Cet article est paru dans la revue Valériane n°173

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​Un témoignage des jardiniers
bénévoles de Nature & Progrès,
recueilli par Sylvie La Spina,
rédactrice en chef chez Nature & Progrès

Couvrir son sol permet de le protéger de l’érosion et des extrêmes climatiques. Mais qu’utiliser, quand et comment ? Nos jardiniers bénévoles nous partagent leur expérience avec différents paillages. Ils racontent leur projet d’installer des couvertures vivantes au jardin didactique de Jambes.

Couverture de sol au pied des fruitiers

 

Mardi 10 décembre 2024. Comme chaque semaine, la cafétéria de Nature & Progrès est doucement animée, entre papotages et effluves de café. Autour de la grande table, nos jardiniers bénévoles font le point sur l’année écoulée et imaginent ce qu’ils mettront en place l’année prochaine. Avant un mois de « trêve hivernale », nous discutons de la couverture du sol.

Jean : « Cette année, en couverture de sol, nous avons travaillé avec le foin. On l’a choisi à la place de la paille parce que le rapport carbone – azote est plus bas. La décomposition par la vie du sol se fait plus rapidement. Avant, au printemps, on devait retirer la paille, elle était presque intacte ! »

Georges : « La paille de froment est riche en carbone et pauvre en azote. Or, pour avoir une décomposition, il faut un équilibre entre les deux. Ce qui est près du sol va se décomposer petit à petit, mais en consommant de l’azote en surface. Ça provoque une faim (un manque) d’azote qui freine la levée des adventices… mais aussi des semis. Par contre, le foin active la vie du sol en surface. »

En 2024, les jardiniers n’ont pas effectué de semis en place : toutes les plantes ont été repiquées dans la couche de foin. Marie fait le bilan de cette saison de culture et de l’utilisation du paillage. « On a mis une grosse couche de foin. Ça fait très désordre surtout quand on laisse les poules y aller ! L’avantage, c’est qu’il y a beaucoup moins d’adventices. Le paillage protège le sol de la pluie, de la chaleur, du gel et garde bien l’humidité du sol. Je suis convaincue de son intérêt, mais je mettrais à moitié moins de foin. »

Chacun se met à échanger sur ses pratiques de paillage chez soi.

Georges : « J’utilise bêtement la tonte de pelouse en couverture de sol, en couche de deux centimètres, renouvelée régulièrement. Lors de ma première porte ouverte de jardin, en 1999, j’ai montré aux visiteurs qu’une parcelle d’oignons à sol nu hébergeait trois fois plus d’adventices qu’une parcelle couverte de tontes. Avec le paillage, les adventices s’enlèvent plus facilement avec la racine. Il ne faut jamais couvrir le sol sur le semis, sauf les plantations (oignons, pommes de terre, ail, échalote…) car elles passent à travers. Je couvre le sol quand je vois le semis lever. Au pied des arbres, je dispose des cartons puis un mélange de tontes et de branches broyées, sur une couche de dix centimètres, non tassée. Les oiseaux viennent y gratter et mangent les nuisibles comme les chenilles de carpocapse. Je dispose aussi une couche de broyat de branches au pied des framboisiers. »

 

Broyat au pied des framboisiers

 

Marie : « J’utilise de tout : du foin, de la paille, des feuilles sèches, et je les tonds sur la pelouse pour les broyer. Je mets une couche de deux à trois centimètres. En hiver, j’utilise principalement des feuilles. Dans mes bacs de culture, je dispose un mélange des dernières tontes, des feuilles et des déchets de la cuisine, par couches, comme un compostage de surface. Mais j’ai peur que ça attire trop les limaces, qui se multiplieraient dans les bacs. Après l’hiver, j’enlève la couverture un à deux jours avant de semer pour que le sol se réchauffe et sèche un peu. Après la levée, je replace le paillage entre les lignes. »

Marie-Lou : « Au potager partagé de Hastière, on peut voir les différences de pratiques entre les jardiniers. Certains désherbent, d’autres laissent tout pousser et d’autres encore couvrent. J’ai l’impression que sans paillage, les légumes s’épanouissent mieux. Mais y a-t-il d’autres raisons ? »

Marie-Flore : « Je fais un arc de cercle en foin pour former une toiture très aérée du côté nord pour protéger mes légumes perpétuels du vent froid. J’ai eu de la rhubarbe avant tout le quartier, elle était gigantesque. »

Jean : « Je fais du paillage depuis 50 ans. Quand on vient visiter mon jardin, on trouve que le paillage, c’est sale, que ça complique l’existence. Pourtant la terre laissée à nu s’épuise. Regardez, le croissant fertile, c’est devenu un désert ! Il faut protéger le sol. Tout couverture de sol sous forme de litière apporte de l’humus, mais il n’est pas forcément stable. Elle est minéralisée en un à deux ans. Il faudrait une couverture de sol vivante pour disposer d’un humus stable qui rentre durablement dans le sol. »

 

Couverture fine de tontes de pelouses entre les poireaux

 

Le projet des jardiniers pour 2025 ? Poursuivre avec des couvertures « mortes » de foin, et tester des couvertures vivantes. Car les plantes vivantes captent en continu du CO2 et transmettent du carbone au sol via leurs racines. L’enjeu : choisir des espèces pouvant se développer entre les lignes de légumes et qui s’associent bien avec les cultures. L’avoine, par exemple, peut être tondue entre les lignes mais elle émet, par les racines, des substances allélopathiques qui inhibent la croissance de nombreux végétaux. Les jardiniers vont tester l’association des choux et du trèfle blanc, qui semble donner des résultats chez un maraicher suisse.

Venez donc rencontrer les jardiniers lors de la porte ouverte du jardin à Jambes, le dimanche 22 juin 2025 entre 10h et 17h ! Ils vous partageront leurs essais et parleront aussi des jardins urbains, potagers de terrasse et de balcons. Petite restauration et bar sur place.

 

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