OMNIBUS VII : La santé et l’environnement sacrifiés sur l’autel de la « simplification »
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12 décembre 2025
Communiqué de presse
Un nouveau projet de loi omnibus est attendu ce 16 décembre. Il vise à faire sauter une série de mesures prévues dans le cadre réglementaire actuel pour protéger la santé et l’environnement de la toxicité des pesticides. Sous prétexte de faciliter la mise sur le marché des biopesticides et de simplifier les procédures d’autorisation actuelles, la Commission européenne propose un recul alarmant de la protection des citoyens et de l’environnement.
Plus de 50 organisations présentes en Belgique, y compris des syndicats agricoles, une mutuelle de santé et des organisations de la société civile, ont alerté leurs autorités sur les risques majeurs liés au projet de loi omnibus sur la sécurité des denrées alimentaires de la Commission européenne.[1] Derrière les objectifs affichés de « simplifier la procédure » et de « faciliter la mise sur le marché des biopesticides comme alternatives aux pesticides de synthèse », se cache en réalité un démantèlement des garanties actuellement en place pour protéger la santé publique et la sécurité environnementale lors de la mise sur le marché des pesticides.
La proposition concrète la plus inquiétante, au sein de ce package de “simplification”, réside dans l’octroi d’autorisations de pesticides à vie. Le système européen actuel limite les autorisations de substances actives à une durée initiale de 10 ans, renouvelables pour des périodes successives de 15 ans. Cette procédure de renouvellement périodique permet d’assurer la prise en compte “régulière” des nouvelles données scientifiques ; un mécanisme jugé “efficace” par la Commission elle-même en 2020, qu’elle s’apprête pourtant à faire sauter pour la majorité des pesticides actuellement sur le marché.
« Le système de réévaluation périodique a permis d’identifier et de retirer du marché, lors des réévaluations périodiques, de nombreuses substances particulièrement toxiques, comme le mancozèbe, un fongicide toxique pour la reproduction et perturbateur endocrinien, le chlorpyrifos, un insecticide neurotoxique, ou le flufénacet, un herbicide PFAS. Certes, le système actuel n’est pas parfait et la procédure de renouvellement des autorisations souffre de délais et d’insuffisances qui nécessitent de revoir les procédures[2], mais certainement pas de les supprimer », commente Virginie Pissoort de Nature et Progrès.
En marge de ce permis de polluer à vie, la proposition de la Commission européenne prévoit aussi de faire sauter l’obligation pour les États membres de prendre en compte les dernières données scientifiques lors de l’évaluation des produits. Alors même que la Cour de justice de l’UE [3] a récemment rappelé l’obligation de s’appuyer sur les connaissances scientifiques les plus récentes pour protéger la santé et l’environnement, il suffirait aux États membres de se baser sur les données fournies, parfois des années plus tôt, lors de l’évaluation de la substance active, révèle le document qui a fuité de la DG Santé. Enfin, pour ne citer que les mesures les plus critiques, la Commission européenne propose un rallongement des « périodes de grâce », pour laisser l’industrie écouler les produits interdits parce que jugés dangereux (3 années, contre 18 mois aujourd’hui).[4].
La Commission européenne, tirant profit de la nécessité d’accélérer et de simplifier la mise sur le marché des biopesticides (produits de biocontrôle) pour l’avenir de l’agriculture européenne, détricote les procédures de mise sur le marché des pesticides chimiques, marquant un recul notoire de la prise en compte des enjeux sociétaux actuels. Pourtant, la population européenne réclame davantage de protection contre les pesticides, conformément aux différents sondages, baromètres et enquêtes sur le terrain,[5] et les agriculteurs ne sont pas sourds à cette demande.
« On l’a pointé lors des auditions au Parlement wallon, l’homologation des pesticides de synthèse pose question. Les agriculteurs respectent les réglementations, utilisent des produits homologués conformément aux autorisations, et pourtant les problèmes environnementaux et sanitaires sont réels. S’il est nécessaire de simplifier les procédures de mise sur le marché de produits de biocontrôle, nous ne pouvons accepter de voir disparaître les procédures de renouvellement périodique des pesticides ». précise Hugues Falys, porte parole de la FUGEA, fédération unie de groupement d’éleveurs et agriculteurs.
Il est nécessaire de revoir l’évaluation des risques des pesticides dans une tout autre direction que celle proposée : prendre enfin en compte les effets synergiques et cumulatifs (effet cocktail), les effets sur le microbiote, tous les métabolites de pesticides, cesser les successions de prolongations administratives en l’absence d’évaluation des risques finalisée, etc.
« Les preuves des impacts négatifs des pesticides sur la santé, la biodiversité et les ressources en eau continuent de s’accumuler ; il est évident que nous avons aujourd’hui besoin de plus de protection, pas moins. Affaiblir les règles aujourd’hui, c’est tourner le dos à l’intérêt général et mettre en danger des millions de personnes. » ajoute Céline Bertrand de la Société scientifique de médecine générale.
La réforme omnibus VII met en péril le principe de précaution et expose durablement les citoyens, les travailleurs agricoles et l’environnement à des risques évitables. Les organisations listées en annexe en appellent aux autorités politiques pour refuser ce recul majeur.
[1] RETIF : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52020DC0208
[2] Pour résoudre les lenteurs de la procédure d’évaluation des réévaluations périodiques, plusieurs mesures sont préconisées : Les Etats membres devraient refuser d’analyser les dossiers incomplets ou non qualitatifs, mais aussi augmenter les redevances d’évaluation et affecter tous les montants perçus aux coûts nécessaires à l’évaluation des risques (ressources humaines, …)
[3] 25042024_PR_EU Court_member states do not properly carry out pesticide assessments.pdf
[4] Plus d’informations sur les mesures ici : https://www.generations-futures.fr/actualites/omnibus-7-briefing/briefing-omnibus7/
[5] Voir à ce titre les consultations, baromètres, ou encore lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe ou des deux initiatives citoyennes européennes couronnées de succès, ou encore un sondage d’opinion IPSOS auprès de 5 Etats membres
Annexe 1 : Liste des organisations signataire d’un courrier à tous les ministres belges de la santé, de l’environnement et de l’agriculture, à tous les parlementaires européens belges, et à la Commissaire européenne Hadja Lahbib, pour les appeler à rejeter les propositions de dérégulations des règles actuelles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques proposées par la DG Santé, sous l’Omnibus VII. : https://www.natpro.be/wp-content/uploads/2025/12/Annexe-1-CP-Omnibus-VII-12122025.pdf

















