Plan Bee : bilan de 3 années en faveur de la biodiversité

Plan Bee visite publique 2022

© Nature & Progrès : visite publique Plan Bee 2022

Comment favoriser la biodiversité, produire une eau exempte de résidus de pesticides et avoir une agriculture rentable ? C’est à cette question que Nature & Progrès a voulu répondre dans le cadre du projet Plan Bee.

Encourager un système agricole exempt de pesticides chimiques de synthèse en parallèle à l’implantation de mesures accueillant la biodiversité et de ressources florales est primordial ! L’intégration de cultures mellifères/entomophiles (sarrasin, bourrache, moutarde, fleurs sauvages, etc.) dans les assolements agricoles testée sur les terrains Plan Bee s’est avérée rentable tout en nourrissant nos pollinisateurs et auxiliaires des cultures qui sont des solutions pour pouvoir se passer des pesticides.

Comme elles sont de bons indicateurs de notre environnement, durant 3 ans, des abeilles mellifères & solitaires ont sillonné 5 sites d’étude Plan Bee, des sites de captage d’eau de la Société Wallonne des Eaux. Elles ont permis d’évaluer l’état de l’environnement proche et éloigné en matière de pesticides et ressources florales. Elles offrent ainsi aux acteurs de la protection des ressources en eau, une méthode de signalisation des sites à risques de contamination par les pesticides.

Objectif 1 : augmenter l’(agro)-biodiversité

L’objectif principal du Plan Bee est d’étudier la faisabilité agronomique, apicole et économique d’implanter des cultures mellifères sans pesticides sur de grandes surfaces pour produire du miel et des produits dérivés tout en favorisant l’entomofaune sauvage. Une collaboration apiculteurs/agriculteurs a été développée pour diversifier les produits agricoles. Les cultures mellifères peuvent être valorisées en semences, farines, huiles, condiments, engrais verts, etc. Les arbres, haies et autres vivaces constituent aussi des ressources pour la production de miel et l’accueil de la faune. La demande de miel étant plus grande que l’offre en Wallonie, il est important de favoriser ces cultures mellifères et l’apiculture wallonne. De plus, des grandes zones non-agricoles comme les sites de captages d’eau peuvent aussi être des lieux de biodiversité et servir de ressources alimentaires pour les abeilles.

Résultat : Ces premiers essais sont encourageants ! Nature & Progrès continue à œuvrer afin de développer l’agriculture biologique, les alternatives aux pesticides et diversifier les produits agricoles par l’implantation de cultures mellifères.

Objectif 2 : évaluer l’état de l’environnement à l’aide des abeilles

Le second objectif du Plan Bee était d’étudier l’état de notre environnement à l’aide des abeilles mellifères et osmies (abeilles solitaires). Un environnement sain est indispensable pour leur survie. Les abeilles mellifères ont un rayon de butinage de l’ordre de 3 km alors que les osmies ont un rayon de butinage de 300 m. Les secondes nous donnent donc l’état de l’environnement sur une plus petite distance. Quelles fleurs les abeilles ont-elles butinées [1] ? Quels sont les résidus de pesticides relevés par les abeilles sur les différents sites Plan Bee ? [2] Les résultats ont ensuite été comparés avec les analyses de résidus de pesticides retrouvés dans les eaux de captage [3] et dans le sol [4]. Cela a permis de déceler les contaminants auxquels une population (humaine, d’abeilles) est effectivement exposée. En ce compris les « effets cocktails » de ces contaminants dont les risques toxiques sont évalués individuellement alors que leurs effets devraient être analysés ensemble.

Résultat 1 : de nombreux résidus de pesticides en régions de grandes cultures…

Des résultats marquants en termes de présence de pesticides ont été observés en comparant les sites dont les environnements sont très différents : Orp-Jauche, une région de grandes cultures où les céréales, pommes de terre, betteraves et autre légumes plein champ conventionnels sont bien présents et Ciney, une région de terres d’élevage où les prairies et cultures céréalières (de plus en plus bio) dominent.

Dans le pain d’osmies , nous avons retrouvé à des concentrations élevées principalement des résidus d’herbicides pour les différents sites, excepté à Ciney où les herbicides sont à l’état de traces. Il s’agit surtout d’herbicides appliqués en culture de betterave, pomme de terre, légumes, céréales, maïs ou fruitiers et du tristement connu glyphosate. Quelques résidus de fongicides ont été retrouvés à des concentrations élevées (à Orp-Jauche, Thiméon et Ciney) principalement là où il y avait du colza ou des céréales proches des hôtels d’étude. En termes de résidus d’insecticides, nous avons des insecticides utilisés en fruitiers ou pommes de terre qui reviennent souvent à l’état de traces ou à de concentrations plus élevées à Orp-Jauche.

Les abeilles mellifères ont butiné une diversité de plantes plus importante que les osmies étant donné leur période de butinage plus étendue et leur rayon de butinage plus élevé. Néanmoins, nous constatons que de nombreuses plantes ont été butinées par les deux. Elles ont donc pu partager leurs ressources.

Dans leur pollen et pain d’abeille , nous avons observé principalement des résidus de fongicides et herbicides à des concentrations élevées et parfois supérieures à la Limite Maximale de Résidus (LMR) autorisées dans le pollen destiné à la consommation humaine, mais également des résidus d’insecticides. Il s’agit en général des mêmes molécules que celles retrouvées dans le pain d’osmies avec en plus des pesticides appliqués en été. A Ciney, les résidus de pesticides étaient nettement moins nombreux et à l’état de traces.

–> Les osmies comme les abeilles mellifères ont été exposées à des pesticides appliqués sur des cultures attractives aux pollinisateurs mais également des pesticides appliqués sur des cultures non attractives. Cela suppose qu’en plus d’une contamination directe du pollen, une contamination du pollen butiné via des dérives de ces pesticides sur plantes voisines ou à travers des plantes indésirables s’est produite.

Résultat 2 : certains de ces résidus de pesticides se retrouvent également dans les eaux de captage

Plusieurs pesticides détectés dans les substrats d’abeilles (ou leurs métabolites) ont également été détectés dans les eaux de captage et le sol, et y sont persistants. Certains ont déjà été retirés du marché, d’autres y sont toujours. Il faudra attendre plusieurs années pour que certains pesticides appliqués dans le passé disparaissent de nos eaux de captage. Il est grand temps d’interdire ceux qui sont encore sur le marché.

Toutes les substances retrouvées dans les substrats d’abeilles ne sont pas systématiquement recherchées dans l’eau. Une analyse doit être réalisée pour voir si ceux-ci peuvent arriver jusqu’aux nappes d’eau souterraines pour éventuellement étendre les recherches. Certaines se trouvent sur la liste des 12 pesticides dangereux pour la santé de l’Homme ou l’environnement pour lesquelles l’Europe a demandé des candidats à la substitution.
Le Plan Bee vient de prouver que les abeilles sont un indicateur de l’environnement intéressant pour jauger la présence de pesticides dans l’environnement et ainsi signaliser les sites à risques de contamination. Les abeilles sont nos alliées, protégeons-les !

Mettons en avant les alternatives aux pesticides !

Les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse sont déjà bien développées chez nos agriculteurs wallons. Il reste néanmoins encore de nombreuses terres à libérer et à aménager avec des ressources florales. La meilleure issue pour réduire les coûts d’assainissement de l’eau, ce sont : des producteurs faisant le pari d’une production sans pesticides et des apiculteurs qui collaborent pour augmenter les rendements, éclairés par les structures de soutien existantes et soutenus par des consommateurs soucieux de leur santé et de leur environnement.

[1] Analyses réalisées par le Centre Apicole de Recherche et d’Information (CARI) et le Centre wallon de Recherches agronomique (CRA-W)
[2] Analyses réalisées par le CRA-W
[3] Analyses réalisées par la SWDE
[4] Réalisées par le CRA-W et l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP)

Fin des dérogations pour les néonicotinoïdes : c’est bien mais Nature & Progrès en veut plus

abeilles néonicotinoïdes

© Adobe Stock, tous droits réservés (abeille néonicotinoïde)

Le Ministre fédéral de l’Agriculture David Clarinval a enfin posé un geste pour l’environnement : fini les dérogations abusives pour les semis de betteraves à sucre enrobés de néonicotinoïdes, ces pesticides tueurs d’abeilles. Nature & Progrès et PAN Europe (Pesticide Action Network Europe) saluent la démarche mais en veulent plus. Nous attendons du Ministre qu’il mette un terme aux dérogations fournies pour l’exportation de semences traitées aux néonicotinoïdes ainsi que toute dérogation aux restrictions européennes sur les nouveaux néonicotinoïdes. 

Cela fait vingt ans que Nature & Progrès agit pour protéger les abeilles des dégâts occasionnés par l’utilisation des insecticides néonicotinoïdes, malgré l’entêtement du secteur betteravier et des autorités. Au terme de nombreuses actions, trois insecticides tueurs d’abeilles (le thiaméthoxame, l’imidaclopride et la clothianidine) ont finalement été interdits par l’Europe en 2018, suivis en avril dernier par le sulfoxaflor, insecticide au même mode d’action susceptible d’occasionner les mêmes dégâts environnementaux.

La Belgique a honteusement passé outre ces interdictions, les autorisant en plein champs sous le régime des dérogations… Il était temps que le pays s’aligne sur les décisions européennes adoptées dans l’intérêt de l’environnement et des polinisateurs !

En Belgique, l’enrobage des semences de betteraves sucrières par des néonicotinoïdes est chose courante en agriculture conventionnelle pour lutter contre la jaunisse de la betterave transmise par les pucerons. Un problème évitable pour la biodiversité lorsque l’on sait que des alternatives efficaces existent.

Si un pesticide nuit aux insectes polinisateurs, qu’est-ce qui justifie que la Belgique l’autorise ailleurs ?

Si le Ministre de l’Agriculture montre le souhait de ne plus polluer le pays, il serait logique de prendre les mêmes mesures à l’extérieur. Pourtant, deux autorisations d’urgence (Thiamétoxam et Imidaclopride) vient une nouvelle fois d’être octroyée pour le traitement et l’exportation de semences traitées aux néonicotinoïdes vers des pays tiers, dont les pays européens. Comment se satisfaire d’une victoire aussi peu glorieuse ?

En 2022, SOS Faim a lancé la campagne choc « Interdits ici, exportés là-bas : mortels partout ! ». Elle se penche sur la question des exportations de pesticides interdits et le rôle majeur que joue la Belgique dans ce commerce toxique et immoral, causant, dans le monde, un désastre humain et écologique.

Qu’en est-il des autres pesticides interdits plus récemment comme le sulfoxaflor ?

Nature & Progrès et PAN Europe sont également préoccupées par la possible autorisation temporaire de cet insecticide de type néonicotinoïde utilisé en betterave, et tout aussi nocif, sinon plus car appliqué par pulvérisation. La Commission européenne a limité son utilisation aux serres permanentes en avril 2022. Le Ministre pourrait néanmoins décider d’octroyer de nouvelles dérogations au sulfoxaflor en 2023 comme il l’a déjà fait cette année. En soutenant la décision de restriction européenne, le Ministre reconnaissait pourtant qu’un risque pour les abeilles lié à l’utilisation du sulfoxaflor en plein air ne pouvait pas être exclu.

Vers des moyens de lutte alternatifs

Les dérogations, octroyées sous la pression de l’industrie sucrière pour garantir ses rendements, ont donné un faux message aux agriculteurs betteraviers : il n’existerait soi-disant pas d’autres solutions que les néonicotinoïdes pour protéger leurs cultures.

Or, les alternatives aux néonicotinoïdes sont diverses et reposent en grande partie sur la combinaison de plusieurs méthodes préventives, associées à des mesures bien connues en bio, comme celles utilisées par les producteurs de la coopérative belge Organic Sowers (Orso). Pour préparer la culture à affronter ces menaces, les producteurs d’Orso utilisent notamment la technique du faux semis, l’allongement des rotations – de cinq à sept ans – et l’intégration de cultures de printemps et d’automne. Le choix d’une variété plus résistante aux maladies est fortement préconisé – même s’il n’y a pas encore de véritables variétés résistantes, comme on peut les trouver en pommes de terre avec les variétés robustes, par exemple.

Les étapes à venir

En 2019, 2020 et 2021, Nature & Progrès et PAN Europe ont déposé 3 recours devant le Conseil d’Etat contre les dérogations successives de néonicotinoïdes interdits au niveau européen mais autorisés en Belgique. Conformément aux demandes des 2 associations, le Conseil d’Etat a demandé l’avis de la Cour de Justice de l’Union européenne pour mieux clarifier les limites du système de dérogations, et notamment la possibilité d’en fournir tous les ans ou bien de fournir des dérogations pour des pesticides supposés interdits car hautement toxiques. Après l’avis de l’Avocate générale de septembre dernier, un arrêt de la Cour est attendu pour le 19 janvier. Après ces dates, l’affaire reviendra devant le Conseil d’Etat qui devra trancher sur la validité des dérogations de néonicotinoïdes en Belgique.

 

Les grandes dates de l’histoire des néonicotinoïdes

  • 2001 : les premières recherches sur la toxicité des néonicotinoïdes sur les abeilles sortent. La toxicité de l’imidaclopride est reconnue pour la première fois.
  • 2006 : l’indifférence des pouvoirs publics belges amène Nature & Progrès à organiser une grande journée d’étude à Namur. L’association renouvelle sa demande d’application urgente du principe de précaution et de suspension immédiate de l’imidaclopride sur tout le territoire belge.
  • 2007 : A la Direction Générale de la Santé des Consommateurs de la Commission européenne, on se dit prêt à revoir les méthodes d’évaluation, sur un avis “d’expert”. Un groupe de travail « Risques des pesticides pour les abeilles » se réunit. Trois malheureux citoyens apiculteurs se retrouvent en face de sponsors qui ne sont autres que BASF-Agro, Syngenta, BayerCropscience, etc. Les sous-groupes (dont 2 des 3 présidents sont issus de compagnies phytopharmaceutiques) comptent au moins deux participants issus desdites compagnies.
  • 2012 : enfin, un groupe de travail de l’EFSA rédige un avis scientifique constatant que la toxicité des pesticides mis sur le marché n’a pas été correctement évaluée.
  • 2013 : Suite à l’avis de l’EFSA sur les risques associés à l’utilisation de trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame), la Commission européenne interdit le 29 avril 2013 leur usage pour les cultures attractives pour les abeilles. Collaborant désormais avec PAN Europe, Nature & Progrès se réjouit de la décision européenne. Leur utilisation par les particuliers n’est désormais plus non plus autorisée.
  • 2015-2016 : la France et l’Allemagne interdisent les néonicotinoïdes. La Belgique, elle, discute toujours, forte d’un secteur betteravier pour qui le devenir des abeilles importe peu.
  • 2018 : l’EFSA publie enfin une évaluation montrant que la plupart des utilisations de néonicotinoïdes présentent un risque pour les abeilles sauvages et mellifères. Les États membres de l’UE adoptent la proposition de la Commission interdisant 3 néonicotinoïdes : clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame. Bien entendu, une interdiction européenne d’utiliser un pesticide est toujours assortie d’une possibilité de dérogation… Le Ministre fédéral de l’Agriculture de l’époque, Denis Ducarme, autorisa dans la foulée, sur la base de la dérogation de cent vingt jours, les trois néonicotinoïdes incriminés en cultures de betteraves, chicorées, carottes et laitues… C’en est trop pour Nature & Progrès et PAN Europe. Les associations déposent une requête en annulation de la dérogation Ducarme. C’est la justice qui tranchera !
  • 2022 : après 3 années consécutives de dérogations, en novembre 2022 une nouvelle ère s’ouvre sans néonicotinoïdes en Belgique. Affaire à suivre !

PAN Europe et Nature & Progrès introduisent un recours en justice contre les autorisations systématiques des pesticides les plus toxiques en Belgique

abeille morte pesticide

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Les ONGs belge et européenne Nature & Progrès et PAN Europe ont conjointement demandé au Conseil d’Etat belge qu’il suspende immédiatement l’autorisation de deux insecticides à base de Cyperméthrine. Pour les ONGs, ces autorisations ne sont pas conformes à la réglementation européenne sur les pesticides. Les autorités belges exposent systématiquement et sans fondement légal les citoyens et l’environnement à de nombreuses substances particulièrement toxiques pour lesquelles des alternatives existent.

Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe a commenté : “La cyperméthrine est une substance réputée particulièrement toxique pour les abeilles et les espèces aquatiques, et hautement suspectée de perturbation endocrinienne chez l’humain.

Sous la pression de plusieurs Etats membres, la substance a été renouvelée pour sept ans de plus par la Commission européenne en 2021, à la condition que sa mise sur le marché soit désormais plus strictement régulée.

Marc Fichers, secrétaire général de Nature & Progrès Belgique a expliqué : “Depuis son renouvellement européen, la cyperméthrine a été identifiée par l’UE comme appartenant à la catégorie des pesticides les plus dangereux pour la santé humaine et pour l’environnement. Ces substances ne peuvent être autorisées par les Etats membres dans un produit pesticide que lorsqu’il a été démontré qu’elles ne peuvent pas être remplacées par une ou des alternatives plus sûres pour la santé humaine et l’environnement.”

Dans les autorisations attaquées (voir les pages web phytoweb dédiées: APHICAR 100 EW et SHERPA 100 EW), les autorités belges n’ont pas pris la peine de conduire d’évaluation comparative du produit contenant la cyperméthrine et des alternatives chimiques et non chimiques disponibles. Contrairement à ce que leur impose le Règlement européen, elles ont renoncé à l’idée même d’une substitution de ces produits, qui ont à la place été autorisés sur un spectre large de culture dont des céréales, des choux et les vignes.

En raison de la toxicité de la substance, les ONGs ont déposé auprès du Conseil d’Etat une demande de suspension en extrême urgence de ces deux autorisations.

Salomé Roynel, chargée de campagne chez PAN Europe a conclu : “La procédure belge est conçue pour empêcher toute forme de substitution de ces pesticides les plus toxiques par des alternatives plus sûres. Nous demandons au Conseil d’Etat belge de sanctionner cette pratique qui est contraire à la réglementation européenne sur les pesticides et expose donc sans fondement légal les citoyens et l’environnement à cette substance particulièrement toxique, comme à tant d’autres”.

La procédure belge dénoncée par les ONGs est décrite dans des lignes directrices nationales qui, en plus de transposer les recommandations européennes, créent une série de conditions nationales dans lesquelles la Belgique pourrait se soustraire à son obligation de substitution des pesticides les plus toxiques.

En mai 2022, la Belgique s’est illustrée comme l’Etat membre dans lequel les résidus de ces pesticides les plus toxiques sont les plus fréquemment retrouvés.

Contexte

La cyperméthrine est une substance insecticide appartenant à la famille des pyréthrinoïdes. Elle est largement utilisée en agriculture pour lutter contre un large spectre d’espèces dont les pucerons, les chenilles, les charançons et les mouches.

La substance a fait l’objet d’une première approbation au niveau européen en 2005 pour 10 ans. A la suite de retards récurrents dans sa procédure de réévaluation, sa période d’expiration a été prolongée cinq fois, jusqu’à son renouvellement en 2021 en tant que substance dont on envisage la substitution.

En Belgique, la cyperméthrine est utilisée sur un grand nombre de céréales dont le froment, l’orge, l’avoine, l’épeautre et le seigle – ainsi que sur les légumes (dont les choux et les pommes de terre), la vigne et les plantes ornementales. Les autorités compétentes belges n’ont jamais appliqué la substitution ni pour cette substance, ni pour aucune autre.

La cyperméthrine a été listée par PAN Europe parmi les 12 substances les plus toxiques, pour lesquelles l’ONG réclame une interdiction immédiate.

Du nouveau en janvier 2023

Suite à la demande de suspension déposé en extrême urgence en décembre, Nature & Progrès et PAN Europe, rejoints par Bond Beter Leefmilieu, poursuivent leur requête devant le Conseil d’Etat pour que soient annulées deux autorisations d’insecticides à base de cyperméthrine, une substance létale pour les abeilles et très toxique pour les espèces aquatiques. Il s’agit aussi d’un perturbateur endocrinien pour l’être humain qui réduit les niveaux d’hormones stéroïdiennes et cause des dommages à la reproduction. Identifiée en 2021 comme très toxique par l’Union européenne, la cyperméthrine, en tant que pesticide dit « candidats à la substitution », ne peut être autorisée qu’en l’absence d’alternatives plus sûres. Or, les autorités belges n’ont ni évalué les possibilités de substitution ni démontré que des alternatives (chimiques ou non chimiques) n’existent pas ou ne sont pas adaptées. En Belgique, la cyperméthrine est notamment autorisée en pomme de terre contre le doryphore et contre le criocère des céréales. Pour Nature & Progrès, PAN Europe et Bond Beter Leefmilieu ces autorisations sont illégales et doivent donc retirées.

La Wallonie doit garantir des conditions d’utilisation des pesticides à même de protéger sa population

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Le Bio inscrit son histoire dans le refus d’une agriculture chimique. En Belgique, les producteurs et consommateurs de Nature & Progrès ont été partie prenante de cette évolution. Animés par un idéal commun, ils ont alerté contre les dangers d’une agriculture chimique, fait connaitre et progresser l’agriculture biologique. Mais malgré le développement du Bio, les dérives de pesticides de synthèse s’accumulent dans l’environnement et contaminent l’air, les sols et les lieux de vie.

Si l’industrie de la chimie fabrique des produits de plus en plus toxiques (quelques dizaines de grammes à l’hectare pouvant suffire à éradiquer insectes et adventices), elle a jusque-là lamentablement échoué à innover pour contenir la migration de pesticides à risque hors des lieux de traitement.

En Belgique, l’irresponsabilité de l’industrie face aux dérives de leurs produits se combine à une administration permissive vis-à-vis des pesticides liés à des nombreuses maladies chroniques comme les cancers, ainsi qu’à des effets sur le système immunitaire, le développement cérébral, la thyroïde et les maladies neurodégénératives.

Des mesures anti-dérives qui ne protègent pas la population

L’exposition environnementale (non alimentaire) de la population wallonne aux pesticides a été analysée entre 2016 et 2018 (Propulppp et Expopesten). Les résultats de ces études ont confirmé la présence de pesticides à usage agricole dans les lieux de vie des wallons (cours d’écoles, salles de classe, jardins privés et habitations). Les enfants vivant dans des zones d’expositions sont contaminés par des insecticides perturbateurs endocriniens pouvant induire des problèmes de développement cérébral, autisme, obésité, diabète et cancers.

La campagne de biosurveillance wallonne menée en 2021 a révélé que plus de 90% des adultes et adolescents participants était contaminé par un produit de dégradation (métabolite) d’insecticides neurotoxiques susceptibles notamment d’altérer le développement cérébral du fœtus et d’affecter les apprentissages et le comportement ultérieur des enfants. Le glyphosate, interdit d’usage dans la sphère privée depuis juin 2017 (toujours utilisé par Infrabel pour désherber les chemins de fer), a été retrouvé dans un quart des échantillons. D’autres pesticides, bien qu’interdits depuis plusieurs décennies, ont également été détectés chez 20% des participants.

Comment en finir avec la dérive de pesticides hors des zones de traitement ?

Nature & Progrès s’investit pour mettre un terme à la contamination de nos paysages et de nos lieux de vie. Une cause partagée par d’autres organisations de protection de l’environnement comme nos partenaires wallons et européens : Canopea (ex IEW) et Pesticide Action Network Europe (PAN Europe). Ensemble, nous agissons sur deux plans :
– auprès des autorités fédérales pour les conditions d’autorisation des pesticides les plus nocifs
– auprès des autorités wallonnes pour les conditions d’utilisation de ces pesticides

Au fédéral, Nature & Progrès dénonce les conditions d’autorisations de pesticides nocifs pour la santé et l’environnement

Nature & Progrès intervient régulièrement pour dénoncer les autorisations abusives des pesticides les plus dangereux pour l’environnement et la santé et pour lesquels aucune mesure de réduction du risque n’est compatible avec les pratiques agricoles. C’est le cas du sulfoxaflor, un insecticide très toxique pour les abeilles, dont l’autorisation a été conditionnée à la gestion des plantes adventices visitées par les abeilles. Mais est-il réaliste d’attendre des agriculteurs qu’ils contrôlent la floraison des plantes adventices avant chaque pulvérisation ?

Avec PAN Europe, nous avons intenté trois actions en justice pour nous opposer aux dérogations d’insecticides interdits : les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. Celles-ci sont toujours en cours et ont été portées devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Au niveau wallon, Nature & Progrès déplore une ambition de mise en œuvre très insuffisante

Bien que les grandes lignes encadrant l’utilisation des pesticides aient été définies dès 2018, Nature & Progrès déplore une ambition de mise en œuvre largement insuffisante :

  • les pulvérisations de pesticides sont interdites lorsque la vitesse du vent est supérieure à 20 km/heure alors que même les fabricants de pesticides les déconseillent au-delà de 18 km/heure
  • de même, la pulvérisation est interdite autour des lieux fréquentés par les publics sensibles mais rien n’est prévu pour les lieux d’habitation : un enfant est donc plus protégé dans une cour de récréation que dans son jardin ! De plus, les dit lieux n’ont pas encore été définis !

Conscients des manquements liés aux conditions d’utilisation des pesticides en Wallonie, nous avons contacté, dès son entrée en fonction, la Ministre wallonne de l’Environnement pour qu’elle organise la révision de cet Arrêté. A minima, nous souhaitons que soient précisées les conditions d’utilisation des pesticides et une interdiction de leur usage près des lieux d’habitation et de fréquentation par les publics sensibles.

Inquiets par la lente avancée de ce dossier et par le risque que cette révision ne soit plus possible sous cette législature, nous avons contacté la Ministre pour l’informer de l’urgence de continuer le travail entamé par ses prédécesseurs afin de rendre effectif l’Arrêté d’utilisation des pesticides et d’enfin garantir une gestion des conditions d’utilisation des pesticides.

Nature & Progrès s’interroge sur les modalités de contrôle des mesures anti-dérives en région wallonne

Le contrôle du respect de la mise en œuvre des conditions d’utilisation est également de la responsabilité de la ministre de l’Environnement de la Région wallonne.

Nature & Progrès a donc récemment adressé un courrier à la Ministre, lui demandant des précisions sur :

  • les modalités du contrôle de l’utilisation des pesticides
  • la manière dont ces mesures de prévention sont mises en œuvre par les utilisateurs de pesticides, notamment les mesures anti-dérives et le respect des distances de traitement
  • la mise en œuvre de conditions de protection des zones refuges pour l’entomofaune (haie, surface semée de plantes mellifères) en bordure de parcelles traitées
  • les résultats des contrôles effectués auprès des utilisateurs de pesticides durant les deux dernières années
  • la mise en place de mesures concrètes de protection de l’environnement et de la biodiversité

Il est également temps de responsabiliser les firmes fabricants les pesticides quant à la dispersion de leurs produits dans l’environnement : si la dérive d’un pesticide ne peut être contrôlée, ce pesticide ne devrait tout simplement pas être autorisé.

Une agriculture sans glyphosate : le quotidien des agriculteurs bio

Culture BIO mélange trèfle blanc-dactyle-luzerne (alternatives au glyphosate)

© Nature & Progrès, mélange trèfle blanc-dactyle-luzerne (alternatives au glyphosate)

En 2017, Nature & Progrès lance la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides ». Elle vise à réunir les agriculteurs.trices, les citoyen.nes et les expert.e.s qui partagent la conviction qu’une agriculture sans pesticides chimiques est possible. Les rencontres en ferme organisées par l’association offrent un espace d’échange et de partage de connaissances autour des techniques alternatives à mettre en place pour se passer, entre autres, d’herbicides chimiques de synthèse comme le glyphosate.

Avec plus de 400 tonnes pulvérisées en Belgique en 2020, le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le pays et aussi dans le monde (l’utilisation massive de variétés génétiquement modifiées pour résister au glyphosate n’y est pas pour rien). Pourtant, de nombreuses études montrent la nocivité de cette substance pour l’être humain et pour l’environnement. En plus des risques pour la santé (l’herbicide est classé cancérogène probable depuis 2015 au niveau de l’OMS), les concentrations de glyphosate dans l’environnement endommagent la vie du sol (microbiote, vers de terre), les écosystèmes aquatiques, les abeilles et les animaux d’élevage.

Si Nature & Progrès plaide tant pour une Wallonie délivrée des pesticides, c’est parce que l’agriculture sans pesticides fonctionne : les agriculteurs Bio le prouvent au quotidien. Alors, à quand la sortie définitive du glyphosate en Belgique au profit de méthodes alternatives non chimiques pour lutter contre l’apparition de « mauvaises herbes » de plus en plus résistantes aux herbicides ?

Les « mauvaises herbes », la préoccupation principale des agriculteurs

Une mauvaise herbe, ou adventice, est une plante indésirable envahissant les cultures et les prairies. Elle concurrence les plantes cultivées et cause un préjudice économique à l’agriculteur qui s’emploie à les détruire. La gestion des « mauvaises herbes » sans herbicide est la préoccupation principale des agriculteurs qui envisagent une transition vers le Bio. En effet, le passage d’un système conventionnel – où toute repousse de « mauvaises herbes » est systématiquement éliminée par un traitement herbicide – à un système où le seuil de tolérance aux adventices est plus élevé peut faire peur.

Si dans les prairies, les grandes cultures (céréales, colza) ou l’arboriculture fruitière, la présence d’adventices peut être bénéfique (augmentation de la biodiversité, support pour le développement de la faune auxiliaire, etc.), la rigueur est de mise en maraichage ou dans la production de semences lorsque les récoltes et la transformation sont mécanisées. Dans ce cas, la « propreté » de la parcelle doit être maximale pour éviter des soucis lors de la récolte et de contamination de la production.

Pourquoi les agriculteurs conventionnels utilisent-ils du glyphosate ?

Le glyphosate est un herbicide total qui agit « efficacement » sur les adventices vivaces comme le chiendent, le chardon ou le rumex. Il est absorbé par les feuilles et véhiculé jusque dans les racines qu’il tue.

Les agriculteurs bio, en revanche, se passent du glyphosate. Ils s’appuient sur toute une série de pratiques agricoles pour gérer ces indésirables et éviter leur dispersion et multiplication : rotations longues, couverts végétaux, nettoyage du matériel agricole, fauchage avant floraison, cultures intercalaires ou intercultures, travail mécanique, pâturage, bonne gestion de la fertilisation, etc.

Concrètement, quelles sont les alternatives ?

En prairie

Une prairie correctement pâturée ou entretenue (hersage, ébousage, fauche, fertilisation, sursemis, etc.) ne laisse pas de place aux plantes indésirables et n’a donc pas besoin d’être renouvelée ! Si toutefois la prairie doit être renouvelée car trop envahie de mauvaises herbes, des moyens mécaniques existent comme le labour.

En cultures (après moisson)

Un travail mécanique du sol directement après la moisson avec un déchaumeur à dents permet aux chaumes hautement carbonés de se décomposer. Ensuite un couvert (interculture) pour combler les vides sera appliqué. Les cultures de seigle, d’avoine, de chanvre, ou de mélange de céréales couvriront suffisamment le sol pour étouffer les potentielles adventices. Dans le jargon, on les appelle des « espèces concurrentielles » parce qu’elles accaparent les ressources (lumière, azote, eau) dont les adventices ont également besoin pour se développer.

Après la récolte, les semis de radis chinois, de phacélie, de trèfle d’Alexandrie Tabor, de moutarde brune permettent de réduire la croissance des adventices. Ces espèces offrent une bonne couverture végétale (foliaire) pendant la période entre deux cultures (l’interculture). Les germes d’adventices resteront dans l’ombre et n’auront par conséquent pas assez de lumière pour se développer. En cas d’envahissement important, le sarrasin au printemps puis de l’avoine ou de la moutarde permettent d’inhiber la germination de certaines mauvaises herbes.

En cultures (pour détruire une culture précédente avant de semer)

Un travail mécanique du sol sera réalisé. Plusieurs machines sont possibles :

  • Déchaumeurs : entre deux cultures, les interventions de déchaumage sont assez efficaces sur le rumex. Les outils à dents recourbées permettent d’extirper les rhizomes de chiendent, relativement peu profonds, et de les faire sécher en surface. Ces méthodes ne sont cependant pas efficaces sur le chardon ou le liseron. Sur chiendent et rumex, elles peuvent s’avérer satisfaisantes uniquement si la parcelle n’est pas trop infestée.
  • Vibroculteur : travail superficiel du sol avec des dents vibrantes,
  • Herse: engin permettant un travail superficiel du sol. Des griffes grattent le sol et permettent d’éliminer les plantules de mauvaises herbes.
  • Cultivateur : outil qui permet d’ameublir le sol.
  • Charrue : travail profond du sol (seulement si fortement envahi).

Le faux semis est une méthode consistant à préparer le sol afin de stimuler la germination des semences de mauvaises herbes en dormance. Les plantules d’adventices sont éliminées de façon mécanique avant que celles-ci se reproduisent et se dispersent dans le sol.

Les rotations longues, c’est-à-dire l’alternance de différentes cultures sur une même parcelle pendant plusieurs années, sont des pratiques courantes en Bio. En plus de limiter la pression des adventices, les rotations permettent d’améliorer la structure du sol et d’enrichir sa fertilité. L’implantation de prairies temporaires pluriannuelles dans la rotation, en particulier de luzerne, et des fauches répétées épuisent les réserves souterraines des vivaces et permettent d’éradiquer efficacement ces adventices, en particulier les chardons.

En cultures, pour détruire des couverts végétaux
  • Roulage faca : permet un premier hachage du couvert
  • Le broyage : hachage du couvert végétal favorisant la minéralisation
  • Mulchage avec un travail superficiel du sol en utilisant un déchaumeur scalpant efficacement la surface du sol
  • Le labour
  • Les espèces gelives : utilisation de plantes sensibles au gel (exemple : moutarde) qui ne nécessitent pas un traitement chimique pour être détruites (détruit par le gel)
  • Le roulage classique (cambridge, crosskil,…) favorise la sensibilité des espèces au gel
En cultures (avant émergence de la nouvelle culture)

Le travail mécanique par des outils de précision est la meilleure alternative qui permettra d’éviter l’application du glyphosate sur un sol nu.

Le faux semis : méthode efficace consistant à préparer le sol afin de stimuler la germination des semences de mauvaises herbes en dormance. Les plantules de mauvaises herbes sont éliminées de façon mécanique avant que celles-ci ne se reproduisent et se dispersent dans le sol.

En cultures (localement entre les lignes des cultures)

Les cultures intercalaires : les vides entre les lignes de cultures sont comblés par une autre culture ne laissant pas de place aux plantes indésirables. La plantation, par exemple, de trèfles blancs entre les rangées de maïs est une bonne association qui permet aux mauvaises herbes de ne pas pousser et au sol d’être dans une condition idéale de fertilité.

Le désherbage mécanique avec des outils de précision éliminant les plantes indésirables entre les lignes de culture est une autre option.

Sources : certaines des explications techniques ont été recueillies auprès de Patrick Silvestre, conseiller technique en grandes cultures chez Biowallonie asbl. D’autres proviennent des propos recueillis auprès des producteurs accueillants lors des rencontres en fermes bio. D’autres informations techniques proviennent du dossier « La maîtrise des adventices : comment fait-on en bio ? », Patrick Silvestre, Itinéraire BIO 40 – mai/juin 2018.

L’Europe prolonge l’autorisation du glyphosate avec l’appui de la Belgique

Malgré les alternatives au glyphosate, la Belgique soutient son autorisation jusqu’à fin 2023. L’Europe va donc prolonger l’autorisation du glyphosate d’un an avec l’appui de la Belgique. Le fédéral a en effet approuvé la décision de prolongation de la Commission européenne malgré le malaise autour de cet herbicide et en dépit de l’avis scientifique du Conseil supérieur de la santé qui recommandait en 2020 de ne pas attendre l’expiration de l’autorisation en cours pour mettre fin à l’utilisation du glyphosate.

En 2017, en plein « Monsanto papers », le Ministre belge de l’Agriculture avait voté contre son renouvellement pour 5 ans. Il avait justifié sa position par la nécessité d’entamer une transition vers une agriculture sans glyphosate. Cette période transitoire arrivant aujourd’hui à échéance, la Belgique aurait dû s’opposer à la prolongation du glyphosate.

Nature & Progrès demande l’interdiction du glyphosate

Nature & Progrès demande aux membres du gouvernement de tenir leurs engagements, conformément à l’accord de gouvernement, et d’adopter une position cohérente et ambitieuse en soutenant activement l’interdiction du glyphosate en Belgique et dans le reste de l’Europe, et la promotion des alternatives non chimiques auprès des agriculteurs.

1.901

producteurs BIO en Wallonie (chiffre qui a doublé ces 10 dernières années)

+ 1 ha

agricole sur 8 est maintenant bio
(représentant 12 % de la SAU)

15 %

de fermes sont sous contrôle bio en Wallonie,
soit une ferme sur sept

Ecoutez Bernard Brouckaert de la Ferme bio de Moranfayt, producteur Nature & Progrès qui se passe du glyphosate depuis toujours !

« Chers citoyens, allez à la rencontre des agriculteurs de votre région et conscientisez-les ! Chers agriculteurs, bannissez ces produits et répondez à la demande des citoyens ! C’est tout bon pour notre santé et pour notre environnement.« 

Stop au glyphosate : choisissons les alternatives pour notre santé et celle de la terre

glyphosate

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Le 14 octobre 2022, la Belgique a participé aux discussions européennes sur la prolongation de l’autorisation du glyphosate pour une année supplémentaire. Faute de la majorité nécessaire, la décision a été reportée. Mais l’on sait que la Belgique a voté pour la prolongation, ce qui choque Nature & Progrès ! Un second vote a lieu ce mardi 15 novembre. La Belgique restera-t-elle sur sa position sachant que le glyphosate a été classé comme « cancérigène probable » par l’Organisation mondiale de la Santé ? Faut-il d’autres preuves ? De nombreuses études récentes prouvent la toxicité de ce poison.

En juin 2022, un rapport de l’Health and Environment Alliance (HEAL) a révélé que l’évaluation de l’UE sur le glyphosate rejetait toute preuve scientifique liant ce pesticide au cancer. Des études fournies par l’industrie des pesticides elle-même soutiennent clairement une classification du glyphosate comme « cancérogène probable ». Mais malgré toutes les preuves scientifiques, les autorités de l’UE n’ont jusqu’à présent pas réussi à classer le pesticide de synthèse le plus utilisé au monde.

La situation en Belgique

En 2017, au moment du renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour une période de 5 ans, notre ancien Ministre fédéral de l’Agriculture Denis Ducarme avait voté « contre » et plaidé pour un « phasing out ». Il avait justifié sa décision par le fait que ce temps allait être mis à profit dans le développement des alternatives. Cette période arrivant aujourd’hui à échéance, il est normal que la Belgique s’oppose à la prolongation de l’autorisation du Glyphosate.

Le vote de cette semaine concerne la prolongation de l’autorisation actuelle pour un an dans l’attente d’une décision sur sa ré-autorisation dépendante des résultats de l’évaluation scientifique toujours en cours. Prolonger l’autorisation du glyphosate jusqu’à fin 2023 serait une très mauvaise nouvelle pour la nature et la santé.

Le Ministre fédéral de l’Agriculture David Clarinval ne peut décider seul du sort du glyphosate en Belgique. Interrogé après le premier vote par des députées de la Chambre, le Ministre avait annoncé avoir respecté le protocole entre lui et le Ministre fédéral de la Santé. Nature & Progrès avait alors adressé des courriers aux autres Ministres compétents au niveau fédéral et wallon pour les informer de la prise de position du Ministre sans concertation préalable.

Le Glyphosate est déjà interdit pour usage personnel

Marc Fichers, secrétaire général de Nature & Progrès : « Preuves scientifiques et alternatives sont déjà disponibles pour interdire cet herbicide. Monsieur le Ministre David Clarinval, où en est la Belgique dans l’élimination progressive du glyphosate en agriculture promise en 2017 ? ».

En plus des risques pour la santé, les concentrations de glyphosate dans l’environnement endommagent les écosystèmes aquatiques, le microbiote du sol, les vers de terre et même les abeilles. A quand la sortie définitive du glyphosate en Belgique ? Pour rappel, il est déjà interdit pour les particuliers. Son usage est limité aux professionnels.

Les alternatives existent et fonctionnent !

Si Nature & Progrès plaide tant pour une Wallonie délivrée des pesticides, c’est parce que les alternatives existent. Les agriculteurs bio le prouvent au quotidien !

En Bio, la lutte non chimique, sans glyphosate ou autre herbicide, contre les plantes indésirables repose sur différentes méthodes préventives et communes à tout type de culture. Leur combinaison permet d’optimiser la résilience des cultures face aux adventices pour éviter le recours au désherbage, qu’il soit mécanique ou chimique. Les gestion des « mauvaises herbes » est l’une des préoccupations principales des agriculteurs en Bio même si le seuil de tolérance aux adventices est plus élevé qu’en agriculture conventionnelle. Un certain niveau de présence d’adventices peut même être bénéfique (augmentation de la biodiversité, support pour le développement de la faune auxiliaire, etc).

Nature & Progrès demande au gouvernement fédéral de tenir ses engagements, conformément à l’accord de gouvernement, et d’adopter une position cohérente et ambitieuse en soutenant activement l’interdiction du glyphosate en Belgique et dans le reste de l’Europe.

Le contrôle de l’utilisation des pesticides en Région wallonne

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Afin de réduire au minimum les risques pour la santé et l’environnement, l’utilisation de pesticides en agriculture est conditionnée au respect de mesures d’atténuation des risques. Si la gestion des risques liés aux pesticides est conditionnée aux modalités d’utilisation des pesticides énoncées dans les autorisations octroyées au niveau fédéral, le contrôle du respect de ces modalités d’utilisation est, quant à lui, de la responsabilité de la Ministre wallonne de l’Environnement, Madame Céline Tellier.

Nous lui avons donc écrit pour obtenir différentes informations. Découvrez notre courrier ici :

1 million de signatures valides pour sauver les abeilles et les agriculteurs

sauvons les abeilles et les agriculteurs

Le 10 octobre 2022, l’Initiative Citoyenne Européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs » a été formellement approuvée par la Commission en atteignant le million de signatures valides. Nous sommes précisément 1,2 million de citoyens européens, dont beaucoup de Belges, à réclamer une sortie des pesticides de notre environnement.

Pour rappel, l’Initiative Citoyenne Européenne demande :

  • une réduction de 80% de l’utilisation des pesticides de synthèse d’ici 2030 et de 100% d’ici 2035 dans l’UE ;
  • des mesures pour restaurer la biodiversité sur les terres agricoles ;
  • un soutien massif aux agriculteurs pour une transition vers l’agroécologie.

Concrètement, la Commission a désormais jusqu’au 7 avril 2023 pour présenter sa réponse officielle à cette ICE. Les organisateurs seront invités par cette dernière. Ensuite, une audition au Parlement aura lieu dans les 3 mois avec les députés européens. La Commission et le Parlement européen ne vont avoir d’autre choix que de répondre aux demandes des citoyens pour une agriculture exempte de pesticides chimiques de synthèse et respectueuse des abeilles.

La Belgique, 2ème pays à avoir atteint son quorum

La Belgique peut se féliciter du résultat ! En effet, notre pays a été le second Etat européen à atteindre son quorum de 15.750 signatures en février 2020. Ce chiffre était nécessaire pour faire de notre pays le deuxième pays à atteindre le quorum obligatoire dans 7 Etats permettant la validation de l’Initiative.

Nature & Progrès se réjouit de cette réussite ! L’association a, durant des mois, sollicité ses Membres et sympathisants qui se sont montrés très réactifs. Nous avons ainsi récolté des milliers de signatures via les réseaux sociaux, via la revue Valériane ou encore lors du Salon Valériane. MERCI à toutes et tous !

Et en Wallonie, qu’en est-il pour les abeilles ?

En 2017, Nature & Progrès a lancé la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides » qui vise à éliminer les pesticides au profit des alternatives. L’association est heureuse de voir que la démarche a été suivie avec l’ICE pour recouvrir, cette fois, l’entièreté de l’Europe. Nous devons œuvrer ensemble à faire supprimer de ce pas les pesticides cancérigènes, reprotoxiques et génotoxiques de notre environnement. Pour ce qui est des autres, nous devons développer les alternatives rapidement !

De la campagne « Vers une Wallonie sans pesticides » découle l’étude « Plan Bee ». Elle a pour objectif d’évaluer la faisabilité agronomique, apicole et économique de semer des fleurs mellifères sur de grandes surfaces pour produire du miel et accueillir la faune sauvage. Nous venons, ce 11 octobre 2022, de clôturer les trois premières années d’étude (lire le rapport) durant lesquelles nous avons analysé l’état de l’environnement à l’aide des abeilles. Il en ressort que les abeilles mellifères et osmies sont d’excellents indicateurs de notre environnement. Elles sont intéressantes pour jauger la présence de pesticides dans l’environnement et ainsi signaliser les sites à risques de contamination. Les abeilles sont nos alliées, protégeons-les !

L’Avocate générale de l’UE recommande de limiter fortement l’utilisation des dérogations aux pesticides

CJEU dérogations aux pesticides

Cela fait vingt ans que Nature & Progrès agit pour protéger les abeilles des dégâts occasionnés par l’utilisation des insecticides néonicotinoïdes, malgré l’entêtement du secteur betteravier et des autorités. Au terme de nombreuses actions, ces insecticides tueurs d’abeilles ont finalement été interdits par l’Europe. Mais la Belgique a honteusement dérogé à cette interdiction pendant trois années consécutives…

PAN Europe et Nature & Progrès ont alors demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de clarifier les règles d’octroi de dérogations pour les pesticides ayant été interdits en Europe. Le 8 septembre dernier, l’avocate générale à la CJUE a fait part de ses conclusions sur l’affaire aux juges européens et aux parties. S’il est suivi par les juges européens, cet avis pourrait conduire à une réduction spectaculaire des dérogations et à une meilleure protection de la santé des citoyens et de l’environnement.

Pour Nature & Progrès, l’Etat belge use et abuse de la possibilité de dérogation ouverte par l’article 53 du règlement européen n°1107/2009 encadrant la mise sur le marché des pesticides au point d’autoriser des insecticides expressément interdits en plein champ depuis 2018. Plus largement, depuis des décennies, les Etats membres de l’Union européenne prolongent artificiellement, au détour de dérogations, l’utilisation de pesticides hautement toxiques et interdits dans l’Union. Et ce, avec la bénédiction de la Commission européenne !

Devant la nécessité de clarifier certaines dispositions clés du Règlement Pesticides, le Conseil d’Etat s’est tourné, à notre demande, vers la Cour de Justice de l’Union européenne. Le 17 mars 2022, une audience importante a ainsi eu lieu à Luxembourg.

En effet, l’Avocate générale pose des conditions strictes pour l’autorisation des pesticides interdits :

  • L’autorisation d’urgence d’un pesticide interdit ne peut être octroyée qu’à titre exceptionnel
  • Un danger habituel, c’est-à-dire qui survient fréquemment, ne constitue pas un cas exceptionnel : il n’est donc plus possible d’autoriser « exceptionnellement », année après année, des insecticides néonicotinoïdes interdits pour lutter contre les pucerons en betteraves sucrières
  • L’octroi de ces dérogations doit être précédé d’un « examen diligent et impartial », qui implique une « obligation d’apprécier de manière critique et tenir compte également des informations pertinentes provenant d’autres sources (que celles fournies par l’industrie) »

Le danger pour la production agricole et le risque pour la santé et l’environnement doivent être mesurés avec la même méthode d’évaluation. Il faut des indices sérieux et concordants, ce qui n’a clairement pas été respecté par la Belgique qui a pris les dires de l’industrie pour argent comptant.

La protection de la santé et de l’environnement a plus de valeur que la garantie de compétitivité de l’agriculture. A cet égard, l’Avocate générale confirme qu’il y a un standard différent pour la santé humaine (y compris des animaux domestiques et d’élevage et donc des abeilles d’élevage) et la protection de l’environnement (y compris la santé des animaux sauvages). Toute atteinte à la santé humaine ne peut être tolérée qu’en cas de « dangers particulièrement graves » tels que des « risques concrets pour la sécurité alimentaire ». Cela conforte aussi notre position : dès qu’il y a un risque pour la santé humaine ou les pollinisateurs, des intérêts économiques ne peuvent pas l’emporter. 

Les étapes à venir

Nous espérons obtenir l’arrêt de la Cour de justice de l’UE en décembre 2022 ou janvier 2023. Cet arrêt sera ensuite transmis au Conseil d’Etat, qui devrait rendre sa décision d’ici juin 2023.

Les insecticides au Sulfoxaflor bientôt interdits en Belgique

Abeille sur pommier

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Enfin ! Le Ministre Clarinval reconnait qu’un risque pour les abeilles lié à l’utilisation du sulfoxaflor en plein air ne peut pas être exclu !

La Belgique s’aligne sur la Commission européenne qui annonçait en avril dernier son intention d’interdire le Sulfoxaflor en plein champ, limitant ainsi l’usage de cet insecticide de type néoniconitinoïde aux cultures sous serre permanente. Jusque-là, le Ministre avait exprimé son « non-soutien » à la proposition de restriction européenne jugeant celle-ci « inutilement sévère », en dépit du fait que les experts européens aient reconnu en 2019 qu’il n’existait pas d’usage sûr du sulfoxaflor en extérieur pour les abeilles domestiques et bourdons.

Si c’est une très bonne nouvelle, en premier lieu pour toutes les butineuses, le délai de grâce accordé aux fabricants n’exclut pas de nouvelles pulvérisations en plein air en 2023, comme ce fut le cas cette année. Les insecticides CLOSER et SEQUOIA ont été autorisés pendant 120 jours comme moyen de lutte contre les pucerons en betteraves sucrières.

L’interdiction du sulfoxaflor en extérieur ne sera effective en Belgique qu’à partir du 20 mai 2023.

Glyphosate : rejet des preuves scientifiques du lien entre glyphosate et le cancer au niveau européen

Un nouveau rapport de l’ONG Heath & Environnement Alliance (HEAL) révèle que les preuves scientifiques des effets cancérigènes du glyphosate ont été écartées de l’évaluation scientifique qui fondera un éventuel renouvellement de son autorisation de mise sur le marché européen. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait conclu le 30 mai dernier que la classification du glyphosate comme substance cancérogène n’était pas justifiée. L’avis de l’ECHA sur la classification des dangers du glyphosate est une étape fondamentale dans le processus de renouvellement de cette molécule. Sur la base de cette évaluation, la Commission européenne et les États membres décideront du renouvellement de la licence du glyphosate pour 5 années supplémentaires. L’enjeu est de taille puisque la législation européenne sur les pesticides prévoit que les substances classées comme « cancérogènes présumés pour la santé humaine » soient retirées du marché. Dans le cadre de cette procédure de réévaluation du glyphosate, HEAL a examiné 11 études fournies par l’industrie en 2019 dans le cadre du dossier d’homologation. L’ONG, avec l’aide de deux experts indépendants, a constaté l’apparition de tumeurs sur les animaux testés appuyant clairement la classification du glyphosate comme « cancérogène probable » au niveau international. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS, une référence en matière de recherche sur les causes du cancer, était parvenu à cette conclusion après avoir consulté plus d’un millier d’études.

Le glyphosate est le pesticide le plus utilisé au monde

Le Dr Peter Clausing, toxicologue et co-auteur du rapport, a déclaré : « Les animaux exposés au glyphosate ont développé des tumeurs avec des incidences significativement plus élevées par rapport à leur groupe témoin non exposé, un effet considéré comme une preuve de cancérogénicité par les directives internationales et européennes. Pourtant, les évaluateurs des risques de l’UE ont rejeté toutes les conclusions sur les tumeurs de leur analyse, concluant qu’elles se sont toutes produites par hasard et qu’aucune d’entre elles n’était réellement liée à l’exposition au glyphosate. » Les graves lacunes scientifiques et les distorsions dans l’interprétation des normes scientifiques européennes et internationales mises en évidence dans le rapport de HEAL remettent également en question la validité de l’évaluation en cours et de ses conclusions. Le Dr Angeliki Lyssimachou, responsable principale de la politique scientifique à HEAL, prévient que la non-reconnaissance du potentiel cancérigène de la substance marquerait un retour en arrière dans la lutte de l’Europe contre le cancer. Helene Duguy, avocate spécialisée dans les produits chimiques chez ClientEarth, a déclaré : « Certains des plus grands scientifiques du monde ont fait le lien entre le glyphosate et le cancer – et pourtant l’ECHA refuse d’étiqueter ce pesticide nocif comme cancérigène. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que l’ECHA ne justifie pas de manière transparente et claire son rejet des preuves scientifiques indépendantes. C’est incroyablement inquiétant étant donné l’engagement et le devoir de l’UE de protéger ses citoyens et l’environnement des substances les plus dangereuses ». Malgré les nombreuses preuves de ses effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement, le glyphosate reste le pesticide le plus utilisé au monde, et représente un tiers de toutes les ventes d’herbicides, soit 48.000 tonnes par an, dans l’Union européenne. L’exposition aux pesticides à base de glyphosate a également été liée à des effets néfastes sur le développement humain, la reproduction et les systèmes hormonaux, selon des preuves issues de la littérature scientifique indépendante.

En savoir plus

Législation pesticides : failles juridiques et leviers du Parlement européen

amphibien

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Le 15 juin 2022, Nature & Progrès, PAN Europe et l’équipe de Secrets Toxiques ont participé à une conférence/débat au Parlement européen à Bruxelles sur les carences et les failles du système d’homologation des pesticides et sur les leviers d’actions des députés européens, notamment judiciaires, pour faire appliquer la loi.

Le règlement européen sur les pesticides (Règlement n° 1107/2009) prévoit de fortes exigences pour l’approbation de ces produits chimiques de synthèse et de leurs composants déclarés. Il vise à préserver l’environnement et la santé des effets néfastes liés à l’utilisation des pesticides. Pourtant, de nombreuses études scientifiques fournissent des preuves d’un lien entre ces produits et l’effondrement de la biodiversité et certaines maladies chroniques. Dans de nombreux pays européens, l’exposition aux pesticides est reconnue comme étant à l’origine de maladies professionnelles. Ces constats invitent à identifier les failles dans la mise en œuvre des conditions d’homologation des pesticides au niveau européen et à les résoudre.

Au niveau européen, les substances actives sont autorisées par la Commission européenne sur base d’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Les conditions et critères d’évaluation fondant ces avis scientifiques doivent répondre aux exigences de la législation européenne sur les pesticides.

Or, la pratique révèle des carences majeures dans les évaluations scientifiques de l’EFSA :

  • des effets à long terme des pesticides sur la santé humaine
  • des effets causés par l’interaction entre une substance active donnée et, entre autres, les autres constituants du produit : l’effet cocktail
  • de la toxicité des co-formulants, parfois plus toxiques que les substances actives déclarées
  • de la toxicité des pesticides sur les espèces non ciblées, directement ou indirectement exposées aux pesticides dans leur environnement naturel, tels que les amphibiens et les reptiles

Par exemple, concernant les effets à long terme de la formulation représentative, la Commission européenne ne peut légalement autoriser une substance active que si une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit pesticide contenant cette substance n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou l’environnement à court ou à long terme. L’EFSA doit donc inclure ses avis une analyse du danger à long terme de cette formulation représentative. Etant donné qu’une telle analyse n’est pas incluse dans le règlement de la Commission définissant les documents requis pour l’approbation de mise sur le marché, peut-on vraiment considérer que la Commission européenne et l’EFSA se conforment aux exigences du règlement pesticides ?

Le Parlement européen pourrait demander l’annulation de l’approbation d’une substance active devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) au motif que l’évaluation de la toxicité à long terme n’a pas été correctement effectuée – ce que les ONG ne peuvent pas faire. Devant le manque de transparence sur les méthodes, données et résultats des analyses de toxicité des pesticides – celles-ci n’étant pas publiées – un tel recours permettrait de contrôler réellement la manière dont les tests de toxicité à long terme sont effectués.

Réécoutez les différentes interventions au Parlement européen (vidéo entière et passages coupés) :

  • 3:40 – L’évaluation des effets à long terme des pesticides sur la santé humaine (en anglais)
    Dr Andy Battentier, directeur de campagne Secrets Toxiques
  • 16 :10 – L’évaluation de l’écotoxicité des pesticides sur les espèces non ciblées (en français)
    Salomé Roynel
    Chargée de la politique et des campagnes sur l’évaluation des risques liés aux pesticides à PAN Europe
  • 31 :05 – L’intégration de la littérature scientifique dans le protocole d’évaluation (en anglais)
    Dr Angeliki Lysimachou
    Chargée de politique scientifique
    Health and Environment Alliance (HEAL)
  • 45 :58 – La décision de la CJUE du 1er octobre 2019 : un repère fondamental pour l’évaluation des pesticides (en français)
    Guillaume Tumerelle
    Avocat de Secrets Toxiques et Générations Futures
  • 1 :24 :40 – Intervention de Martin Dermine, Chargé de la politique de l’environnement et de la santé à PAN Europe (en français)
  • 1 :30 :43 – Intervention de Marc Fichers, Secrétaire général de Nature & Progrès Belgique (en français)

Quatre nouvelles dérogations belges pour le pesticide flupyradifurone

La Belgique octroie quatre nouvelles dérogations pour l’usage de produits pesticides à base de flupyradifurone, l’un des insecticides de type néonicotinoïde nouvelle génération mis sur le marché en 2015.

Abeille sur pommier

Ces produits sont déjà autorisés en plein air pour la production de houblon ou de fruits (raisin, pomme, poire, etc.) et sous serre pour certains légumes (courgette, aubergine, etc.) ou petits fruits (fraise, framboise, mûre, etc.). Pourtant, la dérogation – dite d’urgence phytosanitaire et relevant de la législation européenne sur les pesticides – permet d’étendre l’application de flupyradifurone à plusieurs variétés de choux (chou-fleur, chou-rave, chou de Bruxelles, chou brocoli, etc) pendant une période de 120 jours comprise entre le 1er juin et le 28 septembre 2022.

Une substance neurotoxique

Tout comme le sulfoxaflor, dont l’homologation européenne est en sursis, le flupyradifurone est une substance neurotoxique perturbant le fonctionnement du système nerveux de l’insecte ravageur ciblé (ici, le puceron et la mouche blanche) pour l’éradiquer, avec, au passage, des effets collatéraux sur d’autres insectes non visés et inoffensifs pour les cultures traitées, en particulier les pollinisateurs. Comme ce fut le cas pour les néonicotinoïdes de 1ère génération (imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine et fipronil) dorénavant interdits au niveau européen, les preuves scientifiques de la toxicité du flupyradifurone pour les abeilles s’accumulent.

La littérature scientifique a déjà identifié des perturbations majeures consécutives à une exposition au flupyradifurone avec un impact sur :

  • le comportement alimentaire (consommation de nectar) et de butinage,
  • la thermorégulation
  • Et la motricité de ces précieuses butineuses…

…diminuant ainsi encore davantage leur chance de survie. Pour certaines abeilles sauvages, en particulier l’abeille Megachile rotundat, le flupyradifurone présente une toxicité aigüe plus de 15 fois supérieure à celle des abeilles domestiques. Plus de 1.400 espèces d’abeilles sauvages sont des Megachile rotundat et beaucoup d’entre elles butinent les cultures et les fleurs sauvages à proximité des parcelles agricoles. De nombreuses plantes attractives pour les abeilles domestiques sont également visitées par les Megachile, qui pourraient donc être exposées à des doses de flupyradifurone présentant une toxicité aiguë, tant dans les champs agricoles qu’en dehors.

Flupyradifurone : les preuves scientifiques sont nombreuses

En permettant la pulvérisation de ces produits en plein champ et sans aucune mesure de réduction des risques (autre qu’une zone tampon de 20 mètres), l’Etat belge choisi d’ignorer les nombreuses preuves scientifiques disponibles alors qu’il devrait au contraire soigneusement évaluer toute nouvelle étude afin de compenser les lacunes du système actuel d’évaluation des risques pour préserver la biodiversité et les abeilles. Il aura fallu environ 25 ans pour interdire au niveau européen les utilisations de l’imidaclopride, du thiaméthoxame, de la clothianidine et du fipronil. Avec l’arrivée de nouveaux néonicotinoïdes, quelle chance reste-t-il aux abeilles quand l’Etat belge continue d’octroyer chaque année des dérogations temporaires à l’interdiction européenne pour ces anciens néonicotinoïdes ?

Le sulfoxaflor bientôt interdit en Europe et toujours autorisé en Belgique

abeille sulfoxaflor

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La Commission européenne va interdire l’épandage en plein champ de produits pesticides à base de sulfoxaflor. Cette substance active de type néonicotinoïde, dont l’homologation européenne devait courir jusqu’en 2025, va être retirée du marché en raison de préoccupations concernant sa toxicité élevée pour les abeilles. L’utilisation de ce pesticide en agriculture sera bientôt limitée aux serres permanentes, au même titre que d’autres insecticides de la famille des néonicotinoïdes. Le règlement d’interdiction devrait être adopté par la Commission européenne au printemps 2022.

Par cette interdiction, la Commission européenne fait application du principe de précaution devant l’absence de données scientifiques concluantes et l’impossibilité d’exclure tout risque inacceptable pour l’environnement, en particulier pour les pollinisateurs. Jusque-là, la proposition d’interdiction de cette molécule par la Commission européenne n’avait pas pu aboutir faute d’une majorité suffisante d’Etats membres lors des votes en comité technique (Scopaff) et en comité d’appel de février et mars 2022. La Belgique s’était d’ailleurs abstenue de voter.

Nature & Progrès et PAN Europe agissent

Initialement opposé à une interdiction européenne du sulfoxaflor en extérieur, le Ministre fédéral de l’Agriculture, David Clarinval, a entre-temps renouvelé pour la saison printemps/été 2022, l’agrément en urgence de deux produits à base de sulfoxaflor pour les cultures de betteraves sucrières. Car, si en vertu de la législation européenne encadrant la mise sur le marché de produits phytosanitaires, l’autorisation et l’interdiction des molécules actives utilisées pour fabriquer des pesticides agricoles se décident au niveau européen, les Etats membres restent compétents pour octroyer l’autorisation de produits pesticides sur leur territoire. Ils peuvent notamment décider de permettre en urgence la vente et l’utilisation de certains pesticides chimiques de synthèse non autorisés lorsqu’ils jugent qu’aucune autre alternative raisonnable n’est disponible pour protéger les cultures.

Nature & Progrès Belgique, le Pesticide Action Network (PAN) Europe, et un apiculteur liégeois ont d’ailleurs introduit plusieurs recours devant le Conseil d’Etat et la Cour de justice européenne suite à des dérogations belges que l’asbl considère comme abusives et illégales.

En 2015, la Commission européenne avait autorisé la commercialisation de produits insecticides contenant du sulfoxaflor, alors même que depuis 2013, l’usage en plein champ d’autres néonicotinoïdes (le thiamethoxame, l’imidaclopride et la clothianidine), utilisés pour le traitement des semences et expressément interdits pour les cultures en plein champ depuis 2018, faisait déjà l’objet de certaines restrictions… à cause de leur toxicité aigüe, notamment pour les abeilles. A l’époque, la décision prise par l’autorité européenne nous était apparue pour le moins paradoxale. En effet, aucune des restrictions et mesures d’atténuation des risques applicables à l’utilisation de ces trois néonicotinoïdes n’étaient reprises dans l’acte d’autorisation du sulfoxaflor. Dès 2015, ce nouvel insecticide, de la famille des néonicotinoïdes (du fait de son mode d’action : il agit sur les récepteurs nicotiniques), pouvait donc être pulvérisé sans restriction pendant toute la période de production agricole, y compris lors de la floraison des cultures pollinisées par les insectes, et notamment les abeilles.

Un dossier en cours depuis 2015

Cela fait de nombreuses années que Nature & Progrès fait du dossier « Sulfoxaflor » une priorité. Grâce au soutien sans faille de ses membres et donateurs, l’association reste très attentive à l’évolution de la situation. Il serait en effet inadmissible que le Ministre fédéral de l’Agriculture octroie à nouveau une dérogation à l’interdiction européenne, au détriment des abeilles.

PAN Europe et Nature & Progrès demandent à la Cour de justice de mettre fin au régime abusif de dérogation aux pesticides

CJEU dérogations aux pesticides

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Article original publié en anglais sur le site de PAN Europe

Le 17 mars 2022, une audience importante a eu lieu à la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg. PAN Europe a demandé à la Cour de clarifier les règles d’octroi de dérogations pour les pesticides interdits en Europe. Depuis des décennies, les Etats membres de l’Union européenne prolongent artificiellement l’utilisation de pesticides hautement toxiques et interdits dans l’Union, en abusant du régime des dérogations, avec la bénédiction de la Commission européenne.

PAN Europe, conjointement avec son organisation membre Nature & Progrès Belgique et un apiculteur belge, a réussi à faire en sorte que la Cour de justice européenne se positionne sur la légalité des centaines de dérogations accordées chaque année par les États membres pour des pesticides interdits par l’Union. Les juges européens ont été invités à répondre à une série de questions parmi lesquelles : est-il permis d’accorder une dérogation pour un pesticide qui ne respecte pas les fondements du droit européen : hautement toxique pour les abeilles, pour l’environnement, pour l’homme ? Autre question importante : une dérogation pour l’utilisation d’un pesticide toxique peut-elle être accordée de manière préventive, même en l’absence de preuve de danger pour une culture ? Notre avocat a plaidé notre cause et a dû faire face aux avocats de la Commission européenne, soutenu par les avocats de la France, de la Grèce et de la Belgique.

Le contexte

Depuis que l’Union européenne a harmonisé sa législation sur les pesticides, elle a toujours autorisé les États membres à accorder des dérogations aux pesticides. Les États membres ont continuellement utilisé et abusé du système. En effet, tant dans la directive 91/414 de 1991 que dans le règlement 1107/2009 de 2009, les États membres avaient la possibilité, en cas d’« urgence » et en l’absence d’alternative raisonnable, d’accorder à leurs agriculteurs des dérogations pour l’usage d’une substance spécifique pendant 120 jours. Mais ce qui devait rester exceptionnel est devenu la norme : les États membres n’ont cessé de contourner les règles. Au cours des 6 dernières années, pas moins de 3 600 dérogations ont été accordées pour l’utilisation de pesticides non autorisés dans les États membres.

Urgence vous dites ?

En fait, pour toutes sortes de ravageurs communs et récurrents, l’agro-industrie a demandé aux États membres d’accorder des dérogations concernant les pesticides toxiques interdits tels que les néonicotinoïdes toxiques pour les abeilles, le chlorpyrifos nocif pour le cerveau ou le mancozèbe toxique pour la reproduction ! Et quand on regarde les demandes envoyées par les agriculteurs ou souvent par l’industrie des pesticides elle-même, on se rend compte qu’il n’y a aucune urgence ! Et que le soi-disant danger est complètement hypothétique, non prouvé, que des dérogations sont accordées pour maintenir le statu quo, empêchant les agriculteurs de passer à des pratiques moins nocives.

Pas d’alternative, vraiment ?

Dans le même ordre d’idées, dans leurs dossiers de candidature, les agro-industriels prétendent qu’aucune alternative n’existe, que c’est trop coûteux ou pas assez efficace. Mais comment diable les agriculteurs biologiques peuvent-ils cultiver la même culture de manière rentable ? Comment se fait-il que des dérogations soient accordées alors que d’autres pesticides de synthèse sont déjà approuvés pour le même ravageur ?

Alors… qu’est-ce qui ne va pas avec les États membres ?

Les dérogations sont généralement prévues systématiquement : vous en faites la demande, vous l’obtenez ! Les États membres utilisent ce système pour prolonger l’utilisation d’un pesticide sur le marché même s’il a été interdit. Les autorités nationales compétentes sont généralement liées aux ministères de l’agriculture qui favorisent l’agriculture intensive ! Ainsi, lorsque les néonicotinoïdes sont interdits pour protéger les abeilles… ils continuent d’être utilisés dans la majorité des États membres par le biais de dérogations. Et la Commission ne fait rien ? Malheureusement non ! La Commission européenne ferme les yeux sur les pratiques des États membres et n’exerce pas son rôle de gardienne des traités, afin de protéger la santé des personnes et l’environnement.

Pourquoi PAN Europe va-t-il en justice alors ?

Quand on regarde la loi, elle énonce quelques conditions pour accorder une dérogation. Vous avez d’abord besoin d’une urgence : un danger inattendu pour lequel une réaction urgente est nécessaire. Deuxièmement, il ne peut être fourni que s’il n’existe aucune alternative. Et enfin, la loi ne dit pas qu’en accordant une dérogation, l’autorité nationale compétente est autorisée à ne pas respecter les autres dispositions de la loi qui stipulent que les pesticides ne peuvent pas nuire à la santé des personnes et à l’environnement.

PAN Europe vise à clarifier les contours de la loi et à obliger la Commission européenne et les États membres à protéger la santé des personnes et l’environnement, pas le profit de l’agro-industrie !

Quelle est la procédure légale ?

PAN Europe, Nature & Progrès Belgique et un apiculteur belge ont d’abord poursuivi l’État belge en 2019 pour avoir accordé des dérogations à l’utilisation de néonicotinoïdes toxiques pour les abeilles sur la betterave sucrière. Nous avons demandé au tribunal administratif belge d’adresser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’UE afin de clarifier les grandes lignes des règles permettant aux États membres de prévoir des dérogations. La Cour belge a accepté notre demande pour plus de clarté et a envoyé, en février 2021, 5 questions préjudicielles à la Cour de justice de l’UE.

La France, la Hongrie, la Finlande, la Grèce et la Belgique sont intervenues dans l’affaire pour protéger le système actuel, ainsi que les producteurs belges de betteraves sucrières et l’industrie des pesticides/semences.

L’avocate générale rendra ses conclusions le 2 juin 2022 et la Cour rendra un arrêt quelques mois plus tard.