Cet article est paru dans la revue Valériane n°177

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Par Pauline Beguin,

animatrice chez Nature & Progrès

Boisson fermentée à partir de thé et de sucre, le kombucha fait son apparition dans les commerces. Nous vous en racontons la longue histoire, les propriétés et les atouts santé. Le succès du kombucha a mené à une industrialisation de sa production, qui tend à en réduire la qualité. Et si vous en réalisiez chez vous ?

© Geraud Pfeiffer (Pexels)

 

Et si nous nous intéressions de plus près à la fermentation dans l’alimentation ? C’est l’objectif de notre nouvelle rubrique « Qui dit bulles » … Bio, bien sûr ! Commençons avec le kombucha, une boisson acidulée, plus ou moins gazeuse, issue de la fermentation d’un mélange de thé et de sucre. On l’a vue apparaitre ces dernières années dans les magasins bio. Aujourd’hui, elle envahit même les rayons de la grande distribution et les cartes des cafés branchés – y compris de notre Festi’Valériane ! Cependant, son histoire ne date pas du 21e siècle !

Un peu d’histoire

Le kombucha serait apparu en Chine avant notre ère. Il aurait ensuite été exporté au Japon au 5e siècle. Des légendes racontent même qu’il aurait été consommé par les troupes de Gengis Khan au 13e siècle. Les premiers écrits et travaux scientifiques principalement allemands et russes ne datent cependant que du 19e siècle. Le kombucha est étudié et consommé jusqu’à la pénurie alimentaire de la seconde guerre mondiale, qui prive les populations des matières premières de base, le thé et le sucre. Cette période sera suivie par la guerre froide qui freinera la recherche en Allemagne et en Russie. Il faudra attendre les années 1980 et 1990 pour retrouver le kombucha dans des livres et dans les foyers. L’étude des interactions microbiennes et la maîtrise du procédé de fabrication à échelle industrielle permettent à de petites et de grandes entreprises de se lancer dans la commercialisation.  Aujourd’hui, sa cote de popularité ne cesse d’augmenter.

Les acteurs de la fermentation

La fermentation des aliments englobe de nombreux types de micro-organismes et différents processus.

Le kombucha résulte de la collaboration entre des bactéries et des levures plongées dans une solution sucrée, traditionnellement du thé noir.

Ce sont les levures qui vont d’abord transformer le sucre en alcool (éthanol) et en dioxyde de carbone. Les bactéries convertissent ensuite l’alcool en acide acétique – le même que celui du vinaigre. C’est lui qui va donner le goût acide à la boisson. Historiquement, cette acidification permettait la conservation des aliments. Le kombucha contient de faibles quantités d’alcool résiduel : entre 0,5 % et 2 % selon les sources et les procédés. Quant au dioxyde de carbone produit par les levures, il va apporter de l’effervescence à la boisson, surtout si elle est conservée en bouteille fermée en fin de fermentation.

Levures et bactéries vivent en harmonie. C’est la raison pour laquelle on parle de symbiose et de SCOBY, acronyme de Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast, soit, en français, culture symbiotique de bactéries et de levures. Le SCOBY est aussi le nom donné au disque de cellulose produit par les bactéries qui flotte dans le jus de fermentation. Il permet aux bactéries de s’y accrocher et d’accéder à l’oxygène dont elles ont besoin pour vivre.

Une boisson-santé

Le kombucha est étudié pour son intérêt nutritionnel et ses effets bénéfiques sur la santé. Il contient de nombreux composés bioactifs issus du thé et du processus de fermentation. Des flavonoïdes, polyphénols, acides organiques, acides aminés, vitamines, minéraux et enzymes, associés à des effets antioxydants, anti-inflammatoires, anticancéreux, antimicrobiens et protecteurs du foie, réduiraient le risque de diverses maladies. De plus, les micro-organismes présents dans le kombucha « maison » favorisent l’équilibre et la diversité du microbiote intestinal.

La description de ses atouts amène un intérêt important. Le marché du kombucha est en croissance constante : entre septembre 2024 et septembre 2025, les ventes de kombucha en France ont quasiment triplé (+168 %). Sa popularité auprès des consommateurs et sa disponibilité dans les magasins et l’Horeca l’on fait passer d’un marché de niche à un produit de consommation courante. Le monde des « mocktails » (cocktails sans alcool) et des boissons à faible taux de sucre soutient aussi le succès de cette alternative aux sodas.

De la maison à l’industrie

Ces dix dernières années, de nombreuses petites entreprises -on en compte 60 en France- ont développé des versions traditionnelles ou aromatisées de kombucha. Le processus y est mieux contrôlé : le goût est constant et la quantité d’alcool est connue. Cependant, pour la conservation, les boissons doivent être micro-filtrées ou pasteurisées. Les micro-organismes sont ainsi éliminés du produit fini dans la plupart des versions commerciales, même artisanales.

L’engouement croissant pour le kombucha n’a pas échappé aux multinationales agroalimentaires. Ces dernières proposent, elles aussi, leur version ou rachètent les petites marques afin d’accéder à ce marché florissant. Cette industrialisation s’accompagne d’une transformation profonde du process et du produit lui-même. Le processus de fermentation a été standardisé et accéléré. Les ingrédients de base sont choisis en fonction de leur coût et plus en fonction de leur qualité. Des conservateurs et additifs sont ajoutés pour garantir une durée de vie compatible avec les circuits de distribution classiques.

Cette version industrielle, dénaturée et rentable, s’éloigne fondamentalement de la version traditionnelle.

Face à cette dérive, il devient nécessaire de développer des capacités en lecture d’étiquette, de bien choisir les producteurs et de comprendre leur mode de fabrication. Une autre alternative est de produire son propre kombucha pour retrouver le contrôle du processus de fabrication et le choix des ingrédients.

 

Préparer son kombucha maison

Vous aurez besoin de :

– Thé vert ou thé noir. Source de nutriments pour les micro-organismes, il donnera le goût de base au kombucha, plus rond avec le thé noir ou plus végétal avec le thé vert.

– Sucre (saccharose). C’est le substrat, la nourriture des levures qui sont à la base de la fermentation.

– Eau de qualité. Elle sera filtrée ou déchlorée car le chlore nuit aux micro-organismes.

– Liquide de repiquage et SCOBY. Le liquide provenant d’un kombucha précédent et cette substance gélatineuse contiennent les micro-organismes nécessaires pour ensemencer la boisson. Déjà fermentés, ils réduisent le pH dès le début du processus et évitent ainsi le développement des micro-organismes indésirables.

La méthode de fabrication est assez simple et demande peu de matériel : un grand bocal avec une ouverture large pour la première fermentation, un tissu ou une étamine, une ou deux bouteilles pour la deuxième fermentation ou la conservation et un entonnoir avec filtre.

Commencez par préparer un thé corsé et ajoutez le sucre à raison de 60 grammes par litre. Une fois qu’il est totalement refroidi, ajoutez du kombucha de votre fournée précédente ou d’un ami (10 % de la nouvelle production) et du SCOBY. Couvrez avec un tissu et laissez fermenter à température ambiante pendant une à deux semaines (adaptez en fonction de la température de la pièce). C’est la première fermentation. Goûtez régulièrement. Quand il a atteint l’équilibre idéal entre le sucre et l’acidité, filtrez le kombucha. Penser à conserver le SCOBY et une petite quantité de kombucha pour votre prochaine production.

Après cette première fermentation, vous pouvez déguster votre kombucha ou réaliser une deuxième fermentation. Ajoutez un élément pour aromatiser : fruits frais ou secs, jus de fruits, herbes, épices… Fermez et laissez fermenter pendant deux jours à température ambiante. Vous pouvez ajouter un peu de sucre pour produire du gaz et obtenir une limonade pétillante. Dans ce cas, pensez à utiliser des bouteilles solides à clips, car la pression peut être importante. La fermentation est continue : même sans le SCOBY, levures et bactéries restent actives. Conservez votre boisson au frigo.

A partir de cette méthode de base, laissez place à votre créativité ! Des infusions (feuilles de ronce ou de figuier), des sirops de fruits ou de fleurs (sirop de fleur de sureau…), des jus d’extraction de légumes ou de fruits peuvent faire office de milieu de fermentation. Attention cependant : certaines épices, aromates ou condiments ajoutés avec le thé peuvent avoir un effet antiseptique et porter préjudice aux micro-organismes. En cas de doute, les autres ingrédients que le thé sont ajoutés lors de la seconde fermentation, c’est-à-dire après filtration, en l’absence du SCOBY.

Le kombucha est donc une boisson, intéressante pour ses qualités organoleptiques et nutritionnelles, facile à préparer, sans besoin de matériel spécifique qui peut varier selon vos préférences, vos envies et la saison. A vous de jouer !

 

 

Carole et Dominique vous conseillent…

 

Mon cahier de recettes – Kombucha et kéfir

Marin Tehel, Ed. Mosaïque, 63 pages, 9,00 €

Un guide pratique pour connaître tous les secrets et les bienfaits du kombucha et du kéfir, ces agents de fermentation naturels sans colorant ou conservateur de synthèse qui permettent de préparer rapidement des boissons saines et délicieuses. Des recettes à expérimenter et à siroter sans modération, car la fermentation apporte des probiotiques qui renforcent le système immunitaire et nourrissent la flore intestinale. Faciles à trouver, pleins de vertus : kombucha et kéfir vont devenir vos meilleurs alliés.

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Faire son kombucha

Julie Ponce, Ed. Ulmer, 91 pages, 12,90 €

À base de thé, le kombucha offre de nombreux bienfaits pour la santé : puissant antioxydant et anti-inflammatoire, riche en vitamines, en bonne levures et en probiotiques… L’autrice donne toutes les bases pour s’occuper de sa mère de kombucha et produire chez soi cette boisson magique. Quels thés utiliser ? Quel est le matériel nécessaire ? Comment conserver son kombucha ? Quelques recettes viennent agrémenter le livre, et vous apprendrez par exemple que le kombucha peut même servir de produit de beauté.

https://boutique.natpro.be/shop/faire-son-kombucha-36217

 

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