L’affaire Veviba est à présent aux mains des enquêteurs et de la justice. Les premiers tentent d’établir avec exactitude les faits, tandis que les seconds se chargeront d’établir les responsabilités des acteurs  du litige. L’affaire ne s’arrête pourtant pas ici. En effet, citoyens, éleveurs et politiques doivent à présent se tourner vers l’avenir. Que faire de l’abattoir et des ateliers de transformation de viande de Bastogne ? Comment éviter qu’un nouveau scandale se reproduise à l’avenir ? Que faire pour que la plus-value de la transformation reste aux mains des producteurs ?

Deux solutions sont mises sur la table par les responsables politiques : une meilleure implication des éleveurs via la prise de parts dans l’entreprise Veviba et une refonte de l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire (AFSCA).

Nature & Progrès applaudit la volonté de remettre les outils de transformation dans les mains des éleveurs : cela a toujours été notre demande. En effet, l’implication des producteurs pourra mettre fin à l’opacité des structures dénoncées par le secteur de la production agricole. Elle permettra également de redistribuer de manière plus équitable la plus-value réalisée sur la transformation de la viande.

Néanmoins, la création d’une coopérative de gestion de Veviba impliquant les éleveurs ne peut, seule, être garante de la bienveillance de l’entreprise. En effet, les faiblesses des coopératives de grande ampleur ont déjà été mises en évidence dans d’autres filières agricoles. Dans le secteur laitier, par exemple, de nombreux éleveurs dénoncent la difficulté de pouvoir faire valoir leur avis dans la laiterie où ils sont coopérateurs. L’esprit coopératif ne peut, en effet, être respecté que dans des structures de taille raisonnable, ce qui est loin d’être le cas d’une société gérant 30 % du marché belge de la viande. L’affaire Veviba a finalement montré que c’est surtout la concentration de la filière qui est à l’origine de l’opacité de l’outil, ouvrant la porte à la fraude et rendant les grandes entreprises, notamment celles qui intègrent plusieurs outils de la chaîne de transformation, plus difficilement contrôlable par les autorités sanitaires.

Concentration de la filière viande

La Belgique a perdu un quart de ses abattoirs en quarante ans, il en reste aujourd’hui 41 actifs dans le pays. Les unités de transformation de la viande connaissent une évolution similaire avec une perte de 12 % des structures en à peine 7 ans. Cette diminution des acteurs s’accompagne d’un agrandissement des structures et des flux.

Nature & Progrès soutient l’idée d’une production locale pour une consommation locale et y ajoute  le développement d’outils locaux de transformation de taille raisonnable, aux mains des différents partenaires de la filière : éleveurs, bouchers et consommateurs.

Il est donc nécessaire de redéployer un réseau de lieux d’abattage et de transformation de petites et moyennes tailles en Wallonie. L’abattoir de Bastogne doit rester un outil de proximité. Afin d’assurer une couverture optimale de la région, de nouvelles structures d’abattage doivent être créées et l’opportunité que représente l’abattage à la ferme doit être concrétisée. Des sites de transformation doivent être accolés aux outils d’abattage afin de permettre aux éleveurs de faire découper et transformer la viande sur place et la proposer ensuite au consommateur local en vente directe ou par l’intermédiaire de bouchers.

La Wallonie a besoin de bouchers ! Il est donc urgent de valoriser davantage ce métier et de renforcer l’offre de formation dans ce domaine.

Quelques chiffres sur le réseau d’abattage en Wallonie (hors abattoirs à la boucherie) (2016)

Nom Commune Accès pts éleveurs Bio Bovins Caprins / Ovins Porcins
Lovenfosse Aubel 0 1 0 0 1
PQA Malmedy * 1 0 0 1
Abattoir com. Virton Virton 1 1 1 1 1
Abattoir de Charleroi Charleroi 1 1 1 1 1
Abattoir com. Ath Ath 1 1 1 1 1
AIMAC Chimay 0 1 1 1 1
Abattoir com. Aubel Aubel 1 1 1 1 0
Abattoir Mosbeux-Gofin Aywaille 1 1 1 1 0
AMB-Veviba Bastogne 1 1 1 1 0
Pegri Schlachthof St Vith 1 1 1 0 0
Euro Meat Group Mouscron 1 1 1 0 0
Wama Beef Ciney 1 1 1 0 0
Abattoir com. Gedinne Gedinne 1 1 1 1 1
Interc Abattoirs de Liège Liège 1 0 1 1 0
Lanciers Rochefort 1 0 1 0 0
13 9 7

* Uniquement pour les coopérateurs.

Volailles

Nom Commune Accès pts éleveurs Bio Volailles
Fournipac* Sclayn 1 1 1
Plukon Mouscron 0 1 1
Volailles Damien Pipaix 1 1 1
Ardenne Volaille Bertrix 1 1 1

* Fermeture imminente : pas de renouvellement du permis d’exploitation

Nature & Progrès soutient également l’idée d’une refonte de l’AFSCA. Le modèle de fonctionnement de l’Agence doit évoluer et s’adapter aux spécificités de la Wallonie : la coexistence d’acteurs industriels et artisanaux sur le territoire. En effet, la Wallonie connait une réelle explosion du nombre de producteurs fermiers, soit des agriculteurs qui transforment à la ferme leur lait, leur viande ou leurs fruits et légumes. Si l’Agence doit continuer à assurer la sécurité sanitaire des aliments, elle doit aussi participer au développement économique des filières alimentaires belges et wallonnes en travaillant à des solutions permettant à chaque entreprise, industrielle ou artisanale, d’avancer. Une telle évolution des missions de l’Agence nécessite une réelle restructuration impliquant les différents acteurs de la filière. La nouvelle agence Afsca doit être composée d’une branche traitant les structures industrielles et d’une branche traitant les structures artisanales, ces dernières étant un moteur de développement économique de notre région.

Quelques chiffres sur les producteurs fermiers (01/03/2018, source : AFSCA)

Province Nombre de producteurs fermiers
Région de Bruxelles-Capitale 3
Anvers 112
Brabant Flamand 121
Flandre Occidentale 275
Flandre Orientale 185
Limbourg 68
Total Région flamande 761
Brabant Wallon 82
Hainaut 389
Liège 137
Luxembourg 120
Namur 179
Total Région wallonne 907
Total Belgique 1671

La Wallonie est le terreau d’une alimentation de qualité, brillant notamment par la préservation de son artisanat et de son savoir-faire. Le développement de filières locales impliquant éleveurs, bouchers et consommateurs est une opportunité d’avenir pour la région.

Par S La Spina, Agronome chez Nature & Progrès
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