Claude Aubert. « Avec le plaisir d’une enfant qui va rencontrer Saint Nicolas« , témoigne-t-elle. Claude Aubert est une source d’inspiration, mieux, un initiateur dont Françoise a dévoré les ouvrages, notamment ceux sur les légumineuses. « Tout se tient. Santé des sols, des bêtes, des gens, des économies, des sociétés, de notre monde« … Françoise a également eu l’occasion de visiter le Centre Terre Vivante, en Isère, un paradis de trente hectares, comptant vergers, pisciculture, potagers, aromates, cultures, bois…, pleinement dédié à l’information, la diffusion et à la formation.

Les nombreuses personnes venues faire dédicacer leurs livres à la fin de la conférence démontrent encore l’influence que Claude Aubert a sur la communauté bio belge.

 

Qui veut la peau des vaches ? Élevage et changements climatiques

Claude Aubert s’intéresse toujours de très près aux problématiques agricoles et environnementales. Les nombreuses critiques touchant l’élevage de ruminants l’interpellent et lui donnent envie d’écrire un nouveau livre : ce sera Qui veut la peau des vaches ?, paru en novembre 2022, aux éditions Terre vivante. Lors de sa conférence au salon Valériane, il nous présenta les différentes réflexions apportées dans le livre. Quel est l’impact de l’élevage sur le climat ? Tous les élevages sont-ils à remettre en question ? Claude Aubert nous parle de l’importance de l’élevage à l’herbe, du rôle des vaches dans l’entretien et la valorisation des prairies, de la richesse nutritive de la viande, du lait et des fromages produits avec des animaux au pré, mais aussi du lien entre les animaux d’élevage et les humains, en particulier dans les régions d’Ethiopie où les enfants gardent les troupeaux et développent une relation forte avec les animaux.

– un élevage zéro carbone est possible !

Parmi les différents éléments exposés par Claude Aubert, un concept retient particulièrement l’attention du public : celui de l’élevage « zéro carbone ». Selon l’agronome, ruminant ne rime pas forcément avec impact climatique. Les vaches, dans un système d’élevage à l’herbe, permettent aussi de stocker du carbone, à un point tel que ce stockage peut compenser les effets de la production de méthane par les animaux. Suivons son raisonnement, ponctué par de nombreux résultats de recherches scientifiques.

– d’où vient donc le méthane ?

Le méthane (CH4) provient de fermentations dans le rumen : la flore bactérienne anaérobie y dégrade la cellulose, principal constituant des végétaux, la rendant digeste pour les animaux. Le gaz est principalement émis par la bouche. Une vache laitière émet entre 300 et 450 g de méthane par jour, soit l’équivalent de trois à quatre tonnes de CO2 par an – la contribution au réchauffement climatique des différents gaz à effets de serre étant variable, on utilise une comparaison, en exprimant les quantités de gaz en « équivalents CO2« . En France, l’élevage est responsable de 14% des émissions de gaz à effet de serre, 5,6% provenant du méthane émis par les ruminants.

– réduire les émissions de méthane

Vu les enjeux climatiques, de nombreux acteurs de la recherche scientifique se penchent sur les manières dont on peut réduire les émissions de méthane en élevage. Outre une réduction du cheptel, on peut réduire l’émission en modifiant l’alimentation des vaches : ajouts de lipides – huile de lin -, de feuillages riches en tanins – herbacées ou feuilles d’arbres et arbustes – ou d’algues. L’on aperçoit tout de suite un premier intérêt du pâturage en prairie permanente, milieu riche en flore tannique, herbacée ou ligneuse.

– les sols, puits de carbone

Le second avantage largement mis en avant par Claude Aubert est le rôle de stockage du carbone dans le sol des prairies. Il suffirait d’augmenter, sur toutes les terres cultivées de la planète, ce stockage de quatre pour mille de la capacité des sols, soit 0,4%, soit à peine deux cents kilos de carbone par hectare, pour résorber la totalité des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique ! Outre les sols forestiers, qui ont une capacité de stockage considérable – de quatre-vingts à cent tonnes de carbone par hectare -, les sols cultivés y contribuent également – de quarante à cinquante tonnes de carbone par hectare.

– quelle agriculture pour stocker le carbone ?

Comment traduire cet enjeu au niveau agronomique ? Il s’agit de réduire le travail du sol, de le couvrir autant que possible, de mettre en rotation les cultures avec des prairies temporaires, et de planter des haies et des arbres. Le carbone représente 58% de la matière organique des sols. Des prairies bien gérées représentent une opportunité pour augmenter le stockage de carbone dans le sol et d’aboutir ainsi à une émission nulle, voire négative. En scientifique rigoureux, Claude Aubert nous démontre ses affirmations par le calcul.

– le pâturage extensif des prairies permanentes

L’idéal, selon Claude Aubert, est un pâturage extensif avec 1,4 hectare par vache, soit un chargement de 0,7 UGB – unité gros bétail – par hectare. En optimisant le pâturage – tournant – et la flore, on obtient, des émissions se chiffrant à 2,68 tonnes d’équivalent CO2 par hectare et par an, où l’on compte 2,5 tonnes issues de la production de méthane – 89 kilos de méthane par hectare et par an – et le reste issu de la contribution, plus modeste, du protoxyde d’azote. Du côté du stockage de carbone, les chiffres grimpent à 2,75 tonnes d’équivalent CO2 par hectare et par an, soit 750 kg de carbone sous forme d’humus stable. Le bilan est donc nul à légèrement négatif, alors qu’il s’élève en moyenne à 3,5 à 4,6 tonnes d’équivalent CO2 par hectare et par an en élevage à base de concentrés – maïs ensilage, céréales et protéagineux.

– et sans pâturage ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser de manière intuitive, l’absence de pâturage ou un sous-pâturage ne permet pas de meilleurs résultats du point de vue du stockage de carbone car ces pratiques aboutissent notamment à une dégradation de la flore.

– jusqu’où peut-on stocker ?

L’enrichissement en carbone du sol des prairies n’est pas infini : on arrive à une stabilisation au bout de plusieurs décennies. Nous n’avons pas d’autre choix que de réduire en parallèle les émissions de gaz à effet de serre issus des énergies fossiles !

 

Qui veut la peau du bio ?

La venue de Claude Aubert en Belgique nous a également permis d’échanger avec lui sur l’évolution de l’agriculture biologique. Impliqué dans le bio, depuis une soixantaine d’année, Claude Aubert nous partage ses réflexions sur l’avenir du secteur.

– la bio en difficultés

Claude Aubert est inquiet face aux difficultés rencontrées par le secteur bio. En France, ces dernières années, quatre cents magasins bio ont fermé leurs portes, principalement par manque de clients. Quelques quatre mille producteurs bio sont sortis du label, faute de débouchés. En aval de la production, de nombreux artisans – boulangers, bouchers – et détaillants renoncent à la certification bio. Qu’en est-il en Wallonie ? Un recul de la consommation est également chiffré. D’après les chiffres de Biowallonie, les « déconversions » sont moins nombreuses mais les nouvelles conversions sont plus timides. Comment expliquer ce déclin ? Claude Aubert avance quelques pistes.

– la diminution du pouvoir d’achat et la question des prix

C’est le premier argument avancé par la presse. La crise énergétique liée au contexte politique à l’Est de l’Europe augmente le coût de la vie. Et c’est le budget alimentaire qui s’ajuste, parfois faute d’autres leviers. Si la hausse du prix de l’alimentation est inférieure pour les produits bio que pour les conventionnels, étant donné la moindre dépendance aux intrants dont le prix suit le coût de l’énergie, le bio reste plus cher par rapport au marché. Des études estiment que le vrai coût de l’alimentation conventionnelle tenant compte des externalités – perte de biodiversité, pollutions, santé… – est deux à trois fois plus élevé que le coût d’achat.

– des exigences au-delà du label, et donc des déceptions

L’agriculture biologique souffre d’une méconnaissance du public. Pour preuve, les commentaires que l’on peut lire sur les réseaux sociaux. « Ils vendent des chips en bio, alors que ce n’est pas diététique !« , « ces produits bio, emballés dans du plastique, ce n’est pas écologique ! » Sans parler du bio non local. Le consommateur pense que le produit bio doit être idéal par rapport à ses convictions. Loin de couvrir toutes les exigences économiques, écologiques et sociales des citoyens, le bio se concentre – grâce à son cahier des charges – sur des garanties de base. En culture, l’interdiction d’utilisation des engrais et des pesticides chimiques de synthèse, l’absence d’OGM et le lien au sol, et en élevage, l’accès des animaux à l’extérieur, des avancées en termes de bien-être animal – interdiction de certaines mutilations… -, une nourriture bio, locale et sans OGM, et une restriction des apports médicamenteux. Pour aller plus loin, le consommateur, devra s’informer en lisant les étiquettes ou, mieux encore, en rencontrant les producteurs, ce qui demande du temps et des compétences. Il peut aussi se reposer sur l’exemplaire label Nature & Progrès !

– critiques et détracteurs

Claude Aubert dénonce les critiques injustifiées dont le bio fait l’objet. L’Académie d’agriculture de France, société savante pluriséculaire, écrit en 2022 que « les aliments bio ne présentent en général pas d’avantages, ni pour la nutrition, ni pour la santé« . On lit encore : « pour l’environnement, […] souvent, le conventionnel fait aussi bien, ou mieux, que le bio« . Ces déclarations, ainsi que celles d’autres détracteurs, sont relayées par la presse, arrivant aux oreilles du grand public qui ne peut que devenir sceptique sur la plus-value du bio. Il s’agit de la stratégie du doute et de la confusion. Pourtant, nous pouvons aujourd’hui démontrer toutes les plus-values de l’agriculture biologique pour la santé et pour l’environnement. Dans une publication intitulée La bio malmenée : 10 mythes à déconstruire – voir ci-dessous -, Claude Aubert et ses co-auteurs remettent l’église au milieu du village, références scientifiques à l’appui.

– de nouveaux acteurs en bio

Le bio regroupait, au départ, des petits maraichers et des fermes en polyculture élevage. L’officialisation du label européen, à la fin des années nonante, a permis une reconnaissance à plusieurs niveaux : par les politiques, par les chercheurs, par les producteurs et par les consommateurs. Ces derniers ont rapidement permis au marché de prendre de l’ampleur. Mais en parallèle, l’agriculture biologique s’est étendue à des fermes spécialisées ou à des industries qui sont parvenues à se faire labelliser, en respectant elles aussi le cahier des charges européen. En effet, ce dernier n’impose pas de limite de taille – de ferme, de cultures, d’élevage… -, ce qui permet l’arrivée d’un nouvel acteur : le bio industriel ! Si ce mode d’agriculture est meilleur que l’industrie conventionnelle, il s’écarte bien souvent de la philosophie de base du bio – respect du sol, diversification… – et renvoie une image négative du secteur, que le citoyen ne suit pas.

– des labels alternatifs trompeurs

Le développement de toute une série de labels « alternatifs » attire les citoyens souhaitant consommer de manière plus écologique. Malheureusement, la plupart de ces labels sont laxistes. En France, le label HVE – haute valeur environnementale -, mis en place et promu par le gouvernement, récupère de nombreux consommateurs bio. Le petit papillon représenté sur le logo ne doit cependant pas avoir la vie facile, étant donné les pulvérisations de pesticides autorisées par ce label ! Il s’agit d’une tromperie manifeste du consommateur et d’une concurrence déloyale pour les producteurs bio. L’agriculture de conservation des sols se base, pour le désherbage, sur l’utilisation de glyphosate ! Les produits « zéro résidus » rassurent le consommateur sur leur moindre teneur en poisons mais n’empêchent absolument pas les traitements, et donc les pollutions de l’eau, du sol et de l’air, ainsi que l’atteinte à la biodiversité. Selon l’Agence bio française, en 2022, 73% des pertes en valeur du bio vont vers d’autres offres labellisées.

 

L’agriculture bio malmenée : dix mythes à déconstruire !

Dans une publication téléchargeable sur le site des Générations Futures, Claude Aubert, Christine Mayer-Mustin, Michel Mustin et Denis Lairon présentent un véritable plaidoyer pour l’agriculture biologique, réponse scientifique aux multiples critiques dont le secteur fait l’objet. Toute la force de ce document réside dans la rigueur scientifique développée par ses auteurs en se reposant sur de nombreuses références scientifiques reconnues pour étayer leurs arguments. Nous pouvons les résumer en cinq points.

– aliments bio et santé

Oui, il est aujourd’hui prouvé que les aliments bio sont meilleurs pour la santé que ceux qui sont issus de l’agriculture conventionnelle. D’une part, ils sont plus riches en certains nutriments – vitamine C, minéraux, polyphénols, oméga 3… – et, d’autre part, ils présentent des teneurs en résidus de pesticides réduites à l’état de traces – pollutions environnementales. Or on connaît aujourd’hui l’impact des pesticides sur la santé ! Selon différentes études scientifiques, les consommateurs bio présentent moins de risques de surpoids, d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardio-vasculaires et de développement de certains cancers. Par ailleurs, l’agriculture biologique préserve l’eau en réduisant les pollutions, notamment par les nitrates, également sources de troubles de la santé et de cancers.

– agriculture bio et environnement

Oui, l’agriculture biologique est meilleure pour l’environnement ! En premier lieu, elle se passe des pesticides chimiques de synthèse qui sont largement responsables de la perte de biodiversité : insectes, oiseaux, ainsi que de nombreux organismes et micro-organismes moins connus… Ensuite, elle refuse l’utilisation d’azote chimique de synthèse, ayant recours à des engrais organiques, dont les apports sont limités, pour réduire les risques de pollutions. Troisièmement, l’agriculture biologique répond mieux aux enjeux climatiques par une émission réduite en gaz à effets de serre – directe et indirecte via les intrants – et un stockage accru de carbone dans les sols et dans les cultures permanentes. Lorsqu’une ferme passe en bio, le stock de matière organique dans le sol augmente d’en moyenne quatre à cinq cents kilos par hectare et par an, pendant au moins vingt ans.

– agriculture bio et défis alimentaires

Oui, l’agriculture biologique est capable de répondre aux défis alimentaires mondiaux, à la condition de revoir notre modèle alimentaire. Nous sommes, en effet, dans une impasse ! En premier lieu, les régions de monde qui souffrent de malnutrition ne devraient pas dépendre des exportations des pays excédentaires mais développer leurs cultures vivrières pour davantage d’autonomie. Ensuite, la généralisation d’une agriculture intensive, polluante et énergivore n’est pas une solution pour notre planète. Pour l’environnement et pour notre santé, il est nécessaire de repenser une alimentation davantage basée sur les produits végétaux en réduisant les apports animaux – notamment lait et viande -, ce qui libèrera davantage de surfaces directement destinées à l’alimentation humaine. Le rendement, en bio, est inférieur d’en moyenne vingt pourcents par rapport à l’agriculture conventionnelle mais une amélioration de la recherche et du conseil agronomique devrait permettre de réduire cet écart à une dizaine de pourcents à peine.

– alimentation bio et accessibilité

Les aliments issus de l’agriculture biologique sont plus chers à l’achat que ceux qui sont issus de l’agriculture conventionnelle, en raison de rendements plus faibles – culture et élevage moins intensifs – et de coûts de production plus importants – nombreuses étapes manuelles. Cependant, l’écart est gonflé par les stratégies commerciales des grandes surfaces qui appliquent des « surmarges » sur les produits bio. Les marges sur les fruits et légumes seraient doubles de celles qui sont appliquées pour les produits conventionnels. Le mode d’approvisionnement – idéalement en circuit court – est donc un paramètre important pour faciliter l’accès aux produits bio pour le plus grand nombre.

– agriculture bio et utilisation de pesticides

L’agriculture bio se passe complètement des pesticides chimiques de synthèse, et aucune dérogation ne peut être accordée, même en cas de pullulations de ravageurs et de développements de maladies. La force du bio est de supprimer ces produits plutôt que de tenter de les réduire, ce qui oblige les producteurs à se tourner vers d’autres solutions, par exemple, le choix de variétés plus robustes. Des produits d’origine naturelle, parfois appelés biopesticides, sont autorisés avec, comme caractéristiques, une moindre rémanence – produits rapidement dégradés en sous-produits inoffensifs – et une moindre toxicité pour la santé et pour l’environnement. La non-utilisation d’engrais chimiques de synthèse – rendant les plantes plus sensibles aux attaques de ravageurs et de maladies – et les pratiques bio – soin au sol et à la biodiversité – optimisent la santé des plantes et rendent ces traitements occasionnels.

 

Bio ? De quoi l’avenir doit-il être fait ?

Fort de ses 87 ans – il les aura le 10 novembre ! -, Claude Aubert ne manque ni d’idées, ni de judicieux conseils à prodiguer. En voici quelques-uns :

– mieux communiquer sur le label bio

C’est indispensable afin de rappeler, en permanence, les garanties qu’il apporte et afin de déconstruire les mythes qui lui sont associés. Selon Claude Aubert, « la bio ne sait pas se vendre ! » car notre secteur de convaincus est loin des démarches de marketing et de communication. Une professionnalisation est nécessaire, ainsi qu’une plus grande cohésion des acteurs.

– plus de cohésion des acteurs du bio

Précisément, Claude Aubert souligne la nécessité de travailler tous ensemble. Le bio rassemble de nombreux acteurs aux philosophies parfois très variées. Les tensions humaines sont fréquentes et aboutissent à un clivage entre les organismes. Il est nécessaire de faire face à la crise du bio en travaillant de concert, en défendant le bio d’une voix unique et convaincante.

– sortir l’assiette bio de l’étiquette bobo

Et le prix du bio ? À cette question épineuse, Claude Aubert ne propose pas de solution toute faite, mais il ne manque pas d’idées. On associe souvent l’alimentation bio à une cuisine compliquée à base d’ingrédients peu fréquents et parfois peu attirants pour monsieur et madame tout le monde : du burger de tofu au quinoa… Pourtant, de nombreux repas bio peuvent être préparés en faisant attention au budget. Habitant Rome, Claude Aubert pense tout naturellement aux pâtes. « C’est l’aliment des étudiants en kot qui n’ont pas beaucoup de budget« . Et pourtant, quand on évoque les pâtes auprès des consommateurs, on n’y voit pas l’aliment du pauvre mais plutôt le repas convivial aux senteurs italiennes. Les recettes sont multiples, accessibles pour tous avec des ingrédients simples, issus des potagers et des fermes. Et pourquoi pas des pizzas ?

– moins de produits animaux !

Claude Aubert est également convaincu qu’une meilleure santé de l’Homme et de la Terre passe par une consommation raisonnée de produits animaux. Aujourd’hui, nos sociétés consomment trop de produits laitiers et de viande, des aliments qui, de plus, sont plus coûteux. Une solution au prix de l’alimentation serait donc de consommer plus de végétal. Mais comment transmettre un tel message de manière non culpabilisante ?