Notre rapport avec PAN Europe

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Le rapport « La Belgique, le royaume des pesticides » dresse un état des lieux critique de la situation dans notre pays en matière de pesticides et dénonce certaines pratiques de l’administration fédérale en charge de l’évaluation et de l’autorisation des pesticides, incompatibles avec le règlement européen sur les pesticides qui impose un haut niveau de protection de la santé de la population et de l’environnement. De plus, de telles pratiques viennent contredire l’objectif de réduction des pesticides prévu dans l’Accord de gouvernement.

Pour tenter d’expliquer pourquoi notre pays est l’un des plus mauvais élèves en termes d’utilisation de pesticides en Europe, PAN Europe et Nature & Progrès Belgique se sont penchées sur les pratiques défaillantes de la Direction générale Animaux, Végétaux et Alimentation du SPF Santé Publique, sous la tutelle du ministre fédéral de l’Agriculture.

 

La belgique, mauvaise élève

• Un tiers des autorisations sont octroyées à des pesticides classés cancérigènes, toxiques pour la reproduction, nocifs pour les bébés nourris au lait maternel, et/ou toxiques pour certains organes à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée
• 26 % des autorisations de pesticides en Belgique sont données à des produits classés cancérigènes et/ou toxiques pour la reproduction, soit plus de 400 autorisations
• 16 % des pesticides autorisés en Belgique sont susceptibles d’altérer les fonctions sexuelle et reproductive et impactent potentiellement le développement du foetus
• 16 fongicides toxiques pour les bébés nourris au lait maternel sont autorisés en Belgique
• 10 % de pesticides « très toxiques » parmi les pesticides « amateurs » autorisés en Belgique
• Un quart des pesticides autorisés en Belgique sont des pesticides hautement toxiques (candidats à la substitution) qui devraient être remplacés par des alternatives plus sûres
• Plus de 300 pesticides commercialisés en Belgique contiennent au moins une substance active identifiée comme hautement toxique au niveau européen
• 34 % des fruits et légumes belges contaminés par au moins un pesticide hautement toxique entre 2011 et 2019 – dont 87 % des poires et 53% des pommes contaminés en 2019 – soit une augmentation de 53% en 9 ans
• La Belgique est le 8ème pays ayant le plus dérogé à une interdiction de pesticides au niveau européen pour protéger la santé et l’environnement entre 2019 et 2022
• Le nombre de dérogations d’urgence en Belgique a augmenté de plus de 350 % entre 2011 et 2020. A titre de comparaison au niveau européen, le nombre d’autorisations d’urgence a augmenté de plus de 300% entre 2011 à 2018 en Europe contre plus de 400% en Belgique pour la même période.

 

L’inaction belge en matière de substitution des pesticides les plus dangereux
Du fait de la reconnaissance au niveau européen de leur extrême dangerosité pour la santé et l’environnement, le règlement européen sur les pesticides conditionne la disponibilité de certains pesticides à l’absence de produits moins toxiques ou d’alternatives non chimiques.

Mais plutôt que d’organiser leur disparition progressive en promouvant les méthodes de protection des cultures plus soutenables, l’administration belge soustrait arbitrairement depuis 2015 de nombreux pesticides hautement toxiques à cette obligation de substitution, et ce, en contradiction totale avec les dispositions légales européennes (Article 50 du Règlement (CE) n° 1107/2009). Autrement dit, l’administration belge permet aux entreprises agrochimiques de continuer à vendre ces produits toxiques sans rechercher d’alternatives plus sûres. Pour cela, il leur suffit, par exemple, de faire une demande d’autorisation incluant au moins une petite culture, représentant actuellement 85 % des autorisations concernées. Cette pratique est contraire aux lois européennes.

Julie Van Damme, secrétaire générale de Nature & Progrès Belgique : « Avec ce système, les agriculteurs ont une marge de manoeuvre réduite, l’administration fédérale ne leur permettant pas d’avoir accès à des alternatives efficaces et sûres, pour leur production mais aussi pour leur santé. »

 

Des dérogations d’urgence en augmentation de plus de 350 % depuis 2011
Lorsque l’Union européenne interdit un pesticide en raison de ses effets nocifs sur la santé ou l’environnement, elle permet aux Etats membres de déroger à cette interdiction sous certaines conditions et pour une période de 120 jours. Cependant, le SPF Santé a régulièrement recours à cette procédure de dérogation d’urgence alors même que des alternatives existent.

L’administration a notamment utilisé cette disposition pour prolonger l’utilisation de pesticides tels que le fongicide Mancozèbe et l’herbicide Asulam, en sursis ou interdit au niveau européen pour leur toxicité excessive. Ce faisant, l’administration contourne la procédure ordinaire et ne favorise pas la recherche de solutions alternatives.

« En multipliant les recours abusifs aux dérogations d’urgence, non seulement l’administration ne favorise pas la recherche de solutions non-chimiques mais elle donne un faux message aux agriculteurs : il n’existerait soi-disant pas d’autres solutions que les pesticides chimiques de synthèse pour protéger leurs cultures. », précise Isabelle Klopstein, chargée de campagne de sensibilisation à Nature & Progrès.

Non seulement les demandes de dérogations ne sont pas fournies en fonction du respect de la législation sur les situations d’urgence mais une évaluation approfondie, qui permettrait un haut niveau de protection de la santé humaine, animale et de l’environnement est, d’après les documents étudiés, complètement absente des pratiques de l’administration.

Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe indique : « L’administration accepte les arguments avancés par les demandeurs de dérogations sans exiger d’études chiffrées ou des résultats d’études en champs pour étayer ces arguments. Il suffit apparemment de mentionner le mot-clé « non-rentable » ou « résistance » pour que la dérogation soit accordée. »

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Le colloque à la chambre des représentants

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Problématique des nouveaux OGM

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Bruxelles, le 27 mars 2023 : Nature & Progrès, PAN Europe ainsi que Canopea organisent un colloque à la chambre des représentants. Ce colloque vise à identifier un certain nombre de dysfonctionnements dans les procédures d’autorisations de pesticides, tout en mettant en avant des solutions pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé des citoyens et des agriculteurs.

Cinq personnes ont pris la parole durant ce colloque : Isabelle Klopstein (Chargée de campagne de sensibilisation chez Nature & Progrès), Martin Dermine (Directeur exécutif de Pesticide Action Network (PAN) Europe), Heleen de Smet ( chargée de plaidoyer et porte-parole de Bond Beter Leefmilieu (BBL)), Sarah de Munck (chargée de mission Santé chez Canopea) et Charles-Albert de Grady (agriculteur à Horion-Hozémont en province liégeoise et membre fondateur de la coopérative ORSO). La première partie était orchestrée par Séverine de Laveleye (Ecolo, Députée de la Chambre des représentants de Belgique) et a bénéficié de l’intervention de Marc Fichers (expert pesticides chez Nature & Progrès). La seconde partie par Marie Arena (PS, eurodéputée).

L’événement a attiré une cinquantaine de personnes, notamment des députés, des journalistes et des membres et représentants d’ONG et associations environnementales.

Retrouvez ici le replay des présentations

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