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16 décembre 2025

Communiqué de presse

La Commission a publié son nouveau projet de loi omnibus sur la sécurité alimentaire ce 16 décembre. Après un “leak” du document fin novembre faisant craindre le pire avec une proposition d’introduire des autorisations illimitées pour la quasi-totalité des pesticides chimiques, le document publié aujourd’hui réduit la voilure mais le septième Omnibus constitue toujours un affaiblissement majeur de la législation européenne sur les pesticides, sous prétexte de faciliter la mise sur le marché des biopesticides. 

Le projet d’Omnibus 7 qui avait fuité ces dernières semaines révélait l’intention initiale de la Commission européenne d’accorder une autorisation illimitée à quasi toutes les substances actives approuvées, à l’exception de ceux qu’elle considère les plus toxiques, qualifiés “Candidats à la substitution”.  Cette perspective avait déclenché une mobilisation massive de citoyens, d’ONG et de scientifiques, en Belgique[1]  et partout en Europe, appelant la Commission à abandonner cette approche.

Fort de cette opposition et de tractations internes, la Commission européenne a partiellement revu sa copie. Elle maintient le principe des autorisations illimitées, mais prévoit plus d’exception, puisque, au-delà des “candidats à la substitution”, les substances pour lesquelles des préoccupations ou restrictions sont déjà identifiées dans l’acte d’approbation ne bénéficieraient pas de ce régime d’autorisations illimitées et les États membres conserveraient des autorisations nationales limitées dans le temps.  

« Aujourd’hui, le pire scénario avec une autorisation illimitée pour 90% des produits est évité, ce qui est positif.  Il faut souligner l’importance de cette mobilisation généralisée de tous les acteurs ces dernières semaines. En Belgique, les scientifiques, les citoyens et les associations en ce compris certains syndicats agricoles, comme la FUGEA se sont opposés au projet initial d’autorisation illimitée. Mais la proposition sur la table reste très « pro pesticides chimiques”, alors que l’ambition initiale et déclarée de la Commission était surtout de faciliter la mise sur le marché des biopesticides »  a commenté Virginie Pissoort, porte-parole pour Nature & Progrès.  

Derrière les objectifs affichés de « simplifier la procédure pour faire des économies de coût » et de « faciliter la mise sur le marché des biopesticides comme alternatives aux pesticides de synthèse », se cache en effet, un réel détricotage des garanties mises en place dans la réglementation européenne pour protéger la santé publique et la sécurité environnementale de la toxicité des pesticides.  

« Malgré les ajustements par rapport au projet initial sur les substances susceptibles de bénéficier d’une autorisation à durée illimitée, le texte continue de remettre en cause des piliers essentiels de la réglementation européenne : la réévaluation systématique et périodique des pesticides, alors même qu’en 2020, la Commission déclarait ce système “efficace”[2]. Et, à juste titre, puisqu’il a permis de retirer plus de 31 substances actives dangereuses pour la santé ou l’environnement depuis 2011. C’est le cas du mancozèbe, un fongicide toxique pour la reproduction et perturbateur endocrinien, le chlorpyrifos, un insecticide neurotoxique, ou encore plus récemment le flufénacet, un herbicide PFAS. »

La proposition de la Commission européenne prévoit aussi de faire sauter l’obligation pour les États membres de prendre en compte les dernières études scientifiques lors de l’évaluation des produits. Alors même que la Cour de Justice de l’UE[3] a récemment rappelé l’obligation de s’appuyer sur les connaissances scientifiques les plus récentes pour protéger la santé et l’environnement, la Commission européenne, dans son obstination à simplifier la procédure prévoit qu’il suffirait aux États membres de se baser sur les données scientifiques fournies, parfois des années plus tôt, lors de l’évaluation de la substance active.  

Pour ne citer que les mesures les plus critiques, la Commission européenne propose aussi un rallongement des « périodes de grâce », pour laisser à l’industrie tout le temps nécessaire pour écouler les produits interdits (3 années, contre 18 mois aujourd’hui), elle élargit aussi le champ des dérogations non seulement en cas d’urgence phytosanitaire, mais également pour répondre aux besoins de la “production végétale”. Autant de mesures favorables à l’industrie chimique.  

C’est ainsi que la Commission européenne, tirant profit de la nécessité d’accélérer et de simplifier la mise sur le marché des biopesticides (produits de biocontrôle) pour l’avenir de l’agriculture européenne, déborde du cadre. Alors que le modèle actuel a montré ses limites (perte de biodiversité, explosion des maladies, résistance des ravageurs, stagnation des rendements …), la Commission européenne persiste et signe.  

Pourtant, la population européenne réclame davantage de protection contre les pesticides, conformément aux différents sondages, baromètres et enquêtes sur le terrain.[4]  

« Alors qu’il est nécessaire de revoir l’évaluation des risques des pesticides dans une tout autre direction que celle proposée par l’Europe : prendre enfin en compte les effets synergiques (effet cocktail) et cumulatifs, les effets des pesticides sur le microbiote, tous les métabolites de pesticides, cesser les successions de prolongations administratives en l’absence d’évaluation des risques finalisée, etc. la Commission européenne laisse la part belle à l’industrie chimique, au mépris des consommateurs, des riverains, de l’environnement, et des agriculteurs eux-mêmes qui sont les premières victimes de l’utilisation des pesticides. » confirme Céline Bertrand, de la SSMG.  

Les organisations listées en annexe en appellent aux autorités politiques pour refuser ce recul majeur. 

[1] En Belgique, plus de 50 organisations, y compris des syndicats agricoles, une mutuelle de santé et des organisations de la société civile, listées en annexe avaient alerté leurs autorités sur les risques majeurs liés au projet de loi omnibus. Voir également notre communiqué de presse du 12 décembre dernier : CP-Omnibus-VII-12122025.pdf 

[2] RETIF : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52020DC0208

[3] 25042024_PR_EU Court_member states do not properly carry out pesticide assessments.pdf 

[4] Voir à ce titre les consultations, baromètres, ou encore lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe ou des deux initiatives citoyennes européennes couronnées de succès, ou encore un sondage d’opinion IPSOS auprès de 5 Etats membres

Annexe 1 : Liste des organisations signataire d’un courrier à tous les ministres belges de la santé, de l’environnement et de l’agriculture, à tous les parlementaires européens belges, et à la Commissaire européenne Hadja Lahbib, pour les appeler à rejeter les propositions de dérégulations des règles actuelles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques proposées par la DG Santé, sous l’Omnibus VII. :  https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2025/12/Annexe-1-CP-Omnibus-VII-12122025.pdf